La cause des Vendéens progresse

Publié le 03 Mar 2017
La cause des Vendéens progresse L'Homme Nouveau

Lorsque votre livre Le génocide franco-français, la Vendée-Vengé a été publié en 1986, quelles ont été les réactions ?

Reynald Secher : Il faut distinguer trois types de réaction. La première était très favorable, notamment de la part des descendants des Vendéens et du grand public, ce qui s’est traduit par un immense succès populaire notamment à la suite de l’émission Apostrophe, le 11 juillet 1986, à laquelle j’ai dû faire face à quatre contestataires et non des moindres.

La deuxième a été une certaine réserve de la part des médias, à quelques exceptions près comme Le Figaro Magazine avec un article très remarqué du grand journaliste philosophe Jean-­François Revel qui a pris ma défense avec vigueur. Quand à la troisième, ­elle m’était ouvertement hostile au nom du principe que la Révolution ne devait pas être salie. Tout a été dit et fait en la matière notamment par les enseignants. Les conséquences pour moi ont été extrêmement pénibles, c’est un euphémisme, car j’ai dû démissionner de mon poste d’enseignant et je n’ai jamais pu être élu à l’université. Les attaques ont été extrêmement violentes et certains ont pris des moyens à mon égard iniques n’hésitant à s’en prendre à ma famille comme à ma grand-mère – accusée d’avoir collaboré durant la Seconde Guerre mondiale alors que c’était une résistante notoire – et à mes propres enfants : j’ai dû, par exemple, déscolariser un de mes fils. Même avec le temps jamais la situation ne s’est calmée et je suis toujours interdit de médias publics en tant qu’historien voire même de certains salons comme celui de Blois en novembre dernier.

Cet ouvrage de Jacques Villemain donne une dimension nouvelle à votre travail de pionnier.

Vendee secher

Vous avez raison. J’ai fait un travail d’historien avec mes propres méthodes puisque c’était un sujet totalement nouveau, qui n’avait jamais été travaillé au sein de l’université, qui partait du principe qu’on ne pouvait pas le faire faute de documents. J’ai d’abord vérifié si cette assertion était vraie. En fait, la situation était inverse, ce qui a donné naissance à un travail considérable de collectage, de reconstitution de données et de mise en perspective.

Grâce à cette méthode rigoureuse, car scientifique, j’ai constaté qu’il y avait eu un massacre et une destruction de masse qui visaient les Vendéens en tant que tels. Tout logiquement, je me suis posé trois questions. Qui a conçu et mis en œuvre cette politique et au nom de quoi ? Quels moyens avaient été mis en œuvre sur le terrain ? ­Pouvait-on établir des bilans humains et matériels ?

Contrairement à ce qu’on voulait faire croire, ce qui s’était passé en Vendée ne correspondait pas à un dérapage dû à des initiatives locales, mais était bien le fruit d’ordres donnés au plus niveau de l’État. À l’époque, je n’avais pu remonter la chaîne que jusqu’à la Convention. Ce n’est qu’en 2011, grâce à la découverte des ordres originaux que j’ai pu démontrer que c’était le Comité de salut public qui en était à l’origine.

La démarche de Jacques Villemain, en tant que juriste, est d’une tout autre nature car il raisonne au regard du droit international actuel. Sa question est simple : si les faits se produisaient aujourd’hui, comment seraient-ils qualifiés : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide ? Il en conclut que nous retrouvons ces trois crimes dans la Vendée. Je rappelle toujours que le crime de génocide est un crime imprescriptible donc par nature rétroactif et c’est au nom de cette imprescriptibilité et de cette rétroactivité qu’on a pu juger les crimes commis par les nazis et qualifier le crime commis à l’encontre des Arméniens.

Ce travail de Jacques Villemain est donc d’une très grande importance car non seulement il clôt un débat qui n’avait pas de raison d’être sinon pour des raisons idéologiques et politiques, mais il est le tremplin qui va permettre dans l’avenir de repenser bon nombre de crimes commis par les révolutionnaires notamment durant la Terreur.

Est-ce qu’à l’époque on avait conscience de l’originalité du crime commis en Vendée ?

Indiscutablement tant au niveau des bourreaux que de certains contemporains. Au niveau des bourreaux, ils sont très clairs à ce sujet : il s’agit bien d’exterminer tous les habitants et d’anéantir leurs biens. Ils précisent même qu’il faut exterminer de préférence les femmes « sillons reproducteurs » et les enfants car « futurs brigands ». Les lois et les ordres donnés, contrairement à ce que certains négationnistes disent, ne sont nullement ambigus en la matière. Si certains contemporains sont enthousiastes, d’autres, militaires, journalistes, témoins oculaires etc., se disent scandalisés. Gracchus Babeuf, horrifié, se sent le besoin impérieux de dénoncer ce crime d’État dans un ouvrage qui doit servir de base pour juger Carrier. Il cherche, en vain, un mot dans le vocabulaire du moment pour caractériser ce crime. N’en trouvant pas, il invente le néologisme populicide.

Comment vont réagir ceux qui persistent à nier le génocide des Vendéens ?

Cet ouvrage au fond est difficilement attaquable car c’est une démonstration magistrale qui de facto place tous ceux qui nient ou qui relativisent le génocide des Vendéens dans le camp des négationnistes. Il faut dire que depuis trente ans, leur position était de plus en plus difficile à défendre. Je constate d’ailleurs, avec le recul, trois grandes étapes dans l’évolution de cette pensée. La première a été le rejet et la négation de tout mon travail : ces négationnistes avaient pour eux les titres, les fonctions, les statuts.

D’ailleurs c’est grâce à cela qu’ils ont réussi à m’éjecter de l’enseignement et à m’interdire de tout colloque, du moins en France. Avec le développement des médias parallèles, je suis devenu de plus en plus audible et visible, d’autant que j’ai pris la précaution de publier les documents – notamment les lois votées, les ordres donnés etc. – que ces négationnistes persistaient à nier, certains n’hésitant pas à dire que je les avais fabriqués. Durant cette deuxième période, ils se sont réfugiés derrière un argument stupéfiant qui disait qu’il n’y avait aucun rapport entre les lois, les ordres donnés et ce qui s’était passé sur le terrain. Dans un troisième temps, avec la parution de mon livre Du génocide au mémoricide et la publication des petits bouts de papier, ils se sont dits scandalisés, certains n’hésitant pas à dire que ces documents n’existaient pas ou que je les avais fabriqués. Avec la parution du livre de Villemain, leur situation va devenir indéfendable.

Espérez-vous que ce livre fasse avancer la cause des Vendéens ?

Comme le souligne Jacques Villemain, il y a trois dimensions à ce problème. La première est la reconnaissance du génocide proprement dit et seule une loi peut la permettre. Je suis persuadé qu’à plus ou moins brève échéance elle sera votée au nom de la justice et de la vérité.

Deuxièmement, nous nous devons de retirer ces lois d’extermination et d’anéantissement qui n’ont jamais été abrogées et donc qui font toujours partie de notre arsenal juridique. Une proposition de loi a été faite en ce sens au niveau du Sénat. J’espère qu’avec la publication de ce livre, la loi sera votée. Malgré cette reconnaissance du génocide et l’abrogation des lois reste le problème de la connaissance du crime commis. Je pense qu’il y a là un énorme travail à faire notamment au niveau de l’enseignement.

Reynald Sécher, Vendée, du génocide au mémoricide : mécanique d’un crime légal contre l’humanité, Cerf, 250 p., 24 €.

Sur le même sujet, voir l’entretien avec Jacques de Villemain.

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