Cultiver la magnanimité contre la virtù machiavélienne 

Publié le 05 Jan 2024
virtu magnanimité

Georges Rouget (1783-1869), Saint Louis prisonnier en Egypte, 1817-1818 © Musée des beaux-arts de Quimper

Les vertus sont essentielles à la vie publique mais leur sens a été déformé à notre époque et les vrais saints et les héros remplacés. Cependant, dès Machiavel et jusqu’à Nietzsche, la notion de virtù fut subvertie par le souci de l’efficacité en politique. Mais l’histoire nous en propose de magnifiques exemples à suivre pour revenir aux véritables vertus.

  Dans son livre La Vie liquide, le sociologue Zygmunt Bauman écrit avec beaucoup de justesse que « la société de consommation moderne liquide rend les actes des martyrs, des héros et de toutes leurs versions hybrides absolument incompréhensibles et irrationnels, et du même coup scandaleux et répugnants » (1). Selon l’auteur, la société contemporaine, en cours de liquéfaction, a créé deux catégories de remplacement, celle de la victime et celle de la célébrité. La célébrité remplace l’héroïsme, tandis que le statut de victime pare son titulaire de toutes les « vertus » à la mode.   

« Le magnanime est un homme de bien, habitué à l’exercice régulier des autres vertus, comme la justice et la prudence, si nécessaires en politique, et bien sûr l’humilité. »

 

Les véritables vertus

Arrêtons-nous un instant sur la question des véritables vertus (dispositions habituelles à pratiquer le bien), d’une grande importance politique en des temps difficiles (2). Dans l’analyse des méfaits de la tyrannie que saint Thomas d’Aquin nous propose dans le De regno, il nous donne d’utiles pistes de réflexion. Aux yeux des tyrans, les vertus d’autrui sont toujours redoutables, mais il y en a une qu’ils jugent particulièrement dangereuse. « Les tyrans dont nous parlons, écrit l’Aquinate, s’efforcent donc d’empêcher que leurs sujets devenus vertueux n’acquièrent la magnanimité et ne supportent pas leur domination inique. »  Il est préférable pour le tyran, écrit-il plus loin, « que des hommes nourris dans la crainte abaissent leur âme jusqu’à la servilité et deviennent pusillanimes face à toute œuvre virile et énergique » (3). La force et la magnanimité (qui suppose déjà un degré élevé des vertus) sont ainsi présentées comme indispensables pour combattre la tyrannie. Dans la Somme théologique, saint Thomas d’Aquin précise qu’« on appelle un homme magnanime parce que son âme est orientée vers un acte plein de grandeur » (4). « Il tend à ce qu’il y a de plus grand, mais en obéissant à la raison » (5). C’est dire si le magnanime est un homme de bien, habitué à l’exercice régulier des autres vertus, comme…

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Joël Hautebert

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