Jubilé 2025 (4/4) : Le pèlerinage, une démarche expiatoire ou spirituelle ?

Publié le 15 Jan 2024
pèlerinage
Le Saint-Siège attend près de 40 millions de pèlerins à Rome durant l’année jubilaire. Mais d’où vient cette tradition chrétienne du pèlerinage ? Dès avant le Moyen Âge, elle se développe comme démarche de pénitence et d’expiation. Mais au fil du temps, avec l’affaiblissement du pouvoir temporel, elle finit par être infligée comme châtiment pour les crimes graves par l’autorité religieuse.

  Démarche religieuse, invitation à dépouiller le vieil homme et se détacher de biens trop terrestres, le pèlerinage peut, en certaines circonstances, à certaines époques et en certains contextes, se muer en peine judiciaire autant qu’en pénitence. Non sans risque de dérives.  

Un pèlerinage pour expier

C’est dans le monde celtique au VIe siècle, lorsque commence à se développer la pratique de la confession auriculaire, qu’apparaît, s’agissant de fautes très lourdes, que le jeûne et les pénitences ordinaires sont jugés trop bénins pour expier, l’usage d’imposer à de très grands pécheurs l’obligation d’effectuer un pèlerinage lointain, donc long et dangereux, le pardon et la réintégration dans la communion des fidèles étant subordonnés à l’exécution scrupuleuse de la peine attestée par une autorité religieuse, faute de quoi, rentrer chez soi s’avère impossible, l’accès aux sacrements aussi, sauf in articulo mortis. La pratique du pèlerinage expiatoire judiciaire se développe dans l’Europe carolingienne mais elle s’intensifie aux Xe et XIe siècles, quand la déliquescence croissante du pouvoir temporel transforme certains grands seigneurs en prédateurs désormais hors contrôle sur lesquels le roi n’a plus d’autorité et qui se croient tout permis, jusqu’au pire, certains de leur quasi-impunité. Cette impuissance du souverain contraint l’Église à prendre la relève et imposer son propre droit, ses propres peines, dans l’espoir de canaliser violence et crimes qui resteraient sinon impunis. Seule capable de lier et de délier en ce monde comme dans l’autre, elle possède sur des hommes qui conservent une certaine crainte de la damnation un moyen de pression absolu et n’hésite pas à s’en servir. Le droit canonique supplée dès lors un droit civil devenu inapplicable faute d’autorité légitime pour faire justice, prérogative royale par excellence dont le rétablissement sera, en 987, une priorité d’Hugues Capet. L’Église conserve donc ce moyen de pression et peut châtier, sans faire couler le sang, les grands coupables en les contraignant, sous peine d’excommunication, à un pèlerinage plus ou moins lointain. La sanction prend dès lors double valeur, sociale et religieuse. Sociale car elle équivaut…

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Anne Bernet

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