Après San Francisco samedi, Paris, dimanche, la Marche pour la vie (March for Life) de ce lundi à Washington a été un plein succès. Des centaines de milliers de marcheurs, dont une très forte proportion de jeunes, ont défilé pacifiquement pour demander le respect de la vie naissante à l’occasion de l’anniversaire de l’arrêt Roe vs. Wade, de la Cour suprême légalisant l’avortement aux États-Unis en 1973 et ouvrant certainement une brèche mondiale par l’effet de l’exemple.
C’est en 1975, en effet, soit deux plus tard, que l’avortement sera légalisé en France, avant d’être remboursé par la Sécurité sociale. Selon ses défenseurs, cette loi devait à l’origine concourir à la diminution des avortements, alors clandestins, et l’avortement légal n’était perçu que comme un recours ultime. Au final, l’avortement est aujourd’hui considéré comme absolument normal, voire comme une solution contraceptive parmi d’autres. La loi l’a fait entrer dans les mœurs. Cette banalisation est l’un des échecs de cette loi (au-delà de l’aspect strictement moral).
Depuis des années, des mesures favorables à la vie ont été prises aux États-Unis, preuve que le combat pro-vie donne des résultats, même si des excès ont été commis. À sa manière, la « March for Life
» a permis de faire avancer les choses, par une prise de conscience de plus en plus grande qu’un avortement n’est pas un acte banal et qu’il entraîne aussi des conséquences pour la mère et sa famille ainsi que pour la société entière.
À ce sujet, l’un des grands efforts que nous aurions tous à mener consiste certainement à cesser, selon un travers bien français, à réduire le catholicisme à un aspect de la défense de la vie.
La culture de la vie, promue par les papes, a une ambition beaucoup plus vaste que ce à quoi nous la réduisons le plus souvent. Elle implique de s’opposer à l’avortement et de trouver des solutions concrètes pour éviter d’avoir recours à celui-ci. Elle implique également de s’occuper des personnes en fin de vie, dans le respect de leur dignité. Mais elle implique aussi de ne pas réduire la vie à ses deux termes.
Entre les deux, il y a toute la vie. Dans ce cadre, la famille a une importance primordiale, qui ne se limite pas à la défense des allocations familiales mais qui vise à la remettre véritablement à la base de la société. Ce qui serait un changement de perspective déterminant. Il y a aussi la vie économique, en n’oubliant pas que les systèmes économiques modernes ne sont pas neutres, qu’ils reposent sur une anthropologie à l’inverse de la vision chrétienne et que leurs conséquences rejaillissent directement sur la vie elle-même. Il y a, enfin, les pauvres, mais il faudrait dire, il y a d’abord les pauvres. Nous n’avons pas le droit de choisir entre le fœtus qui est un pauvre à sa manière et les pauvres qui sont dans nos rues. Des amis américains étaient à la fois à Wall Street avec les Indignès pour leur expliquer que la doctrine sociale indiquaient les vrais principes pour répondre à leur indignation et à Washington pour manifester pour la vie.
Dès La Didachè (fin du Ier siècle), les chrétiens ont refusé l’avortement : « tu ne tueras point l’enfant par avortement et tu ne le feras pas mourir après sa naissance. »
Mais plus loin, cet antique texte évoque aussi clairement les pauvres :
« Qui sont loin de la bonté et de la patience, qui aiment les vanités, qui courent après la rétribution, qui n’ont pas pitié du pauvre, qui n’ont pas compassion de l’être accablé, ceux qui ne connaissent pas Celui qui les a créés, les meurtriers d’enfants, les corrupteurs de l’oeuvre de Dieu, ceux qui se détournent de celui qui est dans le besoin, qui accablent celui qui est dans les tribulations, les avocats des riches, les juges iniques des pauvres, coupables de tous les péchés. Enfants, fuyez tous ces gens-là. »
Pour les chrétiens du premier siècle comme pour nous aujourd’hui, le christianisme porte cette double exigence.