La pause liturgie | « Cantate Domino » du 22ème dimanche ordinaire

Publié le 29 Août 2020
La pause liturgie | "Cantate Domino" du 22ème dimanche ordinaire L'Homme Nouveau

« Alléluia ! Chantez au Seigneur un chant nouveau, car le Seigneur a fait des merveilles. » 
(Psaume 97, 1)

Commentaire spirituel

La série des alléluias se poursuit sans qu’aucune prière de demande vienne interrompre la grande louange de l’Église. Les textes magnifiques et tout simples de l’Ancien Testament, qui glorifient le Seigneur et invitent le peuple à la gratuité de l’admiration dans le chant, se succèdent les uns aux autres, apportant chacun sa nuance expressive, sa couleur spirituelle . La louange n’a pas de limites du côté de son objet qui est Dieu, être infini. Elle en a bien du côté de la créature qui loue Dieu dans le temps et dans l’espace. Mais la prière de l’Église, d’un dimanche à l’autre, distille dans les âmes, par le moyen de son chant notamment, une sorte d’esprit de louange permanente, profonde, destinée à se propager dans la vie personnelle de chaque chrétien, et au-delà à devenir évangélisatrice. S’il est vrai que la prière est la première missionnaire, c’est en tant qu’elle est relation avec Dieu qui peut tout, au-delà des limites humaines. La louange qui sait magnifier Dieu pour ses hauts faits sans rien lui demander est peut-être plus puissante encore que la demande qui réduit la prière à un objectif particulier, au risque de voir cet objectif non atteint, alors même que la prière, elle, serait quand même exaucée, selon le plan de Dieu. Il ne s’agit pas, bien sûr, de réduire dans l’Église, l’importance de la prière de demande, pleinement assumée par le Christ lui-même dans l’institution de la prière chrétienne par excellence qu’est le Notre-Père ; mais simplement de ne pas craindre de lancer les âmes sur les flots de la louange divine, prière assainissante parce qu’elle se centre sur un objet plus haut que l’âme et seul capable de la combler. On peut d’ailleurs remarquer que les demandes du Pater, elles-mêmes, au moins les trois premières, ont une portée très large, universelle même, et qu’elles sont ordonnées à la louange pure, au point de se confondre presque avec elle.

Le texte de notre alléluia est emprunté au psaume 97 (98 selon la tradition hébraïque), un des psaumes dits du règne de Yahvé, chants de louange très enthousiastes qui célèbrent la grandeur du Seigneur en s’appuyant sur celle de ses actions dans l’histoire humaine. Si Dieu a pu faire tant de merveilles, c’est qu’il est merveilleux en lui-même, bien plus encore que dans les effets spectaculaires qui émanent de lui. Le psaume et notre alléluia mentionnent les merveilles que Dieu a faites, mais sans préciser leur nature. Ce n’est pas ici ce qui intéresse le psalmiste ni le compositeur. Toute la création est invitée à acclamer celui qui a agi par le passé et qui doit se manifester comme juge à venir, avec toujours la même puissance. La louange de ce psaume ne pénètre pas à l’intérieur du mystère de Dieu, pas plus qu’elle ne détaille le motif précis qui la détermine. Elle est simplement invitation universelle et enthousiaste. « Que les fleuves claquent des mains, qu’ensemble les montagnes crient de joie devant Yahvé, car il vient pour juger la terre. »

Notre alléluia qui ne reprend que le premier verset du psaume, garde vraiment l’esprit de ce chant inspiré. Il nous laisse dans l’incertitude par rapport aux faits exacts. Ce faisant, il nous laisse entendre que c’est toute l’action divine dans l’histoire du Peuple de Dieu qui fournit matière à la louange. Et il ne nous dit presque rien non plus directement de l’être même de Dieu que nous sommes invités à chanter. Il respecte parfaitement la transcendance mystérieuse de notre Seigneur. Il insinue seulement que l’une des qualités divines est justement la vie, cette vie qui seule est capable de renouveler toutes choses, et donc notre chant. C’est parce que Dieu est vie inaltérable et nouveauté permanente, que notre chant peut se renouveler de l’intérieur pour monter vers lui avec sa propre vitalité. Le cantique nouveau de la création est invité à épouser constamment la nouveauté de l’action divine dans la création. Chaque matin, un cantique nouveau peut s’élever vers Dieu de notre cœur, parce que les œuvres de Dieu ne se flétrissent pas. Puissions-nous être attentifs toujours à cette nouveauté qui nous envahit souvent à notre insu, en vivre, en profiter pour nous renouveler, respirer au sens le plus fort, et louer toujours le Seigneur avec un esprit nouveau, avec un chant nouveau.

Gregorien 1717 1

Commentaire musical

Notre alléluia emprunte sa mélodie au 1er mode, ce qui lui donne ce caractère paisible qui convient bien à la louange divine. Dieu est océan de paix, il ne saurait être adéquatement loué dans l’excitation. Le compositeur a compris cela et a revêtu son invitation au chant d’un manteau de sérénité qui évoque bien le climat dans lequel l’âme peut rejoindre sûrement son créateur. Les longs mélismes qui enveloppent presque chaque mot traduisent aussi la longueur de cette louange qui est destinée à durer, si l’on peut dire, toute l’éternité. L’alléluia se compose d’un jubilus plutôt sobre et de deux phrases mélodiques assez équilibrées.

