Comme chaque année depuis 7 ans, L’Homme Nouveau a lancé son concours d’écriture Jeunes Talents 2024 entre avril et juin. Cette année, le thème était : « Après la guérison de son serviteur par Jésus, que devient le Centurion de l’Évangile ? »
Nous publions ici les écrits que nous avons reçus. Les trois lauréats sont aussi publiés dans le numéro d’été (n° 1812), daté du 27 juillet.
Retrouvez toutes les productions dans le dossier thématique Concours Jeunes Talents 2024.
La Tunique
Un texte de Lise Massip
Le crépuscule tombait sur le lieu du supplice déserté.
L’apparition de la première étoile avait vidé les rues et les places de Jérusalem car le Shabbat commençait, le grand Shabbat de Pessah. La première étoile, certes, mais aussi une chape de malaise et d’étrangeté, des rumeurs d’évènements inquiétants concernant le Temple, un silence d’angoisse qui avait mis fin soudainement aux cris de fureur d’une foule hors de raison.
Il ne restait devant les potences des croix que quelques gardes. Un petit groupe autour d’une lanterne sourde posée à terre trouait le silence par les sons étouffés d’une querelle. Quatre hommes se disputaient une guenille que l’un d’eux essayait en vain de déchirer.
A l’écart dans l’ombre une silhouette dissimulée dans une longue cape à capuchon observait cette scène.
Les soldats avaient dû trouver un accord car ils s’accroupirent pour faire rouler des dés dans la flaque de lumière glauque de la lanterne. Celui que le sort venait de désigner se redressa vivement et s’empara de son butin. La lanterne fut éteinte et les quatre hommes se séparèrent, furtifs comme sont ceux qui ont fait un mauvais coup.
Le vainqueur, emportant son misérable trophée roulé sous le bras, descendit vers la ville, suivi à distance par l’homme qui les avait observés ; il marchait vite en rasant les murs. Arrivé à une fontaine, il s’arrêta, posa son paquet sur la margelle et entreprit de se laver les mains. Tout à coup, il perçut une présence et se retourna avec un sursaut de peur. Une voix sourde prononça quelques mots : « Dix mille sesterces pour cette chose que tu as gagnée… »
Le soldat recula d’un pas : dix mille sesterces, la solde de plusieurs années ! Cette guenille avait donc tant de prix ? L’idée d’un marchandage lui traversa l’esprit et, dans la clarté lunaire, on pouvait distinguer un rictus de ruse se former sur son visage.
L’homme répéta : « Dix mille sesterces. » En même temps, il écarta les pans de son manteau, dévoilant un uniforme militaire et dans sa main droite une épée courte. Un centurion ! Le soldat tendit à regret une main où tomba la lourde bourse et s’éloigna dans la nuit.
Le mystérieux négociateur, dissimulant sous sa cape l’objet de si grand prix, atteignit rapidement sa propre destination et avait à peine touché une porte que celle-ci s’ouvrit. Le serviteur qui l’attendait éleva sa lampe à huile et sa tête à la peau sombre et aux courts cheveux gris sortit de la nuit : un homme âgé, dont le type évoquait les peuples d’Éthiopie. Il remit la barre de la porte et sans un mot précéda son maître dans la maison vers une pièce où il accrocha le lumignon sur son lampadaire.
Le centurion déposa sur la table l’objet qu’il avait acquis et le déplia.
C’était un vêtement d’une couleur brun rougeâtre, maculée de tâches plus sombres. Les deux hommes debout regardèrent en silence, longtemps. La flamme qui consumait l’huile d’olive répandait une clarté d’une grande douceur.
Puis, à voix basse, cette question du serviteur :
« Est-ce son vêtement ?
– Oui. Tu vois cette grande trace à la hauteur des épaules ? C’est là que sur son dos lacéré il a porté le bois du supplice.
– Est-ce son sang ?
– Oui. Son sang, partout où le tissu a collé au corps.
– Ce vêtement n’est pas celui d’un homme puissant et riche, il est en simple laine.
– Il est étrange cependant, observe-le, on n’y voit aucune couture ! Il semble tissé de haut en bas, uniformément, avec finesse.
