La pause liturgique : Sanctus 1, Messe Lux et origo (Temps Pascal)

Publié le 24 Mar 2023
Grégorien

Commentaire musical

Les sources manuscrites révèlent un Sanctus d’origine française ou italienne. De nombreux manuscrits présentent cette mélodie du 4ème mode écrite avec une finale Mi, et non transposée à la quinte Si, comme dans nos éditions récentes. Notons que la plupart des cadences sont en Si sur la partition, mais que quelques unes d’entre elles sont en Sol (les deux premiers Sanctus, la finale de tua), signe du passage progressif de toute la messe I Lux et origo, bien unifiée d’ailleurs au niveau de sa composition, du mode de Sol au mode de Mi. Le Kyrie est clairement un 8ème mode ; le Glória alterne entre les deux modes de Mi et de Sol : il est noté en 4ème mode mais les cadences en Sol demeurent très nombreuses ; le Sanctus est davantage encore un mode de Mi ; quant à l’Agnus il est totalement en mode de Mi. Reprenons en détail la mélodie de notre Sanctus :

Le premier Sanctus part du Si avec un bel accent au levé, bref et délicat à la fois, puis se déploie doucement sur sa syllabe finale, en un mélisme modeste progressant par degrés conjoints, faisant entendre le Si, deux fois le La comme note de passage, et une fois le Sol comme note cadentielle. D’emblée, le grand calme et le parfait legato de ce Sanctus se fait sentir. Le Second Sanctus part du Sol, remonte au Si sur l’accent pris cette fois au posé et en crescendo, puis retrouve cette petite formule mélodique La-Si-La-Sol, si bien balancée, si paisible. Le troisième Sanctus est tout en tension vers la suite. Purement syllabique, il unit dans un mouvement léger le Sol et le Si et conduit vers le Ré aigu où la mélodie de Dóminus Deus s’établit, jouant entre le Ré et le Do. Le syllabisme pur est rompu simplement par deux petits neumes, un podatus sur la pénultième de Dóminus et une clivis épisématique sur la finale de Deus. Quant au mot Sabaoth, il est bien mis en lumière par le podatus initial Ré-Mi qui coïncide avec le sommet mélodique et expressif de cette première phrase qui s’achève par une douce retombée du Ré au Si de la cadence. Tout ceci est doux, contemplatif, mais aussi très chaud, très aimant.

La seconde phrase nous fait atteindre d’emblée le sommet mélodique de toute la pièce, un Fa situé de façon très heureuse à l’apex de la formule mélodique de l’accent de pleni. Il faut donc bien épanouir ce mot, lui donner toute sa plénitude, bien goûter la quinte La-Mi et arrondir au sommet le Fa qui correspond à un levé du rythme fondamental. La mélodie de cæli et terra se rapproche de celle de Dóminus Deus Sabaoth, s’enroulant autour du Ré et se posant sur une cadence en double Sol. Notons qu’ainsi, les deux mots cæli et terra sont rendus de façon expressive, le premier à l’aigu, le second plus au grave, par l’humilité de la petite cadence redondante. Le mot glória, quant à lui, est également bien mis en valeur par la belle courbe qui enveloppe son accent, montant du Si vers le Ré et redescendant vers le Si. La syllabe finale de glória, et le petit mot tua nous font retrouver sous une autre forme neumatique le pes subbipunctis des deux premiers Sanctus : La-Si-La-Sol.

 

Sanctus 1 Partition 2

Le premier hosanna est jaillissant : il part du Sol, monte subitement au Ré dans un mouvement bien enlevé, et là, nous fait retrouver exactement la mélodie de cæli et terra dans la phrase précédente.

La phrase commençant par le mot benedíctus est elle aussi bien enlevée et chaleureuse avec sa quinte initiale La-Mi qui évoque la mélodie de pleni. Le deuxième Fa de la pièce est d’ailleurs atteint sans tarder sur l’accent de benedíctus. Une nouvelle fois, nous retrouvons sur les mots in nómine Dómini la mélodie de cæli et terra, sauf que le dactyle Dómini oblige à une cadence différente : une clivis Do-Si, un podatus La-Si et un punctum pointé sur Si.

Enfin, le dernier hosanna est différent du premier : il synthétise la mélodie de glória tua (sur le mot hosanna) et celle du premier hosanna in excélsis sur les deux petits mots in excélsis (une quinte Sol-Ré, une formule Ré-Do-Ré-Mi-Ré, et pour finir une cadence en Si.

On le voit, ce Sanctus est admirablement structuré : rien de systématique, mais des petits rapprochements et similitudes qui donnent une belle unité et diversité à l’ensemble de la pièce, le tout dans un mouvement plutôt large, qui n’empêche nullement quelques beaux jaillissements, et une grande chaleur vocale, très legato. Il y a une vie profonde dans ce magnifique Sanctus qui chante et respecte à la fois le grand mystère trinitaire.

Pour écouter ce Sanctus :

Blandine Fabre

Blandine Fabre

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