Ils n’ont pas tort ceux qui prétendent que nous assistons à une mue de la politique française. Mais cette mutation s’effectue en trompe-l’œil comme le montre le résultat du premier tour de l’élection présidentielle. Le candidat incarnant le mieux le système politique et ses « valeurs », non seulement a remporté ce premier round, mais il l’a fait en utilisant cette espèce de quintessence du sophisme contemporain qui consiste à laisser croire son opposition à ce qu’il incarne le mieux.
Au rendez-vous de la société du spectacle
Comme d’habitude, les commentaires vont bon train dans cette sphère politicienne qui s’insère dans la société du spectacle dans laquelle nous vivons. Déclarations, twittes, interventions sur facebook, petits mots et gros sous-entendus, ne manquent pas. Loin de se préoccuper du bien commun du pays, et de parler du pays lui-même, le monde politico-médiatique s’évertue à ne parler que de lui-même. C’est un système vicieux qui tourne en rond et s’entretient en permanence en créant sans cesse le motif de parler de soi. De ce fait, la réaction immédiate, l’émotion, la sensibilité sont mobilisées en permanence parce qu’il ne faudrait pas que le mouvement s’arrête un seul instant.
Le règne de Ponce Pilate
À peine connue à 20 h 00, dimanche soir, la sélection des deux finalistes à l’élection présidentielle, les journalistes n’avaient comme question pour les perdants que de savoir pour qui ils appelleraient à voter. Le recul, la réflexion, la prise de distance ne devaient pas avoir lieu. Dans la société du spectacle, il est malséant de réfléchir et de faire appel à la raison. Il faut se déterminer tout de suite, en réponse aux oukases médiatiques. On imagine le sort qui serait réservé à Socrate si par malheur pour lui il revenait à notre époque. Lui qui voulait accoucher de la vérité au terme d’un long échange, cherchant aussi bien à cerner l’étendue du problème qu’à hiérarchiser les raisons engagées, n’aurait pas droit à la parole. À nouveau, la ciguë médiatique, c’est-à-dire la mise à l’écart définitive, serait son lot. Nous ne sommes plus au temps de Socrate ou de Platon. Nous sommes enfoncés jusqu’au cou à l’époque de Ponce Pilate, le sceptique ; qu’est-ce que la vérité ?
Changer de paradigme
D’une manière ou d’une autre, tous les acteurs de cette mascarade politique participent à l’entretien d’un système qui repose en profondeur sur la négation pratique et théorique de la loi naturelle, sur le refus de la nature sociale de l’être humain, sur le refus de l’amitié politique et de la finalité de la vie humaine. Leur choix philosophique profond se porte sur une vision individualiste de l’être humain, autonome par nature et par choix et dont la liberté ne doit être limitée par la société que pour permettre la coexistence de ceux qui agiraient sinon comme des loups entre eux.
Le système électoraliste formalise cette coexistence. La guerre civile se déroule dans les urnes, mais elle reste quand même une guerre civile, le sang en moins. Les sophistes et les manipulateurs s’en donnent à cœur joie. Assurément, le cas Macron restera un cas d’école. Soutenu par les grands financiers et les faiseurs d’opinions, porte-parole du mondialisme qui veut la disparition des frontières protectrices, socialiste-libertaire, Hollande 2.0, il est la parfaite incarnation de la philosophie du mouvement permanent contre celle de l’être. Les élections ne sont qu’un indicateur du drame français. Plus que jamais, il nous faut travailler à reposer les fondements d’une vision classique de l’homme et de la société, à changer définitivement de paradigme.