La pause liturgie | Introït Deus in loco (17ème dimanche ordinaire, 11ème dimanche après la Pentecôte. Messe de la Sainte Famille)

Publié le 15 Jan 2022
La pause liturgie | Introït Deus in loco (17ème dimanche ordinaire

« Dieu dans son sanctuaire, Dieu quinous fait habiter ensemble dans sa maison, il donnera courage et force à son peuple. Que Dieu se lève et que ses ennemis se dispersent ; que ceux qui lehaïssent fuient devant sa face »

L’introït Deus in loco a été choisi comme chant d’entrée pour la fête de la Sainte Famille dans le nouvel ordo missæ, à cause de son beau message d’unanimité liée au fait de demeurer ensemble dans une même maison, habitée par le Seigneur lui-même.

Ce chant d’entrée est tiré du long psaume 67 qui est une hymne triomphale à la gloire du Dieu d’Israël, sauveur deson peuple, au milieu duquel il avoulu habiter, choisissant pour demeure Jérusalem, la montagne de Sion. Ce psaume évoque une grande procession glorieuse, depuis le Sinaï jusqu’à Jérusalem, procession du peuple à la suite de son Dieu prenant possession des lieux. Il est donc particulièrement bien choisi pour un chant d’entrée. Mais au-delà, il évoque la plus grande procession qui se puisse concevoir, celle de l’humanité en marche vers la patrie définitive, vers le ciel. Alors forcément ce chantnous rejoint et nous touche, c’est notre chant de pèlerins, pèlerins d’éternité, pèlerins de bonheur, de lumière, de vérité, de sainteté. Il y a un très beau passage de l’épître aux Hébreux (chapitre 12, versets 18 à 24) qui actualise cette merveilleuse procession pour les générations qui se succèdent :

« Vous ne vous êtes pas approchés d’une réalité palpable: feu ardent, obscurité, ténèbres, ouragan, bruit de trompette, et clameur de paroles telle que ceux qui l’entendirent supplièrent qu’on ne leur parlât pas davantage. Ils ne pouvaient en effet supporter cette prescription: Quiconque touchera la montagne, même si c’est un animal, sera lapidé. Si terrible était le spectacle que Moïse dit: Je suis effrayé et tout tremblant. Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et de myriades d’anges, réunion de fête, et de l’assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d’un Dieu Juge universel, et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits, de Jésus médiateur d’une alliance nouvelle, et d’un sang purificateur plus éloquent que celui d’Abel. »

Cette approche de la Jérusalem nouvelle, donc du ciel, c’est celle de l’Eucharistie, et voilà comment notre chant d’entrée nous plonge dans l’unique réalité importante, celle du salut qui nous est offert en Jésus, dans son sang.

Mais aussi, ce texte de notre chant d’entrée peut nous rejoindre de façon plus concrète encore : Dieu nous attend dans son sanctuaire, c’est vrai. Mais aussi, il n’a pas voulu nous laisser sans maison ici bas. Il nous a donné l’Église. Il nous a tous réunis dans son Église. Le mot hébreu qui siginifie la maison veut dire aussi la famille, et c’est bien cela l’Église. Nous sommes la famille Dieu et tout spécialement quand nous nous réunissons dans l’édifice de pierre qui est notre demeure, notre maison. Dès ici-bas, le Seigneur veut nous initier à notre vie d’éternité qui sera une vie communautaire. Il veut nous unir, nous faire habiter ensemble, nous faire vivre de sa même vie divine qui circule en nous grâce notamment aux sacrements, à l’eucharistie surtout. Nous partageons une même foi, une même espérance, un même amour. Comment une telle communauté ne serait-t-elle pas forte de la force même de Dieu. Nos jeunes vivent cela de façon particulièrement intense avec les JMJ. Ils expérimentent à ciel ouvert la merveilleuse réalité de l’immensité et de l’unité de l’Église. Ils gôutent lajoied’habiter ensemble une même maison maternelle et paternelle. Et ils en reviennent avec un amour plein le cœur, avec une force renouvelée. C’est une belle image de ce qui nous attend tous au ciel où l’unanimité sera absolue. Mais il ne doit pas être nécessaire d’attendre les prochaines JMJ pour vivre cela. Nos assemblées dominicales et toute eucharistie doivent déjà évoquer le ciel, doivent nous faire désirer la joie familiale, doivent nous munir pour les jours à venir. Notre chant d’entrée nous dit cela, mieux il nous lechante et c’est à nous de le chanter, à nous de nous mettre à l’unisson de ces paroles et de cette mélodie enthousiaste dont il nous faut dire un mot maintenant.