– Par des mains de femme ? La mère peut-être… »
Le maître et l’esclave retournèrent au silence, à leur contemplation et aux pensées secrètes qui leur venaient, dans la nuit.
***
Plusieurs lunaisons s’étaient écoulées. Julius Quintilius revenait à Jérusalem après une mission en Trachonitide où une agitation de zélotes avait inquiété le Procurateur.
Sans qu’il en comprît vraiment l’origine, un certain malaise avait maintenu son esprit dans l’incertitude, alors qu’il accomplissait les devoirs d’une carrière militaire jamais remise en question. Pendant cette période, sa pensée avait souvent été occupée par la tunique qu’il avait laissée chez lui sous la garde de Ayélé. Étrangement, il pensait à cet objet, somme toute assez misérable, comme à une personne à laquelle il aurait été lié. Il mettait en balance ce Jésus à la parole souveraine qui avait guéri Ayélé sans même l’approcher et le misérable au corps torturé pendu à la croix : tantôt le premier éclipsait l’autre dans sa mémoire, tantôt c’était l’inverse. La confiance aveugle qui l’avait jeté aux pieds de l’homme dont il avait entendu vanter les miracles, celui-ci l’avait nommée « foi, une foi exceptionnelle ». Il était vrai qu’en vivant en Israël, au contact d’une religion si différente de celle des Romains, il avait été attiré par cette idée d’un Dieu unique se révélant. A Kfar-Nahum où il avait été en poste, il avait appris l’araméen et construit des relations de respect avec la population, bien que sachant parfaitement qu’il était « impur » à leurs yeux selon leurs lois.
Quel regard le Nazaréen avait-il plongé dans son esprit pour y discerner une « foi » ? Julius ne refusait pas cette parole prophétique qui l’avait sondé en ses profondeurs secrètes, mais il lui semblait que les événements de sa propre vie découvraient et recouvraient tout à tour cette « foi » comme le ressac d’une mer. La mort du crucifié aurait dû la balayer définitivement et pourtant il n’en était rien : c’était à cause de la tunique. Une force s’était imposée à lui, il devait s’en emparer, la protéger contre la profanation. Maintenant, la tunique était dans sa demeure, que devait-il en faire ?
Dès son arrivée, l’esclave éthiopien lui décrivit les événements qui avaient agité Jérusalem. Rumeurs contraires les unes aux autres, hypothèses invraisemblables concernant ce qui était advenu du corps du « Roi des Juifs »… Mais subitement, ses disciples qui s’étaient d’abord cachés étaient réapparus en ville, proclamant que leur Maître s’était relevé d’entre les morts.
« Et voici que maintenant, dit Ayélé, des gens sont convaincus, changent de vie, mettent leurs biens en commun. Mais le plus étrange… ( Ayélé s’arrêta de parler, hésitant) le plus étrange, c’est leur joie… Et ces disciples font des miracles, des signes comme ils disent. Le bruit court que celui qui est désormais leur chef a guéri un paralytique en invoquant le nom de Jésus. »
« Qu’est-ce que cette joie ? » se demandait Julius.
En sa claire conscience, il avait pris la décision qui s’imposait quant à la tunique.
Dès le lendemain, il monta au Temple, parmi une foule qui se hâtait. Bien qu’il fût en tenue civile, on pouvait reconnaître l’officier romain à sa tête rasée, son visage glabre, son attitude autoritaire, mais les gens y étaient indifférents. Sous la colonnade de Salomon, on s’attroupait autour d’un homme d’un certain âge, à la carrure solide. Julius l’entendait parler d’une « pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs, devenue la pierre d’angle et cette pierre, c’était Jésus de Nazareth, que vous avez livré aux impies pour qu’il soit crucifié, Lui, l’innocent, alors que vous avez fait gracier un assassin ! »
Une rumeur douloureuse monta de la foule. Julius demanda à son voisin qui était cet orateur.
« C’est Simon bar Iona, surnommé Kepha.
