La GPA, ou comment le transhumanisme voudrait faire de nous de purs esprits

Publié le 14 Oct 2018
La GPA, ou comment le transhumanisme voudrait faire de nous de purs esprits L'Homme Nouveau

La gestation pour autrui (GPA) peut sembler un projet encore lointain pour les Français, elle est pourtant à nos portes en Angleterre, en Russie, dans une dizaine d’États américains… En 2009, le Pacs ne devait pas ouvrir au mariage homosexuel, en 2013, le mariage homosexuel ne devait pas ouvrir à la PMA pour toutes. Peut-on encore affirmer que la PMA pour toutes ne conduira pas à la GPA ?  La Fondation Jérôme Lejeune publie donc un manuel sur le sujet, qui éclaire de manière très précise et didactique les enjeux de ce procédé. 

Entretien avec Victoire De Jaeghere

Propos recueillis par Adélaïde Pouchol

La Fondation Jérôme Lejeune est d’abord connue pour son travail de recherche et son accompagnement des personnes porteuses de trisomie 21. Quel lien pourrait-il y avoir avec la GPA, à laquelle elle vient de consacrer un livret ?

La question de la GPA ne touche pas directement celle de la trisomie 21 mais la Fondation Jérôme Lejeune se soucie des questions bioéthiques, ce que stipulent ses statuts. La GPA, malgré la dimension sociale et politique que lui donnent les médias, est d’abord un acte technico-scientifique puisqu’elle suppose de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA), laquelle entre directement dans le champ de réflexion et d’action de la Fondation Jérôme Lejeune. Je souligne que la PMA implique une sélection des embryons conçus in vitro, notamment par le dépistage pré-implantatoire. Or la révision de la loi de bioéthique risque d’étendre cette sélection à la trisomie 21. Si c’est le cas, la GPA supposera, par conséquent, la possibilité de supprimer les embryons trisomiques et de faire des enfants à la carte, portés par autrui. 

Si l’on peut effectivement établir un lien de continuité entre PMA et GPA, reste qu’il y a un fossé énorme entre ces deux pratiques, notamment parce que la GPA contrevient au principe d’indisponibilité du corps humain par le recours aux mères porteuses. Il y a ainsi de nombreuses personnes qui se disent opposées à la GPA tout en étant favorables à la PMA. Le lien de continuité entre ces deux pratiques serait-il exagéré ?

Encore une fois, la GPA suppose la PMA, le lien entre les deux est donc nécessaire. Mais il y a effectivement une différence dans la mesure où le processus de la PMA se déroule au sein d’un couple alors que la GPA requiert un tiers, la mère porteuse. Il y a, derrière la GPA, comme derrière la PMA, une même fracture dans la filiation. Il est fondamental de ne pas se focaliser sur les problématiques spécifiques à la PMA « pour toutes » et à la GPA mais de revenir toujours au fond du problème que posent ces pratiques : l’artificialisation de la reproduction humaine et la tournure eugéniste que prennent les pratiques d’assistance à la procréation.

La GPA implique la PMA ainsi que, le plus souvent, une contrepartie financière pour la mère porteuse. On pourrait néanmoins imaginer une GPA qui ne passe pas par la PMA – la mère porteuse concevant naturellement l’enfant avec le père commanditaire – et pratiquée de manière totalement gratuite. N’y aurait-il pas une forme de GPA « éthique » ?

Il y a sans doute des adultères qui sont pratiqués avec les meilleures intentions du monde… Car c’est bien de cela qu’il s’agit, lorsque l’on va voir une autre femme ou un autre homme, que ce soit par commerce ou par « altruisme ». Cela reste une atteinte au couple et à ce que prévoit la loi dans le cadre du mariage, tout simplement. Enfin, les GPA « éthiques » n’existent pas : cette pratique est d’abord un commerce, qui échange une marchandise, à savoir l’enfant. Quand bien même ses promoteurs appelleraient cela des « dédommagements », cela reste un acte commercial. Enfin, parler de GPA « éthique » pour des femmes ou des hommes stériles, c’est nier la distinction, pourtant essentielle pour penser un acte du point de vue moral, entre l’intention et la réalisation. Il est bon et légitime de vouloir un enfant mais il faut faire attention à la manière dont on réalise ce désir. L’intention peut être bonne, la réalisation beaucoup moins. Il n’y a pas de place pour le machiavélisme dans la reproduction humaine : la fin ne justifie pas tous les moyens. Surtout quand la fin est un être humain. 