Deus in loco Partition

La mélodie composée pour ce chant d’entrée est empruntée au 5ème mode. On en a déjàdit un mot. Ce mode, lætus, est un mode majeur qui sonne haut et clair, un mode joyeux avec des intervalles francs. Il se structure autour des notes charpentières qui sont la tonique Fa et la dominante Do. Ici, on voit apparaître le Do dès l’intonation. La dominante est on ne peut plus repérable puisque sur les 9 premières notes, 7 sont des Do, les deux autres sont des Ré. Donc une intonation à l’aigu qui donne d’emblée un caractère enthousiaste à la mélodie. Dieu est dans son sanctuaire. On pourrait penser que du haut du ciel, il ne s’occupe pas de nous et parfois nous sommes peut-être tentés de lepenser. Mais notre chant d’entrée nous interdit bien vite de céder à cette tentation. Juste après cette intonation, la mélodie s’incurve pour aller toucher la tonique Fa, au grave. Il y a un sens spirituel merveilleux qui se dégage de cette simple petite remarque. Le sanctuaire de Dieu n’est pas perché dans des hauteurs inaccessibles, il est au contraire tout en bas, il est tout proche de nous, il est sur la terre, mieux, il est au-dedans de nous. Ce sanctuaire, c’est l’Église, notre maison, notre famille, notre mère. Cette première phrase mélodique est donc très expressive. D’une part elle nous invite à considérer la hauteur de Dieu, sa transcendance vers laquelle nous marchons et que nous ne devons pas oublier, sous peine de nous enliser dans les réalités terrestres. Mais d’autre part, cette hauteur de Dieu s’est inclinée vers nous de façon confondante : en Jésus, le royaume nous est devenu contemporain et ce royaume c’est l’Église. Donc il faut que l’on sente dans ce premier membre de phrase à la fois de la grandeur, mais aussi une grande tendresse qui résulte de l’incarnation du sanctuaire de Dieu. On a là un bel exemple du surcroit de sens que peut apporter la mélodie. Si on se borne au texte, on ne peut pas voir, on ne peut pas deviner, du moins pas tout de suite, que le sanctuaire de Dieu n’est pas seulement le ciel. C’est la mélodie, par sa courbure, qui nous le fait sentir, qui nous le fait éprouver dans le chant et dans la prière. Le chant grégorien n’est pas seulement un texte, fut-il celui de la Parole de Dieu. S’il est chant, c’est qu’il a un message qui lui est propre, le message de la musique, le message d’une mélodie inspirée elle aussi et qui veint compléter, illustrer le message contenu dans le texte. Il y a des choses que le texte seul ne dit pas et qu’il revient à la mélodie de souligner, et les compositeurs antiques ont su s’emparer du texte sacré avec un infini respect, et l’interpréter, le mettre en musique, et par là lui donner un sens non pas autre, mais nouveau, un sens qui était comme inclus virtuellement dans le texte, mais que la mélodie fait éclore. C’est son rôle propre, le rôle, la vocation du chant grégorien en particulier.

Le deuxième membre de phrase commence plus piano, grâce à l’idée qui a conclu le premier membre. Piano mais léger, car la pensée qui anime ce deuxième membre est une pensée enthousiaste, celle de l’unanimité des chrétiens. C’est un prodige admirable que cette unanimité, mais qui ne peut être que l’œuvre de Dieu dans l’Église. Le miracle permanent de l’Église est dans la communion des êtres si différents qui la composent. Il faut que Dieu y mettent du sien, car nous, nous français surtout…, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas doués pour l’unanimité. c’est pourtant la grâce des grâces pour une famille, pour une communauté paroissiale ou monastique. Dieu s’y emploie depuis la venue de son Fils. Il a versé son sang pour cela. Et regardez le beau développement mélodique sur Deus qui inhabitare facit unanimes in domo. C’est très beau. La mélodie s’appuie sur la tonique Fa, puis s’élève majestueusement par palliers successifs et un certain balancement mélodique (comme pour indiquer la patience de Dieu face à nos atermoiements et nos réticences, nos lenteurs) vers la dominante Do qui symbolise si l’on peut dire le monde de Dieu, mais qui est même dépassée pour atteinde le Ré et même le Mi à l’aigu sur facit, verbe qui exprime justement l’action divine. Il faut donc faire sentir tout ce passage en un beau crescendo qui monte avec une certaine rapidité et une grande souplesse habitare, vers l’accent de facit qui doit être bien soulevé, bien épanoui. Ensuite sur unanimes in domo, retrouver de la légèreté. Il y a beaucoup de grâce dans le traitement mélodique de ces deux mots. C’est le fuit de l’action divine et nous en sommes les heureux bénéficiaires. Il n’y a pas en effet de plus grande joie que la bonne entente qui nous fait goûter déjà quelque chose du ciel. J’ajoute que la mention de la maison, ce lieu saint évoqué dans le premier membre, avive le côté chaleureux de cette unanimité. Elle est familiale, donc on ne peut plus profonde parce qu’elle se fonde sur la communauté de vie, la communauté de tous les jours.

La deuxième phrase est ferme, presque solennelle. Elle affirme vigoureusement que c’est Dieu qui nous obtient cette victoire de l’unanimité. Malgré l’accent au levé donc léger de Ipse, il faut mettre beaucoup d’assurance et de grandeur dans les deux mots suivants, dabit et virtutem. L’union fait la force, on en a ici une traduction liturgique et musicale. La joie des JMJ, la joie de l’unanimité familiale ou communautaire débouche sur une impression de force non pas violente mais communicative, la force de l’amour, la force de la vérité. C’est l’enthousiasme de l’évangélisation. Puissions nous le retrouver dans nos communautés, le vivre à plein, être heureux ensemble d’être les enfants d’un tel Dieu. L’apparition du si bémol sur fortitudinem nous indique de quelle force il s’agit : ce n’est pas la force musculaire, mais la force du cœur, la force spirituelle. Alors la mélodie s’apaise paradoxalement sur ce mot et c’est encore une merveille de la mélodie grégorienne, de l’art grégorien. Chez lui, tout se finit dans l’adoration, dans l’élévation de l’esprit vers des réalités qui dépassent la sensibilité, le côté trop humain. Le chant grégorien nous plonge dans le mystère, on en a encore une belle preuve aujourd’hui.

Vous pouvez écouter cet introit ici.

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