La laïcité, religion séculière

Publié le 10 Sep 2013
La laïcité, religion séculière L'Homme Nouveau

Avec sa Charte de la laïcité, Vincent Peillon a fait des remous et s’est offert une publicité à bon compte. Depuis que la communication a remplacé la politique, exister pour un élu ou un ministre consiste avant toute chose à alimenter le bruit médiatique, quitte à ne rien réussir sur le terrain. À ce petit jeu de la société du spectacle, un autre ministre, celui de l’Intérieur, représente le parfait champion.

Présenté comme l’opposant au garde des Sceaux, Christine Taubira, égérie jusqu’au-boutiste de l’idéologie droit-de-l’hommiste, Manuel Valls passe pour un dur, presque pour un homme de droite, en tous les cas pour un Républicain droit dans ses bottes. Mais pendant ce temps-là, Marseille est à feu et à sang, d’autres villes de France prennent le même chemin et le maire de Lessay (50) ainsi qu’une grande partie de son conseil municipal démissionne après les vols punitifs exercés par les gens du voyage mécontents des décisions de la commune. Et les chiffres parlent ! Publiés par Le Figaro aujourd’hui, ils montrent un accroissement de l’insécurité.

Dans ce contexte, le gouvernement n’a pas d’autre urgence que d’imposer toujours un peu plus son idéologie. La laïcité en constitue évidemment un pont avancé. On s’offusque de cette laïcité intolérante, qui viserait surtout la communauté musulmane (mais sans le dire), au risque de lui faire subir les mêmes avanies que les catholiques en 1905.

livre peillon

Le sectarisme de Vincent Peillon est évident. Ces sous-entendus politiques également, même si le catholicisme est également en ligne de mire. Reste que la laïcité, dans sa dernière version, est remise en cause dans ses points d’application – aujourd’hui cette Charte peillonesque –, mais jamais dans son fondement. On oublie trois choses la concernant. Elle constitue un détournement. Elle est une arme par destination. Elle représente une falsification de la religion.

Pour faire (trop) vite, la laïcité – Pie XII fut obligé de parler d’une « saine laïcité » – est née dans un contexte chrétien, par cette distinction entre ce qui relève du prêtre (et non entre la religion et l’absence de religion) et ce qui ne relève pas de son mandat. Cette distinction de deux éléments reposait sur une unité fondamentale que le laïcisme moderne a cherché à faire exploser depuis la Réforme et les Lumières. On cite souvent la phrase de Chesterton sur les vertus chrétiennes devenues folles. C’est exactement le cas ici. La laïcité a été détournée de son terreau naturel, et Chesterton en donne exactement la raison et surtout les effets : « Quand un certain ordre religieux est ébranlé – comme le christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des vieilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude. Nous voyons des savants épris de vérité, mais leur vérité est impitoyable ; des humanitaires uniquement soucieux de pitié, mais leur pitié – je regrette de le dire – est souvent mensongère. » Ce mensonge touche également la laïcité à la sauce Peillon, le dernier avatar d’une longue série.

Ce détournement conceptuel opéré, la laïcité est devenue une arme anti-religieuse par destination. Elle n’avait pas été forgée dans ce dessein, elle est utilisé ainsi dans une acception révolutionnaire.

Ce détournement est devenu tel que la laïcité s’est transformée elle-même en religion séculière dont le dieu est l’absence de Dieu et qui entend bien donner une explication globalisante du monde, de l’univers et de la destinée humaine. Elle a, avec Monsieur Peillon, son grand-prêtre et avec les nombreuses associations qui vivent dans ce sillage son bas clergé et ses thuriféraires. Elle manque étrangement de fidèles car la vieille religion imprègne encore les consciences. Vincent Peillon le sait. C’est pourquoi il entend afficher dans les écoles les règles du nouveau culte. C’est une frappe préventive comme on dit dans une autre affaire qui risque de donner le pouvoir d’un pays aux islamistes. À défaut d’être logique, la politique du gouvernement nous montre bien qu’elle est avant tout idéologique. Il s’agit d’enfermer le réel dans un système de pensée subversif.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe
SociétéEglise de France

Pandémie : un avant-goût de la restriction des libertés fondamentales ?

Entretien | Le colloque « Pandémie, Droit et Cultes » s’est tenu à Paris en mars 2022. Ses actes rappellent qu’entre 2020 et 2022, les prérogatives de l’État ont été augmentées de manière extraordinaire au détriment des libertés essentielles, dans un renversement complet de la hiérarchie des biens. Une situation dangereuse qui pourrait bien se reproduire sous des prétextes variés. Entretien avec Guillaume Drago, co-organisateur du colloque et professeur de droit public à l’université de Paris-Panthéon-Assas.

+

pandémie liberté de culte