La pause liturgie | Offertoire Confírma hoc Deus (Solennité de la Pentecôte, messe du jour)

Publié le 04 Juin 2022
La pause liturgie | Offertoire Confírma hoc Deus (Solennité de la Pentecôte

Confirme, ô Dieu, ce que tu as opéré en nous, depuis ton temple qui est à Jérusalem ; les rois t’offriront leurs présents, alléluia ! (Psaume 67, 29-30)

Thème spirituel

Le texte de ce chant d’offertoire est tiré du psaume 67 (68 selon l’hébreu) qui est une « hymne triomphale à la gloire du Dieu d’Israël, sauveur de son peuple, au milieu duquel il a voulu habiter, choisissant pour demeure l’humble colline de Sion. » (1) Ce psaume a quelque chose de grandiose et d’enthousiasmant : il subjugue par sa grandeur, son éclat, sa puissance expressive. Y avoir puisé est déjà un indice de l’intention du compositeur qui lui a emprunté deux versets qu’on pourrait dire récapitulatifs : ils s’adressent au Seigneur et ils lui demandent de parfaire son œuvre. Ce texte, outre son emploi pour notre offertoire de la Pentecôte, sert également d’antienne finale pour de nombreuses fonctions liturgiques de consécration : on chante en effet l’antienne Confirma hoc après une profession religieuse, après une ordination, après une consécration d’église, après le sacrement de confirmation. Et même si le texte ne le mentionne pas explicitement, et pour cause, puisqu’il s’agit d’un texte de l’Ancien Testament, la liturgie l’applique de préférence à la personne du Saint-Esprit. Pourquoi ? Parce qu’il revient à l’Esprit-Saint de parfaire toutes les œuvres trinitaires. L’initiative vient du Père, c’est lui qui établit le plan divin de la création et de la rédemption. Le Fils est l’ouvrier de ce plan divin, il le concrétise. Il est celui par qui tout a été fait. Et l’Esprit-Saint parachève l’œuvre du Christ, il poursuit sa mission divine dans le secret des âmes, il la confirme. On pourrait dire que le Saint-Esprit est perfectionniste, il est discret mais efficace : il intervient après le Père et le Fils (après est un mot bien imparfait), il nettoie, il purifie, il réajuste, il redresse, il assouplit, il remet en ordre et il affermit, définitivement. Quand Dieu s’est emparé d’une âme, il la sauve par le sang de son Fils, puis il y établit son Esprit qui vient en elle faire sa demeure, l’habiter, comme un doux hôte, un doux rafraîchissement. Il vient la faire vivre, la protéger contre l’ennemi de Dieu, la rendre imprenable, en faire une citadelle, mieux un temple.

Au terme du temps pascal, après la célébration des mystères du Christ, jusqu’à son ascension dans la gloire des cieux, l’Église invoque puis reçoit l’Esprit-Saint qui la rend féconde et l’envoie en mission de par le monde. Elle sort d’elle même, elle sort du Cénacle où elle demeurait confinée dans l’Amour en compagnie de Marie, elle s’élance avec joie sur les routes de l’univers, sans jamais quitter son centre qui l’unifie et la sanctifie en permanence. L’Esprit-Saint réalise ce miracle qui dure depuis plus de deux mille ans : l’Église, sans perdre aucunement son identité, est à la fois toute centrée sur Dieu et toute tournée vers le monde. Elle attire à elle et elle va chercher ses enfants. Les rois viennent lui présenter ses hommages et ses serviteurs vont verser leur sang partout où l’Évangile est annoncé. L’Église est une immense famille accueillante et missionnaire, la famille de Dieu, et l’Esprit-Saint est son âme, son centre vital.

Il est beau de voir l’élaboration de ce vaste projet qui traverse les siècles et concerne l’humanité tout entière, se concrétiser dans le mystère familial de l’Église animée par l’Esprit-Saint. L’Église est en formation permanente, elle est aussi en confirmation permanente. Le Verbe et l’Esprit de Dieu agissent de concert pour réunir consolider dans l’amour cette immense famille du Père qui fait sa joie et qui fait et fera la nôtre pour l’éternité.

Avec ce chant d’offertoire, remercions chaleureusement l’Esprit-Saint et implorons le ardemment pour qu’il confirme tout ce qu’il a fait dans le monde comme dans nos âmes. Que toutes les opérations divines soient consacrées par lui, que toutes les consécrations soient confirmées par lui. Et que vienne la joie dans Jérusalem, notre Mère l’Église.