On peut admirer la belle structure de l’intonation qui est à la fois ferme, élancée et paisible. Un départ au levé sur le Ré, un appui solide sur le double Fa, un autre appui sur le Sol, puis un élan sobre et fluide qui fait monter d’abord sur le La, puis jusqu’au Do, en un mouvement bien épanoui et élargi, avant la descente régulière et douce vers la cadence en Fa. Tout cela forme une belle courbe bien charpentée, légère, nuancée. Le reste du jubilus est contenu sagement dans la quinte Ré-La caractéristique du 1er mode, avec une seule exception qui est l’appui sur le Do grave de la deuxième incise. La dernière incise ne monte même pas plus haut que le Sol. À part, donc, le sommet lumineux de l’intonation, ce jubilus est très modeste, et on peut dire que l’ensemble de la pièce va se déployer dans cette atmosphère tranquille.

Le premier mot du verset qui contient l’invitation à la louange et au chant, est très développé au plan mélodique. Il commence par une formule typique du 1er mode qui est souvent utilisée comme intonation d’introït. Elle est vraiment belle cette vocalise de cantate, très légère, très legato, pleine d’élan, de souplesse, se posant à peine sur les notes longues qui la rythment très bien néanmoins, tantôt sur le Sol, tantôt sur le Do, tantôt sur le La ou encore le Fa. Elle semble ne pas vouloir s’achever et sa finale à l’aigu sur le La exprime bien le mouvement qui l’emporte au-delà d’elle même vers l’objet de sa louange, le Seigneur, Domino. Sur ce mot, le mouvement s’élargit un peu, sans exagération, mais surtout s’enveloppe de tendresse et de profonde vénération. Une fois passé ce sommet très modeste, la mélodie, sans aucune exception, se cantonne jusqu’à la fin de cette première phrase dans la quinte Ré-La. Elle est toujours très légère et surtout très paisible, sans accident. Les intervalles de seconde sont très dominants puisque sur les 26 intervalles que contient cette vocalise, on en compte 17, contre 5 intervalles de tierce, 1 seul intervalle de quarte et trois unissons.

La deuxième phrase commence piano, sur quia, presque de façon un peu mystérieuse, recueillie, avec sa répétition mélodique et sa douce insistance sur le Fa. L’élan qui suit par degrés conjoints, avant la déposition de la syllabe finale, reste sobre, mais on sent que l’émerveillement commence à toucher l’âme. Cet émerveillement, sur mirabilia, n’éclatera à vrai dire à aucun moment ; il est chanté plutôt avec un sentiment de paix profonde, d’admiration toute intérieure, d’amour et de reconnaissance, un peu comme si, à la vue des merveilles qu’a fait le Seigneur, l’âme ne pouvait s’empêcher de considérer que tout, en définitive, a été fait pour elle, par amour pour elle. On ne peut pas chanter cet alléluia sans ressentir la tendresse que Dieu éprouve pour nous. Le chant de l’âme, le chant de la création tout entière, apparaît vraiment comme le fruit d’un amour infiniment puissant et paisible qui envahit, remplit et dilate gratuitement le cœur de l’épouse. Celle-ci ne tient pas à sortir trop d’elle-même, son immense bonheur est en elle, dans la possession de son Seigneur qu’elle chante presque intimement. On comprend alors la seconde partie de la vocalise de mirabilia qui retrouve comme infailliblement le grave, avec sa cadence finale en Ré.

La fermeté de fecit permet à l’âme de poser un acte de foi. C’est le Seigneur invisible qui a fait toutes ces merveilles visibles et même éclatantes. Le dernier mot de cette pièce, c’est le Seigneur, et l’on retrouve, sur ce nom béni toute l’atmosphère tranquille et légère du jubilus de ce très bel alléluia. Une fois de plus, on est obligé de constater d’abord que les alléluias ne sont pas toujours, loin de là, des pièces extériorisées ; et d’autre part que leur mélodie tempère souvent, justement dans le sens de l’intériorité, un texte qui aurait, lui, assez naturellement de quoi être traité avec beaucoup d’enthousiasme. On touche ici certainement une des grâces propres du chant grégorien. Il tend toujours à ramener les sentiments humains à l’intime de l’âme, en son centre spirituel qui est aussi son sommet, puisqu’il s’agit pour l’âme, en définitive, non de se rechercher elle-même, mais le Seigneur qui habite en elle. Et le chant qui est par nature débordement d’amour ne la dissipe pas, bien au contraire, il la ramène constamment vers ce centre, vers ce sommet, tout soumis qu’il est aux lois de la vie spirituelle et de la prière dont il est le joyeux et dévoué serviteur. Ne pas comprendre cela c’est inverser les valeurs et se tromper gravement sur le rôle du chant dans la liturgie. Le chant grégorien n’est rien d’autre qu’une école de prière, la meilleure école de prière même, puisqu’il adhère totalement à la prière de l’Église, mère et maîtresse en la matière.

À écouter ici.

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