> L’Éditorial du Père Danziec
Le catéchisme ne nous méprend pas. Dès sa première question, « Quel est le dessein de Dieu sur l’homme ? », la réponse nous avertit : « Dieu a librement créé l’homme, dans un projet de pure bonté, afin de le rendre participant à son éternité bienheureuse ». Aller au Ciel ! Entrer au Paradis ! Franchir le Saint des saints ! Nous asseoir – enfin ! – à la table du banquet céleste où ni les maux de tête, ni les problèmes de foie ne menacent à l’issue de ces agapes éternelles. Ah, qu’il nous tarde de bénéficier de cette dolce vita, de cette tranquillité céleste où la paix, l’harmonie et l’amour règnent d’un même concert. Quel exquis vertige de saisir cette raison d’être !
Célébrer les saints, honorer les morts
Avec la pédagogie qu’on lui connaît, l’Église, en ce début du mois de novembre, ne lie donc point par hasard la fête de la Toussaint avec celle de la commémoraison des fidèles défunts.
Célébrer les saints qui, ici-bas, ont vécu en amis de Jésus et ont manifesté de manière significative la puissance de la victoire du Christ dans leur âme ; honorer les morts qui, entrés dans leur éternité, réclament nos prières pour se laisser, à leur tour et à la suite des saints, posséder par Dieu tout entier. Une méditation s’impose : si la mort fait partie de la vie, il s’agit de ne pas oublier trop vite aussi que la sainteté doit faire partie de la vie chrétienne. Ou, à défaut qu’elle n’en tienne la meilleure place, ambitionner à tout le moins de commencer à l’avoir pour but.
« Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? » interroge le ministre au commencement du rituel du baptême, « La Foi ! » répondent les parrain et marraine. « Que vous procure la foi ? », « La vie éternelle ! ». Ainsi, cet être de sang et de boue qu’est l’homme se trouve appelé, dès le frémissement de la vie en lui, au plus glorieux des héritages. Dieu veut que l’humanité dans son ensemble relève la tête vers la lumière, cette « lumière véritable » (Jn 1, 9) qui brille dans la personne de son fils, jaillit de son Évangile et éclate dans l’enseignement constant de son Église.
« La foi, expliquait, espiègle, Gustave Thibon, c’est la noblesse de l’homme qui, une fois dégrisé, tient ses promesses d’ivrogne. » Oui, il y a dans l’hygiène de vie chrétienne – celle-là qui fait les saints – quelque chose de profondément contre-intuitif et d’apparence déraisonnable. Cette foi, qui donne droit à la vie éternelle, paraît, à vue humaine, insensée.
Elle fait rire les mondains et suscite l’ironie des puissants, comme on a pu le voir dernièrement à l’occasion du succès du film Sacré Cœur, contre tous les pronostics et les coups bas de l’entre-soi « médiatiquement correct ». À ce monde du spectacle, saint Paul pourrait à nouveau lancer ses percutantes envolées sur la folie raisonnable du message divin. Sa première lettre aux Corinthiens en est truffée :
« Dieu a choisi ce qui est folie pour le monde afin de confondre les sages. » (1 Co 1, 27)
« Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous se croit sage selon ce monde, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » (1 Co 3, 18-19)
« Nous sommes fous à cause du Christ. » (1 Co 4, 10)
« Car ce qui serait folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes. » (1 Co 1, 25)
Tel est l’enjeu de notre propre conversion : devenir raisonnablement fou. S’interdire d’appréhender la sainteté comme une affaire de développement personnel, s’empêcher de croire que l’amitié avec Dieu est question de recette. On ne s’initie pas à la sainteté selon la même logique cognitive de l’apprentissage d’une langue étrangère. Pas d’application DuoSancto comme Duolingo.
De même, pas de croissance dans la grâce à la manière d’une prise de masse musculaire. Pratiquer les commandements réclame tout autre chose qu’une docilité scrupuleuse à des exercices quotidiens, tels qu’ils peuvent être préconisés par le youtubeur Tibo InShape.
Aimer Dieu follement avec toute sa raison
Qu’est-ce que la sainteté, sinon d’aimer Dieu follement avec toute sa raison ? L’aimer et lui plaire certes, mais avec une précision de taille : « en tâchant d’anéantir son amour-propre pour faire vivre et régner l’amour de Dieu » (saint François de Sales).
Reconnaître l’incohérence de ses certitudes pour vivre de l’amour de Dieu, c’est cet « anéantissement de l’amour-propre » dont Bruno Guillot a fait l’expérience saisissante, jusqu’à modifier le cours de sa vie : Belge converti au salafisme, imam repenti redevenu catholique, vous pourrez lire son formidable témoignage dans ce numéro.
« Faire vivre et régner l’amour de Dieu », c’est encore tout le projet du Congrès Mission qui se tient actuellement à Paris-Bercy et qui s’attache à rassembler, sans exclusive, tous ceux qui aspirent à diffuser le message d’amour et de vérité de l’Église. Comme quoi, la sainteté n’a pas dit son dernier mot. Et vous ?
Catéchisme de saint Pie X, Éditions de L’Homme Nouveau, 320 p., 10 €.
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