– Oui, murmura une femme, c’est Pierre, le fils de la colombe, comme nous disons, nous autres… »
À ce moment, l’homme qui parlait tourna la tête et regarda Julius et celui-ci se sentit transpercé, mis à jour. Il attendit. Simon-Kepha renvoyait la foule et venait vers lui : « Je crois que tu as quelque chose à me confier. Je te reconnais. Tu peux me suivre si tu le veux. »
Et Julius suivit le pêcheur d’hommes.
L’aube pointait à peine lorsque trois hommes sortirent de Jérusalem par la Porte d’Ephraïm, se dirigeant vers l’ouest. Ils étaient à pied, Pierre ayant refusé l’offre de Julius de fournir des chevaux. Le centurion portait sur les épaules un sac de cuir de forme allongée où avait été roulée la Tunique protégée dans une pièce de lin.
Pierre lui en avait expliqué la valeur insigne : « Notre Rabbi bien-aimé s’est relevé d’entre les morts, nous l’avons vu vivant et touché de nos mains. Nous n’avons nul besoin d’objets qui nous fassent souvenir de Lui, car nous vivons chaque jour le mystère de sa présence, d’une manière que tu comprendras peut-être un jour. Mais tout ce qui rappelle sa Passion a une grande importance pour les temps à venir.
De même que certains de nos frères collectent et mettent par écrit les témoignages de ce que nous avons vécu avec Lui et de ce qu’Il nous a enseigné, la grâce nous est faite de pouvoir conserver et transmettre des traces tangibles de ces événements. Il nous faut sans tarder les mettre à l’abri, car les temps viennent, et c’est bientôt, où des persécutions chercheront à éliminer ces témoignages autant que les témoins. Si tu le souhaites, tu peux assurer la garde de la Tunique jusqu’à ce que nous lui trouvions un refuge sûr. »
C’est ainsi que Pierre, Julius et Ayélé s’étaient mis en route, tandis que le soleil derrière eux se dégageait des voiles de la nuit.
Ce voyage à pied fut pour Julius comme un éveil. Marcher auprès de Pierre était un compagnonnage qu’il n’avait jamais vécu. Cet homme allait de l’avant, comme libéré d’un fardeau, libéré de ce qui d’ordinaire rend le pas des vivants fatigué, pesant ou errant.
La route s’étirait dans une nature ressuscitée par un nouveau printemps. Les pluies du mois de Nisan revêtaient les petits vallons d’un manteau de lis des champs, ceux qui ne tissent ni ne filent mais que le Créateur a parés de pourpre. Le vent brassant les feuilles argentées des oliviers, le chant d’une tourterelle dans un bosquet de térébinthes, de hautes roches austères surplombant la route, tout était occasion d’une louange, d’un psaume prié à haute voix : « Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant… »
Julius et Ayélé ressentaient le rayonnement de cette joie, sa douce fièvre. Ils s’étonnaient en eux-mêmes qu’en cet homme d’apparence simple pussent se joindre une parole puissante d’exigence de vérité, sans concession, et cette allégresse légère, car ils ignoraient que c’était là le signe de l’Esprit.
L’Apôtre racontait les trois années passées auprès de Celui qu’il appelait « Notre-Seigneur » avec une tendresse respectueuse et nostalgique. Il nouait patiemment ensemble les fils de sa propre mémoire avec ceux des prophéties et des récits d’autrefois qu’il gardait sur les lèvres et dans le cœur, montrant que Jésus de Nazareth avait accompli entièrement la Parole, en un tissage sans rupture et sans couture. Comme avait fait le Maître, à sa manière humaine, il éclairait l’intelligence de ses compagnons.
Entre eux aussi, des liens s’établissaient autour du souvenir commun de la guérison miraculeuse d’Ayélé et celui-ci, humblement, témoigna de sa vie. Il évoqua l’Éthiopie de sa jeunesse, le légendaire royaume de la Reine de Saba, son enlèvement par des marchands d’esclaves, comment il avait été acheté par le père de Julius à Rome, puis au décès de celui-ci il avait servi Julius lui-même encore adolescent.
Le Romain écoutait en silence : il avait aimé Ayélé comme son propre père, mais que savait-il de lui en réalité, au-delà de ce modèle de service et de dévouement ? Un sentiment nouveau de honte et de remords le troublait.
