Jean Breton n’en pense pas moins | Éloge d’Internet et du silence

Publié le 22 Oct 2020
Jean Breton n'en pense pas moins | Éloge d'Internet et du silence L'Homme Nouveau

Par pitié, taisez-vous ! Journalistes, politiciens, chroniqueurs, influenceurs, footballers à qui la célébrité confère apparemment le droit à des prises de position politiques, chanteurs, cinéastes… Un peu de silence.

Vous avez réussi l’exploit de saturer jusqu’à la nausée les journaux, puis la radio, la télévision, et maintenant Internet. Même sur ce dernier espace, virtuellement illimité, vous parvenez – à l’aide d’algorithmes aux financements douteux – à nous harceler en permanence. Impossible de rechercher une vidéo des meilleures répliques de Louis de Funès sans tomber sur le commentaire d’un chroniqueur athée à propos d’une encyclique ; de lire paisiblement un article le déroulé d’une guerre presque coloniale aux confins de l’Empire Ottoman sans subir le discours d’un sportif sur l’école à la maison, ce vivier du séparatisme catholique.

Ceux qui parlent de déconnexion, de déménager à la campagne sans Internet ou seulement de ne plus utiliser son smartphone à la maison se trompent de combat, et vous en êtes responsables. Internet est un outil extrêmement pratique ; son encombrement par vos babillages incessants en est l’altération. On en vient à s’amputer de relations sociales pour ne plus avoir à vous subir en permanence. La « dépendance » à son téléphone n’est grave que par l’addiction purement psychique à vos stimuli. Se plaignait-on d’une dépendance à La Poste quand les e-mails n’existaient pas ?

Vous, les politiciens, le reproche principal qui vous est fait est de ne pas agir conformément à votre programme. Pensez-vous vraiment qu’en envoyant un tweet polémique, rapprochant tel drame en Corrèze à votre programme en Finistère, vous soyez au service de votre électorat ? Votre place est au Palais-Bourbon, pas à la télévision à dénoncer, justifier, vous solidariser à une cause pour gagner un pourcent, vous en désolidariser (comprendre : jeter) dès que le public n’en veut plus.

Vous, les journalistes, qu’avez-vous appris ? Sans même parler d’objectivité, car c’est un leurre, où est votre honnêteté, quel est votre métier ? Êtes-vous des manipulateurs ou des informateurs ? Des idéologues ou des témoins ? Personne ne vous demande d’orienter l’actualité, de critiquer des experts, ou de vous moquer de la maladie qu’attrape un président de l’autre côté du lac. Rendez compte de l’état du monde, pas d’une vision ; de la réalité, pas de vos lubies (ou lobbies ?).

 Mais vous continuerez tant que cela marchera, tant que le Français votera pour le candidat que vous supportez, tant qu’il ne se lèvera pas contre les lois iniques que vous promouvez avec l’argent public. La prise de conscience est longue, mais elle est commencée. Si vous survivez aux révoltés de l’information qui arrivent, quel métier ferez-vous quand un meurtre à Paris ne sera pas une « urgence » à Château-Gontier ? À quoi occuperez-vous vos soirées quand votre avis de cinéaste ne sera pas demandé pour commenter une actualité enfin calmée ?

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