La PMA, cheval de Troie de la GPA

Publié le 05 Juil 2017
La PMA, cheval de Troie de la GPA L'Homme Nouveau

Le 27 juin dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rendait public son avis n° 126 sur la procréation médicalement assistée (PMA). L’avis porte sur les demandes sociétales de procréation médicalement assistée dans un sens large, qui recouvre trois pratiques : la conservation des ovocytes par cryogénisation en vue d’une implantation ultérieure, la gestation pour autrui (GPA) et ce qu’on appelle traditionnellement PMA dans un sens plus restreint, avec l’insémination artificielle avec donneur (IAD) et la fécondation in vitro (FIV). Le CCNE considère les demandes sociétales de recours à ces pratiques, c’est-à-dire non motivées par un problème médical d’incapacité à procréer, et se prononce en faveur de l’accès à l’insémination artificielle pour les femmes seules ou homosexuelles, malgré l’opposition de 11 de ses 39 membres.

Coïncidences ?

Sur le plan national, les hasards du calendrier ont bien fait les choses. Le 24 juin, trois jours avant la publication de la prose du CCNE, se tenait à Paris la « Marche des fiertés », anciennement appelée « Gay pride », dont l’une des principales revendications était justement l’ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles. Remontons encore un peu plus tôt, le 13 juin, lorsque l’Académie de médecine rendait un rapport favorable à la conservation des ovocytes pour convenance personnelle. Alors que la révision des lois de bioéthique est prévue pour l’année 2018, le CCNE veut apparaître comme une instance à la fois à l’écoute des revendications portées par la société mais raisonnable et prudente : la GPA, c’est non, la conservation des ovocytes pour convenance personnelle aussi, mais l’insémination artificielle pour toutes, c’est oui. Une prudence qui n’est que factice et qui sert admirablement les volontés du gouvernement. Le CCNE se targue d’être une instance indépendante, dont la mission serait d’éclairer le débat public mais, en matière d’indépendance, on fait mieux : le président du CCNE est nommé par le président de la République lui-même et les autres membres sont nommés, qui par un ministre, qui par le garde des Sceaux, le Sénat ou l’Assemblée nationale. Bref, le CCNE est la caution morale de la majorité. C’est pour cela que les avis du CCNE évoluent au fil du temps, si bien que la pensée de Pascal « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » pourrait être réécrite en « vérité pendant un quinquennat, erreur pendant le suivant. »

« La PMA a toujours été destinée à résoudre un problème de stérilité d’origine médicale et non à venir en aide à une préférence sexuelle ou à un choix de vie sexuelle », écrivait le CCNE en 2005, dans son avis n° 90. On y lisait aussi que « l’ouverture de l’AMP à l’homoparentalité ou aux personnes seules ouvrirait de fait ce recours à toute personne qui en exprimerait le désir et constituerait peut-être alors un excès de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif. La médecine serait simplement convoquée pour satisfaire un droit individuel à l’enfant. » Il estime aujourd’hui que « même si tout désir n’a pas vocation à être satisfait, on peut faire confiance au projet des femmes qui souhaitent accéder à la maternité en bénéficiant de procédures auxquelles, auparavant, elles n’avaient pas accès. »

Vers la GPA en France

Qu’en est-il actuellement des différentes techniques d’assistance médicale à la procréation étudiée dans l’avis du CCNE ?

La GPA demeure interdite en France, même s’il ne s’agit que d’une interdiction de façade puisque, en pratique, les parents parviennent presque toujours à obtenir la retranscription à l’état civil de leur enfant né par GPA à l’étranger. Reste que le CCNE y voit une violation du principe de non-marchandisation du corps et d’exploitation de femmes pauvres qui « loueraient » leur utérus pour gagner un peu d’argent…

La question de la conservation des ovocytes est aujourd’hui régie par la loi de bioéthique de 2011 et stipule que ne peuvent faire conserver leurs ovocytes que les femmes atteintes par une maladie qui pourraient entraîner leur stérilité, ainsi que les femmes ayant elles-mêmes fait un don d’ovocytes. Ne peuvent faire ce don que des femmes en bonne santé et en âge de procréer et, en contrepartie de ce don et dans l’espoir d’augmenter le nombre de donneuses, insuffisant par rapport à une demande en hausse, elles peuvent garder pour elles une partie des ovocytes. Le don de gamètes était autorisé en France depuis 1994, il devait être anonyme, gratuit, et fait par une personne ayant déjà procréé mais ce dernier critère a été supprimé par la loi de 2011, suppression rendue effective par les textes d’application de janvier 2016. La FIV et l’insémination artificielle sont aujourd’hui remboursées par la Sécurité sociale pour les femmes en âge de procréer, c’est-à-dire jusqu’à 43 ans, et réservées aux personnes souffrant d’une infertilité pathologique. Le CCNE entend maintenir le statu quo, notamment au motif que la conservation des ovocytes pour convenance personnelle pourrait soumettre les femmes à la pression de leur entourage, particulièrement professionnel, quant au moment le plus opportun pour enfanter…

« Stérilité sociale »…

Nul doute que le prochain avis du CCNE y sera favorable. On commence déjà ici et là à parler de « stérilité sociale » pour mettre sur le même plan l’incapacité pathologique d’avoir un enfant et une impossibilité d’enfanter due à un choix de vie. D’autre part, le rapport de l’Académie de médecine, évoqué plus haut, refuse très subtilement le terme de conservation « pour convenance personnelle » et parle plutôt de conservation « en prévention de la baisse de fertilité liée à l’âge » et présente cette démarche comme une preuve de prudence et de lucidité puisqu’elle permettrait aux femmes d’enfanter même si leur fertilité baisse, avec leurs propres ovocytes donc sans dépendre de donneurs de gamètes dont on sait qu’ils sont rares…

Reste la question de l’insémination artificielle avec donneur pour les femmes célibataires ou homosexuelles soulève au moins autant de problèmes. « Les points de butée concernent, avant tout, le rôle comme la définition du père, la différence de situation entre les couples de femmes et les femmes seules, la question de la rareté des ressources biologiques et des risques de marchandisation que celle-ci entraîne, la limite entre le pathologique et le sociétal », explique le Comité, qui développe ensuite longuement ses arguments, si bien que l’on peine à comprendre comment cette litanie de risques et réserves peut logiquement aboutir à un avis favorable. Face aux problèmes liés à l’absence programmée de père, de risque de marchandisation de tout ou partie du corps, de basculement d’une médecine curative à une médecine de convenance sommée de répondre à n’importe quel désir, une seule réponse : l’égalité.

Mais si l’égalité remplace un père, justifie la manipulation du vivant et la fabrication d’un enfant dans un laboratoire, si l’égalité justifie n’importe quelle structure familiale, on ne voit pas au nom de quoi le CCNE refuse la conservation des gamètes pour convenance personnelle ou la GPA. Ou plutôt si, on ne le sait que trop bien : c’est une stratégie de la caution « conservatrice » du gouvernement pour feindre que les réformes sociétales sont réfléchies, mûries et font l’objet d’un débat.

Des magouilles politiciennes de bas étages – quoique diablement efficaces – mais qui signifient plus profondément un renoncement à la politique puisque l’égalité orchestrée par la technique remplace une justice garantie par le politique.

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