Pierre lisait sur ce visage austère les remous de son âme.
La question qu’il attendait se formula : « Qui était-il ce Jésus de Nazareth, ton Maître, le Fils de l’Homme ?
– Cette Tunique ensanglantée que tu portes sur ton cou et tes épaules comme un joug, un joug si léger, n’est-ce pas ? cette Tunique est tissée en laine d’agneau. Jésus portait ce vêtement, et nul ne savait qu’Il était le Fils de Dieu, l’Engendré, la Parole de Dieu sortie du sein de Dieu, ayant revêtu un corps d’homme, un corps tissé dans le sein d’une femme, pour venir parmi les hommes. Dieu s’est fait vrai homme pour que nous puissions voir sa Face sans mourir, pour que tu Le connaisses, Lui le vrai Dieu. L’Agneau de Dieu s’est offert en sacrifice, Il a versé son sang pour nous racheter de nos fautes et nous sauver de la mort. »
Ils atteignirent en silence le sommet de la colline d’où on dominait la plaine de Saron, Jaffa et l’anse merveilleuse baignée par la mer, le port où, il y avait bien longtemps, accostaient les navires portant les fûts de cèdre et de cyprès durs qui avaient servi à construire le Temple de Salomon.
Le soleil se couchait. Julius, soudain, cessa s’entendre les bruits du monde, une paix profonde l’envahissait, la lumière était rouge, d’une extraordinaire douceur et il lui sembla qu’elle était comme une eau limpide où se diluait le Précieux Sang pour couvrir le monde. Puis il revint à l’instant présent et rejoignit ses compagnons qui descendaient vers la ville, parmi les bosquets de myrtes et de lauriers.
Ils se rendaient chez Simon le corroyeur.
Jésus était venu dans cette cité, ayant beaucoup marché sur cette terre qu’Il avait aimée. Partout où Il était passé, des gens, mystérieusement, s’étaient sentis appelés et avaient répondu à l’appel. De petites communautés s’étaient constituées dans la discrétion, vivant de l’Annonce, de la Bonne Nouvelle du salut, espérant le Royaume des Cieux. Ces hommes et ces femmes avaient reçu le témoignage de la mort et de la Résurrection du Seigneur. On les appelait « les saints ».
Simon le corroyeur était l’Ancien de la communauté de Jaffa.
C’est chez lui qu’ils allaient passer la nuit, avant de se rendre dès l’aube dans la demeure de Tabitha, une maîtresse tisserande qui avait réuni chez elle plusieurs femmes, veuves parce qu’ayant perdu un époux ou « veuves du monde », c’est-à-dire jeunes femmes ayant fait un vœu de célibat. Tabitha leur avait appris le tissage ainsi que le métier de tailler et coudre, et elles vivaient des fruits de leur travail, pratiquaient une charité active et consacraient un temps réglé à la prière.
Mais la maisonnée de Simon fut tôt réveillée par des coups à la porte. Des femmes en pleurs annonçaient que dans la nuit, Tabitha s’était sentie très mal et en peu de temps était morte.
Dans la vaste demeure, c’était le désarroi. Plusieurs tisserandes, selon la coutume, chantaient déjà l’éloge funèbre, se rappelant l’une à l’autre les mérites de Tabitha, sa force de caractère, sa bonté maternelle, sa douce autorité et tout ce qu’elles lui devaient : qu’allaient-elles devenir désormais ?
On apportait les manteaux et les tuniques fabriqués à l’atelier, les plus beaux sortis des mains de Tabitha, capes de laine fine, robes brodées, manteaux commandés par des notables… Pierre ramena le calme et demanda à voir la défunte, dont le corps lavé avait été déposé dans la chambre haute. Il y monta avec Julius.
Dans ce lieu de silence et de paix, la lumière du jour naissant entrait à peine et se posait délicatement sur la forme allongée, aussi simplement que ce qui allait se passer : Pierre étendit les mains au-dessus de la défunte et pria au nom de Jésus. La femme ouvrit les yeux et s’assit. Julius fut saisi d’une crainte incontrôlable, d’une peur sacrée et se cacha les yeux.
