La liberté scolaire : un thème qui passionne les parents et les profs

Publié le 12 Avr 2019
La liberté scolaire : un thème qui passionne les parents et les profs L'Homme Nouveau

Si les pédagogies alternatives ont le vent en poupe et si les écoles indépendantes sont toujours plus nombreuses, le poids de l’Éducation nationale reste très lourd et beaucoup d’établissements peinent à trouver les méthodes les mieux adaptées aux élèves. À l’initiative de la Fondation pour l’École, un salon de la liberté scolaire a rassemblé à Paris le 6 avril dernier quelque 1300 participants venus d’horizons très différents : une preuve de l’intérêt que suscite la possibilité de sortir des sentiers battus de l’école « officielle ». 

La Fondation pour l’École organisait le 6 avril dernier le salon Libsco, « 1er Salon de la liberté pédagogique ». Pourtant, les pédagogies alternatives sont très à la mode en ce moment. L’évènement est-il donc si novateur que cela ? 

Les pédagogies alternatives ont toujours existé et le panel est très large, elles s’opposent d’ailleurs parfois sur certains points. Certaines sont relativement anciennes, comme Montessori ou Freinet, certaines sont redécouvertes — comme la pédagogie Jean Qui Rit ou La Garanderie, d’autres sont récentes, comme la pédagogie des intelligences multiples ou la pédagogie du Sens. Elles sont effectivement plus visibles, car elles répondent à des besoins éducatifs qui se font de plus en plus pressants et auxquels ne peut pas toujours répondre le modèle unique qu’est l’école publique ou l’école sous contrat. La diffusion de ces pédagogies alternatives est un enjeu de taille, car la liberté d’enseigner apparaît en filigrane. Elle ne peut exister qu’avec la possibilité, en fait et en droit, de sortir des voies pédagogiques choisies par le ministère de l’Éducation nationale. Les professeurs et les parents doivent pouvoir disposer du choix des méthodes qui paraissent les plus adaptées au profil de leur enfant et à leurs convictions. Faire connaître ces différentes pédagogies était l’un des objectifs du salon Libsco. L’autre objectif était de montrer les établissements qui les mettent aujourd’hui en œuvre : indépendants (ou « hors contrat »), ils sont en général de taille modeste avec peu d’emprise sur la scène publique : il était important de mettre en lumière la qualité de leur travail car ils obtiennent souvent d’excellents résultats. Ces structures atypiques sont les artisans de cette liberté pédagogique à travers leurs positionnements éducatifs et font la richesse du paysage éducatif français.

Comment s’est déroulé le salon ? Comptez-vous renouveler l’expérience l’année prochaine ?

Nous avions trois partenaires sur ce salon, qui ont été, avec l’ILFM notre Institut Libre de la Formation des Maîtres, la colonne vertébrale de la cinquantaine d’ateliers et des 4 tables rondes que nous avons proposées au public. Zeneduc, qui propose des formations en parentalité et du coaching scolaire, faisait la jonction entre scolaire et périscolaire. La Lab School Paris, une école innovante qui s’appuie notamment sur les neurosciences, nous a apporté son aide sur toutes les pédagogies basées sur la recherche. Enfin, pour tous les ateliers Montessori, nous nous sommes appuyés sur le Centre de Formation Montessori Francophonie, agréé par l’AMI (Association Montessori International). 

Les ateliers permettaient une approche concrète, voire ludique, de certaines pédagogies ou de thèmes tels que l’enseignement des matières fondamentales, l’adaptation des méthodes aux profils des élèves, l’orientation des enfants… Ces ateliers étaient répartis en 6 pôles : les savoirs fondamentaux — Français, Mathématiques et Langues, « l’éducation intégrale », les « soft skills » et les pédagogies adaptées. Enfin, de nombreux stands accueillaient des librairies, des écoles, des associations et des entreprises éducatives.

Nous avons été frappés par la diversité du public : enseignants — dont beaucoup venaient de l’école publique ! –, parents d’élèves, fondations et chercheurs dans le domaine de l’éducation, éditions spécialisées, futurs enseignants en primaire comme en secondaire… Surtout, nous avons été surpris par le nombre de visiteurs  : 1300 personnes sont passées dans le Salon au cours de la journée, contre 1000 attendues. Cela conforte notre désir d’organiser une seconde édition en 2021 ! 

Libsco établit un lien entre innovation pédagogique et liberté scolaire. Selon vous, est-ce que l’un suppose l’autre ?

Les orientations de l’éducation nationale laissent peu de place à l’expérimentation et l’innovation pédagogique. Des efforts sont déployés, notamment pour l’inclusion des élèves ayant un handicap, mais l’institution reste un gros engin difficile à manœuvrer. La flexibilité nécessaire pour développer l’innovation pédagogique est mieux garantie par les initiatives de la société civile, et notamment les écoles indépendantes. La mission de la Fondation Pour l’École est de défendre et soutenir ces écoles « libres », car elles n’ont pas le soutien nécessaire des pouvoirs publics. En deux mots, la liberté scolaire offre un terreau essentiel où peut grandir et fructifier l’innovation pédagogique, et il est crucial de promouvoir l’une pour que se développe l’autre.

Pourquoi accorder autant d’importance à l’innovation pédagogique ? Les enfants qui sont à l’école aujourd’hui sont-ils si différents de ceux qui apprenaient il y a 20 ans ? 

Les élèves d’aujourd’hui sont différents… de même que leurs parents ! Les exigences de ces derniers ont changé. Les élèves d’hier devaient s’adapter au moule unique de l’école publique et les parents n’osaient remettre en question le système. Les parents d’aujourd’hui souhaitent au contraire que l’école puisse s’adapter aux spécificités de leurs enfants. Aucun enfant n’est unique, pourquoi n’y aurait-il qu’un seul modèle d’école ? 

Sans aller jusqu’à une nucléarisation de l’école, les écoles indépendantes sont aujourd’hui en mesure de proposer des cursus adaptés aux différences des enfants. Les pédagogies alternatives conviennent mieux à certains, les pédagogies classiques mieux à d’autres… 

Par ailleurs, ces écoles peuvent proposer des pédagogies adaptées à la multiplication des troubles de l’apprentissage que l’on voit aujourd’hui, soit parce qu’ils sont mieux détectés — comme les troubles DYS, ou les enfants à haut potentiel — soit parce qu’ils reflètent les maux de notre société — comme la dépendance aux écrans, qui est un phénomène nouveau et extrêmement préoccupant, ou encore les déserts scolaires dans les campagnes. 

À titre d’exemple, notre fondation abritée Espérance Ruralités lutte contre le décrochage scolaire dans les territoires ruraux, avec des programmes adaptés au territoire et aux élèves qu’elle accueille : pour ces enfants, c’est cette proposition éducative spécifique qui a permis un retour à l’école comme à une instruction de qualité.  

Retrouvez le site du salon Libsco en cliquant ici.

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