L’un des arguments avancé en faveur de la GPA est celui des enfants déjà nés ainsi à l’étranger. Il faudrait donc légaliser cette pratique pour encadrer juridiquement un état de fait et garantir à ces enfants un statut. Qu’en penser ?

C’est la circulaire Taubira qui, en janvier 2013, a promu la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger. L’argument employé est celui de l’intérêt de l’enfant : il serait injuste que l’enfant soit, par la faute de ses parents, privé d’identité légale. Mais cela est un faux argument que l’on brandit sous le vocable des « Fantômes de la République ». En réalité ces enfants ne sont pas privés d’identité puisqu’ils sont inscrits à l’état civil de leur pays de naissance. 

Ce n’est donc pas l’intérêt de l’enfant qui est ici en jeu mais celui des parents qui veulent à la fois contourner la loi française et profiter de ses avantages. Le véritable intérêt de l’enfant est d’empêcher le développement de la GPA en France et pour cela d’empêcher l’impunité en France pour des GPA réalisées à l’étranger, sous peine d’en développer la pratique sur le territoire national. 

Aujourd’hui, une personne sur 4 est née par PMA. Or, jusqu’à preuve du contraire, ces personnes ne se portent pas plus mal que les autres. N’aurait-on pas exagéré la force du lien mère-enfant in uteroou les conséquences des manipulations embryonnaires ?

La PMA ne supprime pas le lien mère-enfant in utero ! C’est bien la mère qui porte son enfant et la vie prénatale est préservée, sinon au moment de la conception, du moins pour tout le reste de la croissance. Bien sûr que ces personnes nées sous PMA, pour la plupart, vont bien et c’est tant mieux. La question n’est pas là. Elle est posée par le mensonge qui sous-tend la pratique de la PMA, redoublé par la GPA. La PMA nie la nécessité de l’accouplement, la GPA nie la nécessité de la gestation. De bout en bout de la procréation, il n’y a plus de place pour l’amour matriciel, c’est-à-dire l’amour intime qui lie la mère à son enfant. Les partisans de la GPA brandissent souvent des études qui remettent en cause l’existence du dialogue materno-fœtal, mais c’est un mensonge qui consiste à montrer que la gestation se réduit à un ensemble de processus biochimiques. C’est la même logique qui sous-tend la loi Veil, qui envisage l’enfant comme un corps étranger présent dans le corps de la mère. C’est tout simplement un mensonge sur l’amour, ce qui est extrêmement grave sur le plan philosophique. La procréation n’est plus un enfantement, c’est devenu une production. 

Le manuel de la Fondation Jérôme Lejeune sur la GPA est divisé en plusieurs chapitres dont l’un est consacré au transhumanisme. On a coutume d’associer cette idéologie à un ensemble de techniques extrêmement perfectionnées. Or la GPA ne suppose finalement que le recours aux techniques de PMA qui ne font que reproduire en laboratoire ce que la nature fait depuis toujours : on est bien loin d’une invasion de robots !

C’est précisément dans l’artificialisation de la procréation que se situe le problème, et donc dans la PMA pratiquée par fécondation in vitro. En outre, le fait de porter un enfant pour quelqu’un d’autre ouvre clairement la voie à l’ectogenèse, c’est-à-dire à la gestation dans un utérus artificiel. Ce projet est explicitement présenté par de nombreuses organisations transhumanistes. Cette pratique doit permettre de contrôler très précisément le développement de l’embryon tout en laissant « la mère d’intention » absolument libre dans son travail, ses activités, sa sexualité. La révolution technique opérée par la PMA a été exploitée pour la GPA mais sera poussée plus loin, dans une logique de fabrication d’enfant sans le corps, car c’est bien cela qui est à la source du transhumanisme : le désir d’un esprit débarrassé du corps. Alors, pourquoi s’encombrer d’une grossesse dont ils ne veulent pas voir les avantages ? Au fond, les transhumanistes veulent devenir de purs esprits, c’est-à-dire des anges. Mais face à l’utopie transhumaniste, l’interpellation pascalienne demeure : « Qui veut faire l’ange, fait la bête ».

Le manuel de la Fondation Lejeune est gratuit.
Vous pouvez le commander sur
 le site : www.fondationlejeune.org/manuel-gpa

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