Il tremblait encore quand Pierre présenta Tabitha vivante à ses sœurs.
Quand la tempête de joie et d’actions de grâce se fut apaisée, Pierre demanda à Julius de leur montrer la Tunique. C’était en ce lieu qu’elle allait être mise à l’abri et conservée jusqu’à ce que Dieu en décidât autrement. Tabitha fit chercher un coffre d’albâtre magnifiquement ouvragé et l’on y déposa la relique sacrée. Puis, Pierre récita l’épisode de la tunique ensanglantée de Joseph vendu par ses frères, fit chanter des psaumes et célébra le rite mystérieux du pain rompu pour la communauté et les saints qui s’étaient rassemblés, dans un recueillement et une émotion profonde.
Plus tard, Julius demanda à Pierre pourquoi avoir confié ce dépôt précieux à ces femmes vulnérables.
« Tu voudrais sans doute une forteresse et des soldats armés ? Elles montent la garde fidèle de l’amour et peuvent y sacrifier leur vie. Tu sais que nous accordons une grande importance à la mémoire et que la mémoire a besoin de repères. Nos frères se souviendront que la Tunique a été confiée à des tisserandes de tuniques. Qui sait où, dans les siècles des siècles, la mènera son destin de témoin ? »
La nuit qui suivit, Julius fit un songe.
Il se trouvait en un lieu de lui-même et voyait le Crucifié comme s’il se trouvait au-dessus de la Croix. La tête sainte, sanglante et couronnée d’épines terribles, ployait en avant, dégageant la nuque et entraînant les épaules et les bras dans une torsion effrayante. Une voix, à la droite de Julius lui parlait calmement : « Ici est la vraie force, dans la parfaite obéissance. »
Il s’éveilla en sursaut, glacé de la tête aux pieds par un froid de mort.
Il se souvint de ce qu’il avait dit à Jésus, quand il ne savait pas encore que cet homme était le divin Messie : « Moi qui suis un subalterne, j’ai sous moi des soldats, et je dis à l’un : Va, et il va. Et à mon esclave : Fais ceci, et il le fait… » Oui, il avait dit cela avec la certitude que Jésus pouvait tout accomplir s’Il le voulait, qu’Il pouvait sauver de la mort, mais lui-même ne comprenait pas alors la raison et le sens de cette certitude : il n’était pas digne ! Et le Seigneur, dans sa suprême clairvoyance avait vu, en lui le Romain, la présence cachée, pas encore consciente, de sa foi en la Vérité et la Toute-Puissance de Dieu.
Julius savait maintenant à qui il obéirait librement désormais, qu’il aimerait plus que tout la Volonté du Père. Là serait sa force, quoi qu’il en coûtât. Longtemps, il pleura, avec reconnaissance.
Sur le chemin du retour, d’autres paroles encore furent dites, pour soulever le voile sur d’autres mystères. Désormais, il s’agissait de vivre.
On rencontra un ruisseau gonflé par des pluies au loin : « Y a-t-il un obstacle à ce que je sois baptisé ? »
Ils descendirent sur les berges et Pierre immergea Julius, puis Ayélé le demanda à son tour et ils furent baptisés au nom du Père et du Fils et de l’Esprit Saint. En sortant de l’eau, ils se donnèrent le baiser de paix.
« Mon très cher Ayélé, Je t’aimais comme un père, pourtant je ne pensais pas à te rendre la liberté, pardonne-moi. Désormais, nous sommes frères et c’est Jésus, le Fils de Dieu, qui te libère. »
Plus tard, quand les temps furent venus, Julius fut le compagnon de l’Apôtre Matthieu appelé à évangéliser l’Éthiopie. Il ramenait ainsi Ayélé vers la terre de ses pères. Il se peut que Julius y ait reçu la palme du martyre, ultime appel au don de soi-même, à la pleine lumière.
C’est ainsi que ceux qui avaient été le maître et l’esclave disparurent dans l’oubli de l’Histoire des hommes.
Lise Massip
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