La traque aux trisomiques s’intensifie

Publié le 14 Jan 2019
La traque aux trisomiques s’intensifie L'Homme Nouveau

Il y avait déjà l’amniocentèse. Le dépistage prénatal non invasif ou DPNI* fait son entrée non dans le traitement de la trisomie mais dans l’arsenal officiel de dépistage pour une élimination plus sûre de l’embryon trisomique. Un eugénisme d’État confié à l’Agence dite de biomédecine et remboursé par la Sécurité sociale.

Le gouvernement a introduit définitivement en décembre dernier la pratique du DPNI dans le suivi des grossesses. Cette décision change-t-elle vraiment quelque chose dans la mesure où l’on sait l’acharnement qui existait déjà pour traquer la trisomie ?

Jean-Marie Le Méné : Il est vrai que 96 % des enfants diagnostiqués trisomiques avant la naissance sont aujourd’hui éliminés, ceci étant possible jusqu’au terme de la grossesse en application de la loi Veil. Sauf indication contraire des parents ou défaillance de la machine à trier, tous les fœtus diagnostiqués trisomiques sont avortés. Le DPNI porte à sa perfection la politique eugéniste déjà mise en place en visant à l’éradication complète des enfants porteurs de trisomie. Il est présenté comme plus fiable, plus précoce, plus confortable, plus économique. Une usine à gaz a donc été édifiée pour renforcer cette politique détestable qui n’est ni médicale, ni scientifique et encore moins philanthropique mais surtout lucrative pour les fabricants de tests.

Concrètement en quoi consiste cette mesure gouvernementale ?

Ce dépistage prénatal non invasif (DPNI), capable de rechercher le chromosome 21 surnuméraire dans l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel, est dorénavant proposé à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque est compris entre 1/50 et 1/1 000 (et non plus 1/250) à l’issue du dépistage par dosage des marqueurs sériques. Au système actuel qui prévoit un dépistage à 14 semaines et fiable dans 85 % des cas se rajoute une technique utilisable dès 10 semaines et fiable à 99 %. Elle devrait limiter le recours à l’amniocentèse qui reste toutefois nécessaire pour établir le diagnostic si le résultat de ce second test est positif. L’avortement plus précoce étant bien sûr présenté comme un progrès. Il y a même des femmes qui cumuleront trois tests : les marqueurs sériques, le DPNI si elles sont classées à risque entre 1/1 000 et 1/50 et un second DPNI si le premier prélèvement est « ininterprétable ». Tout cela remboursé par l’Assurance maladie sans compter, éventuellement, l’acte invasif du diagnostic par l’amniocentèse. Si cela ne s’appelle pas de la traque… 

Le dépistage de la trisomie est possible depuis plusieurs années déjà, il a été autorisé et même très fortement encouragé. Pensez-vous que nous nous acheminons vers un dépistage obligatoire, voire l’obligation d’avorter de tout enfant porteur de handicap ?

J’ai montré dans mon livre (1) que le DPNI est un dispositif qui a l’obsession de l’exhaustivité et la hantise de rater la cible. Se féliciter d’un procédé qui éliminera moins d’enfants sains par erreur mais tous les enfants handicapés par choix est un raffinement dans l’eugénisme. Le dépistage obligatoire n’est donc pas une hypothèse, il est déjà obligatoire, sinon en droit, du moins en pratique. On peut d’autant plus imaginer l’obligation d’avorter que, depuis la loi Rossignol, dissuader de l’avortement est un délit d’entrave qui peut conduire en prison.

C’est l’Agence de la biomédecine qui encadre ce dépistage et qui collecte les informations qui lui sont relatives. Que pouvons-nous craindre de ce fichage ? 

Les conséquences de ce fichage de la trisomie 21 sont différentes de celles des statistiques nationales sur d’autres pathologies (type cancer du sein). Alors que pour ces dernières le but est thérapeutique, pour la trisomie 21, elles ont pour objectif de perfectionner un système d’élimination quasi systématique. Il ne s’agit pas de mieux dépister pour guérir plus mais de mieux dépister pour éliminer plus. Le sous-entendu est terrifiant. La traçabilité des fœtus trisomiques 21, organisée par l’État, laisse penser qu’ils sont une menace pour la société. L’État défend un « ordre établi » dans lequel les personnes trisomiques sont traitées comme un « désordre ».

Que voudriez-vous dire à tous ces futurs parents inquiets à l’idée de mettre au monde un enfant trisomique et qui ont recours au DPNI ?

Qu’ils se rassurent. Il existe encore une médecine hippocratique qui combat la maladie et défend les malades. Dans le domaine des déficiences intellectuelles d’origine génétique, c’est la mission confiée par la Fondation à l’Institut Jérôme Lejeune qui accueille en consultation médicale spécialisée pas moins de 10 000 patients. Grâce à la Fondation, la recherche vers le traitement avance avec plus de 700 projets financés dans le monde entier. « La tâche est immense mais l’Espérance aussi ».

1. Jean-Marie Le Méné, Les Premières Victimes du transhumanisme, Éd. Pierre-Guillaume de Roux, 176 p., 19,50 e.

* Le dépistage prénatal non invasif (DPNI) est une technique de dépistage de la trisomie 13, 18 et 21 par prélèvement du sang de la femme enceinte et analyse de l’ADN de l’enfant qui y circule. Le DPNI est terriblement efficace et sûr, en tout cas plus que l’amniocentèse, méthode de dépistage de la trisomie qui suppose de prélever un échantillon du liquide amniotique qui entoure le fœtus dans lequel circule l’ADN de l’enfant et qui comporte des risques de fausses couches pour 0,5 à 1 % des cas. Le DPNI est proposé à partir de la douzième semaine de grossesse et après l’examen par échographie et prise de sang du premier trimestre de grossesse, si le risque de trisomie est compris entre 1/1 000 et 1/50. Reste que le DPNI ne constitue pas un diagnostic mais seulement un test. S’il est positif, il sera donc suivi, sous réserve de l’accord de la femme enceinte, d’une amniocentèse. Dans la mesure où la trisomie représente 95 % des malformations chromosomiques, le DPNI représente un outil de dépistage extrêmement performant… et un marché financier juteux pour les laboratoires.

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