Commentaire musical

Confirma hoc Deus Partition

Il est intéressant de noter que cet offertoire s’apparente de près à celui de la messe de minuit de Noël, Læténtur cæli, mais avec toutefois des différences assez notables. Tous deux sont empruntés au 4ème mode, qui est un mode contemplatif capable de joie quand même. Ces deux pièces sont effectivement doucement joyeuses. Notre offertoire est constitué de trois phrases musicales assez équilibrées, ne manifestant aucun éclat particulier mais riches d’une belle plénitude expressive et intensive. Entrons dans le détail de la mélodie.

L’intonation, en tout identique à celle de l’offertoire Læténtur cæli, monte doucement du Ré au Sol en passant par tous les degrés intermédiaires. Le départ est donc piano et une douce intensité se fait sentir sur l’accent de confírma. La syllabe finale est déposée doucement puis le crescendo amorcé dès le début s’amplifie légèrement vers le Sol qui est élargi dans les manuscrits. Après l’intonation, le mouvement est lancé avec fermeté sur la vocalise de hoc, légère et balancée, très liée, douce aussi, notamment grâce à l’intervention répétée du Sib qui apporte sa belle nuance intérieure. La retombée sur Deus se fait également dans la douceur. L’accent au levé de Deus doit être bien épanoui et la syllabe finale est dotée d’une formule mélodique plutôt large et très paisible, très contemplative, se fixant sur le Mi, tonique du 4ème mode. C’est la première vraie cadence de la pièce. En comparaison, le traitement mélodique de cæli dans l’offertoire de la messe de minuit, a quelque chose de plus joyeux et de plus lumineux, même si l’atmosphère est à peu de choses près la même. La deuxième incise, dans les deux pièces, est également sensiblement la même, mais dans notre offertoire Confírma, le mouvement demeure très humble et recueilli jusqu’à la finale de operátus es où un crescendo se fait sentir, préparant l’attaque en élan de in nobis qui est un peu le sommet intensif de toute la pièce. Il est très beau de constater cet émerveillement de la mélodie sur ces deux petits mots qui nous concernent au plus haut point. Nous sommes les bénéficiaires de tout l’économie de la rédemption et nous demandons au Seigneur de parfaire en nous son œuvre de salut, de justification et de sanctification qui nous conduit au ciel. C’est ce que veut dire cet élan soudain de la mélodie de in nobis, qui conclut cette première phrase et qui n’a pas son équivalent dans l’offertoire Læténtur cæli.

La seconde phrase retrouve d’emblée l’atmosphère douce et priante, tendre et chaleureuse du début de la pièce. Le Sib réapparaît sur tuo dont la cadence reprend celle de Deus. Ce n’est qu’avec le second membre, à partir de quod est, que la mélodie s’envole à nouveau, sobrement d’abord, en se calquant sur le modèle de tuo, puis de façon vraiment originale sur in Jerúsalem. C’est alors la merveille de toute la pièce. Souvent, quand les compositeurs grégoriens évoquent Jérusalem, la cité sainte, l’Épouse du Dieu vivant, ils laissent libre cours à leur inspiration et il en résulte une sorte d’extase musicale très expressive. C’est bien le cas ici : trois neumes ternaires confèrent aux deux premières syllabes de Jerúsalem une saveur d’éternité incomparable. Il convient de chanter ce passage de façon très enveloppée et large mais aussi très fluide et sans aucun à-coup, avec une souveraine complaisance, un véritable enthousiasme mais intérieur et tout plein d’amour. Les voix doivent être chaudes et pleines, et traduire le bonheur qu’il y a à évoquer l’action divine en faveur de nos âmes, au sein de l’Église. La deuxième phrase se termine en une cadence en Ré, dans la paix rayonnante du 1er mode.

Avec la dernière phrase, on se rapproche à nouveau de l’offertoire Læténtur cæli, et on revient dans l’atmosphère de la première phrase. Le motif initial de tibi est à la fois ferme et doux, toujours en 1er mode, et la montée de ófferent avec son Sib ressemble à l’élan de hoc dans la première phrase et à celui de quod est dans la seconde. Reges reprend la mélodie de tibi, et on ne peut qu’admirer la belle vocalise de múnera, montant avec chaleur et largeur, évoquant la montée vers Jérusalem des rois de la terre, c’est-à-dire de tous les baptisés offrant leurs prières et leurs sacrifices dans l’Église. Et la pièce se termine par un alléluia fervent qui nous fait entendre une fois encore la même formule mélodique avec son Sib plein de tendresse, juste avant la cadence finale qui reproduit à l’identique celle du premier membre de phrase, sur Deus.

Voici un offertoire très structuré et aussi très inspiré, qui mêle la ferveur à la douceur, l’élan à la paix, la fermeté à la fluidité, pour décrire l’œuvre de perfection du Saint-Esprit dans les âmes des fidèles.

1. La Bible, traduction d’Émile Osty, Édition du Seuil, 1973, page 1216.

Vous pouvez écouter cet offertoire ici.

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