La question de l’euthanasie et des soins palliatifs s’articule autour de la souffrance : absurde et injustifiable en apparence, elle a pourtant un sens et une valeur. Alors soulager autant que possible mais aussi l’utiliser comme un chemin vers Dieu. D’après la loi du 24 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Le soulagement de la douleur physique et psychique de toute personne qui le souhaite correspond à un impératif moral. Cependant, il est des maux rebelles à tout soin et penser supprimer toute souffrance en ce monde relève de l’utopie. Il nous faut donc oser penser le mystère et le scandale de la souffrance, dans une perspective résolument chrétienne.
La foi et la raison au risque de la souffrance
Confronté à la souffrance d’autrui, il s’agit d’abord d’y compatir et de la soulager, autant que possible, ne serait-ce que par une présence aimante plutôt que par un discours visant à lui trouver un sens et à en disculper Dieu, l’infiniment Tout-Puissant et l’infiniment Bon. Il est d’autant plus risqué d’oser un propos sur la souffrance que celle-ci est toujours personnelle et incomparable. Le degré de souffrance ne se mesure pas uniquement à l’intensité du mal qui frappe le souffrant mais aussi à ses dispositions personnelles. Ainsi, un même mal pourra être ressenti et supporté différemment en fonction de la condition de la victime, de son état mental et physique, de ses expériences passées et de son environnement. Si la souffrance est nécessairement singulière et aussi diverse que les différents types de maux perceptibles, elle peut cependant revêtir pour chacun un même sens. En effet, acceptée, la souffrance peut rendre humble et détaché des vanités de ce monde. Plus encore, la souffrance rappelle au sage sa vulnérabilité de créature et au pécheur les conséquences du refus de ses premiers parents à rendre l’adoration due à Dieu seul. Mais pour le chrétien, le sens de la souffrance lui conférant une valeur irremplaçable, y compris au seuil de la mort, est ailleurs. La liturgie pascale a l’audace de qualifier, dans l’Exultet, la faute originelle de « bienheureuse » parce que, par le Christ, la souffrance et la mort, châtiments du péché, ont été métamorphosées en occasion de salut et même de joie surnaturelle.