Je chanterai pour le Seigneur pour tout le bien qu’il m’a fait.

Publié le 17 Fév 2019
Je chanterai pour le Seigneur pour tout le bien qu'il m'a fait. L'Homme Nouveau

Seigneur, j’ai espéré en ta miséricorde. Mon cœur a exulté en ton salut. Je chanterai pour le Seigneur pour tout le bien qu’il m’a fait.

Jusques à quand, Seigneur, m’oublieras-tu ? Jusques à quand détourneras-tu de moi ton visage ?

(Psaume 12, 6, 1)

Thème spirituel : confiance, joie et chant

Cet introït qui est désormais intégré dans le répertoire des dimanches ordinaires, appartient, selon la forme extraordinaire, à la messe du premier dimanche après la Pentecôte. Or le premier dimanche après la Pentecôte, c’est la fête de la Sainte Trinité. Mais dans les communautés où l’on célèbre toute la semaine selon la forme extraordinaire, on reprend la messe du dimanche précédent chaque fois qu’il n’y a pas de saint à fêter, autrement dit tous les jours de féries. Pour ne pas utiliser dans ce cas le formulaire de la Sainte Trinité, qui lui n’est prévu que pour le dimanche qui suit la Pentecôte, le Graduel romain présente un autre formulaire de messe avec cet introït Dómine, in tua misericórdia.

Le texte de ce chant est emprunté au psaume 12 (13 selon l’hébreu) qui est une supplication individuelle assez poignante. Les premiers versets de ce psaume sont de toutes les époques mais rejoignent la nôtre en particulier, dans son ressenti souvent douloureux de l’absence de Dieu :

« Jusques à quand, Yahvé, m’oublieras-tu ? Jusqu’à la fin ? Jusques à quand vas-tu me cacher ta face ? Jusques à quand mettrai-je en mon âme la révolte, en mon cœur le chagrin, de jour et de nuit ? Jusques à quand mon adversaire aura-t-il le dessus ? Regarde, réponds-moi, Yahvé mon Dieu ! Illumine mes yeux, que dans la mort je ne m’endorme. Que l’adversaire ne dise : Je l’emporte sur lui, que mes oppresseurs n’exultent à me voir chanceler ! »

Mais notons bien que ces phrases ne sont pas celles d’un athée : elle proviennent d’un cœur profondément croyant et aimant qui souffre et ressent le besoin de Dieu. Elles nous aident alors dans nos épreuves personnelles, tandis que le doute, lui, nous fait chanceler et perdre pied. Il y a dans ces lignes un immense désir, une soif de Dieu, de plénitude, un cri d’espérance.

Et justement, ce psaume 12 se termine dans la jubilation et l’action de grâces. Le dernier verset qui a été retenu en grande partie par le compositeur (il manque juste, et c’est un peu dommage, la mention de la psalmodie : « que je joue pour le nom de Yahvé le Très-Haut ») est tout à la confiance et à la joie : « Seigneur, j’ai espéré en ta miséricorde. Mon cœur a exulté en ton salut. Je chanterai pour le Seigneur pour tout le bien qu’il m’a fait. »

Le message de cet introït est ainsi très riche : chacune des trois phrases mélodiques correspond à une attitude d’âme vraiment essentielle : la confiance en la miséricorde, la joie du salut, le chant qui émane d’un cœur débordant d’action de grâces pour les bienfaits reçus. L’espérance, la joie, le chant : ces trois attitudes sont intimement liées et découlent l’une de l’autre. Elles sont vraiment chrétiennes et missionnaires. À la source, se situe l’expérience de la miséricorde, le fait d’être sauvé par l’amour, un amour plus fort que le péché, plus grand que nos trahisons. La certitude de cet amour engendre la confiance, à travers même les épreuves de cette vie qui nous conduit vers l’éternité. La joie profonde fleurit alors en toutes circonstances, bonnes ou mauvaises, d’une existence habitée par la grâce. Et là où est la joie, là aussi est le chant qui dilate cette joie et l’amour qui en est le principe. Il fallait qu’un tel texte soit mis en musique.

Le fait que le compositeur ait interverti les versets du psaume en choisissant le dernier pour le placer au début et le premier, avec ses questions poignantes, pour le mettre à la fin, ne doit pas nous troubler, même si cette interversion est surprenante : il entend nous montrer justement que la confiance chrétienne, fondée sur la foi en la mort d’amour et la résurrection du Christ, jaillit avec vigueur, même des situations extrêmes dans lesquelles nous nous trouvons parfois plongés. Le message est d’autant plus stimulant : rien ne pourra jamais nous faire douter de l’amour du Seigneur et de sa miséricorde.

Commentaire musical
Domine in tua misericordia Partition

Pour un chant de confiance et de joie, le 5ème mode convient à merveille et c’est précisément celui qu’a choisi le compositeur. Ce n’est pourtant pas un introït éclatant et même si le bref sommet qui jaillit au milieu de la deuxième phrase, sur in salutári, est très expressif, il se situe entre deux passages mélodiques plutôt sobres, puisqu’ils ne se permettent pas (à une exception près) de dépasser la dominante du mode, en l’occurrence le Do.

L’intonation est très calme. On part du Fa et on y revient en passant par le Sol après avoir atteint le La. Cette intonation forme une petite courbe tranquille, fermement lancée sur l’accent de Dómine, puis bien déroulée jusqu’à la cadence en Fa que l’on pointe si l’on fait une intonation. Par contre, à la reprise de l’antienne, il convient de ne pas trop s’arrêter sur l’épisème de la clivis finale et d’aller vers la suite. La suite, sur in, prend appui sur le grave, mais de façon légère, avant l’élan qui conduit la mélodie jusqu’au La sur le deuxième syllabe de misericórdia. C’est le sommet mélodique, fort modeste, de cette première phrase. Il se situe néanmoins sur le mot important traduisant l’amour qui pardonne. Une détente suit aussitôt ce sommet, et la fin du mot se déroule avec légèreté, dans l’humilité. Le verbe sperávi est lui aussi mis en valeur par une remontée mélodique qui touche le Sib et se déroule dans un grand climat de confiance. La finale desperávi se termine comme celle de misericórdia et les deux mots importants de cette première phrase se répondent ainsi de façon bien expressive.

La deuxième phrase commence à peu près dans l’atmosphère de la première. Le verbe exsultávit monte doucement mais sans dépasser le La lui non plus. Il est préférable de partir au levé du rythme et de traiter le neume de l’accent de exsultávit comme un salicus, comme c’est indiqué d’ailleurs dans les manuscrits. Cela donne un peu plus d’élan et de légèreté à ce passage. Là encore, il ne faut pas trop s’attarder sur la clivis épisémée qui termine le verbe. On doit marcher vers la suite et la joie traduite par le verbe se manifeste juste après lui. Le mot cor est appuyé fermement, puis l’adjectif possessif meum, traité à l’unisson, est léger et en crescendo. C’est alors qu’arrive le sommet de la pièce, sur in salutári. On peut admirer le beau balancement mélodique qui conduit vers l’accent de salutári. La deuxième formule, quasiment identique à la première, prenant appui au grave et s’envolant vers les Mi aigu, renchérit avec beaucoup de légèreté, donnant l’impression d’un mouvement soudain d’exultation extatique. De fait, juste après, la mélodie revient sagement dans les limites supérieures de la quinte Fa-Do, et se fixe sur une cadence en Do, à la fin de la deuxième phrase.

Au début de la troisième phrase, on revient sans transition dans le grave, dans l’atmosphère de l’intonation. Le verbe cantábo et le nom du Seigneur, Dómino, sont traités on ne peut plus sobrement et gravement, sans dépasser le Sol puis le La, ce qui donne à entendre que le chant dont il est question est davantage un chant de l’âme, un chant intérieur. C’est le chant d’action de grâces de la prière intime qui se déploie dans les profondeurs de l’âme comblée par Dieu. L’accent de cantábo et celui de Dómino, sont pris au levé du rythme et la troisième phrase commence alors d’une façon très analogue à la seconde. Un petit crescendo sur la finale de Dómino permettra d’amorcer l’élan suivant, sur qui bona. L’accent du mot bona doit être pris avec beaucoup de complaisance et de chaleur, de même que la belle et large descente mélodique qui amène la cadence toute simple sur le La de la syllabe finale. La pièce se termine très calmement, selon la même formule mélodique déjà rencontrée deux fois sur misericórdia et sperávi, dans la première phrase, donnant à toute la pièce une unité profonde et une grâce d’intériorité.

Pour écouter l’introït, cliquer ici. 

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseFiducia Supplicans

Fiducia supplicans : L’Église copte orthodoxe suspend son dialogue avec l’Église catholique

Dans un communiqué daté du 7 mars, l'Église copte orthodoxe a annoncé suspendre le dialogue théologique avec l'Église catholique, et rappelle son rejet de toute perversion sexuelle, parmi lesquelles l'homosexualité. Cette décision survient près de trois mois après la publication de Fiducia supplicans, une déclaration autorisant les prêtres catholiques à accorder des bénédictions non liturgiques aux couples homosexuels.

+

église copte orthodoxe
A la uneChroniquesEglise

Défendre l’Église

Carte blanche de Judith Cabaud | Récemment, la chaîne de télévision KTO a programmé un film sur la vie de sainte Édith Stein, en religion sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, juive convertie et carmélite morte à Auschwitz en 1942. Cependant, ce film, Une rose à Auschwitz, produit soixante-seize ans plus tard, en 2018, après l’ouverture des archives du Vatican qui ont révélé tous les documents pertinents, dénonce encore l’Église catholique romaine comme « responsable » des faits au lieu de s’en tenir aux réalités.

+

pie xii Edith stein église
A la uneCultureEgliseLectures

Pierre Teilhard de Chardin : prophète ou hérétique ?

Le plus célèbre jésuite du XXe siècle fut autant admiré que controversé. Pierre Teilhard de Chardin fut le théoricien d’un « évolutionnisme théiste » que l’Église ne pouvait que condamner. Deux ouvrages parus dernièrement, une biographie et une analyse de ses enseignements, font le point sur la vie et les œuvres d’un religieux peu orthodoxe.

+

Pierre Teilhard de Chardin