La violence des islamistes a-t-elle un fondement dans le Coran ?

Publié le 12 Jan 2015
La violence des islamistes a-t-elle un fondement dans le Coran ? L'Homme Nouveau

Les crimes atroces des djihadistes en Irak et tout récemment en France révoltent une grande partie des musulmans en Occident. On ne peut que se réjouir que beaucoup de musulmans, notamment des imams, dénoncent l’horreur de ce terrorisme. Ces événements abominables peuvent aussi être pour eux l’occasion de s’interroger sur la caution que les textes canoniques de l’islam apportent ou non à de telles violences. Un très grand nombre de musulmans sont des hommes de bon sens, réellement pacifiques, et ils sont sincères lorsqu’ils désavouent ces horreurs. Mais l’islam lui-même, tel que le donnent à connaître ses textes normatifs, le Coran et les hadiths (paroles attribuées au Prophète), est-il bien une « religion de paix et d’amour » ? Cela vaut la peine de se poser la question.

Notons que l’interprétation donnée par certains dignitaires musulmans sur le caractère historique et circonstanciel des versets violents ne résout pas le problème. D’une part, cette interprétation n’est pas soutenue par les textes de la tradition musulmane, les hadiths. D’autre part, d’autres responsables soutiennent (et parfois imposent violemment) une autre lecture (Citons un exemple. L’homme politique et théologien réformateur soudanais Mahmoud Mohamed Taha, qui voulait donner une portée relative, valable uniquement pour l’époque du Prophète, aux versets violents de la période médinoise, a été condamné à mort par un tribunal religieux, sous l’influence des Frères musulmans et exécuté au titre d’apostat en janvier 1985), et comme il n’y a pas, en islam, de magistère pour les départager, le problème reste entier.

Parallèlement, la presse française, en son immense majorité, tient aujourd’hui à dissocier devant l’opinion publique l’islam des crimes djihadistes. « Surtout pas d’amalgame ! » Pourtant ces mêmes crimes étaient perpétrés depuis longtemps ailleurs (notamment au Pakistan, en Inde, au Nigéria, en Syrie, en Centre-Afrique, etc.) sans susciter de réactions proportionnées dans la presse occidentale. On n’a pas non plus alors observé de vives réactions chez les musulmans, ni de claire condamnation par les instances islamiques, malgré les appels répétés du Vatican, par exemple auprès de l’Université Al-Azhar et de l’Arabie Saoudite.

Les atrocités des djihadistes sont-elles clairement contraires à l’islam ? Qu’enseigne donc le Coran ?

Nous utilisons le texte publié de façon officielle par l’Arabie Saoudite :

Le noble Coran et la traduction de ses sens, Complexe Roi Fahd pour l’impression du Noble Coran, BP 6262, Al Madinah Al-Munawarah, Royaume d’Arabie-Séoudite, An 1424 de l’Hégire (L’an 1424 de l’Hégire commence le 22 février 2004 et se termine le 9 février 2005) [noté CRF].

Nous indiquons en note, lorsqu’il y a une divergence notable, les traductions :

– de Danièle Masson, Le Coran, Éditions Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade, n° 190 », 2002 (1ère édition 1967) [notée : DM] ;

– de Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, « Spiritualités vivantes », Albin Michel, 2002, (1ère édition 1990) [notée : JB].

I. Sourate 2 (La vache), versets 190-193.

« Purifier » le territoire des associationistes.

Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes, Allah n’aime pas les transgresseurs !

Et tuez-les, où que vous les rencontriez ; et chassez-les d’où ils vous ont chassés : l’association (DM : la sédition ; JB : le trouble) est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu’ils ne vous y aient combattus. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants.

S’ils cessent, Allah est, certes, Pardonneur et Miséricordieux.

Et combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah seul.

Dans une interprétation courante en islam, non seulement les polythéistes, mais les chrétiens sont des « associationistes » ou « associateurs ». Selon le Coran (Sourate 4, verset 171 ; Sourate 5, versets 73 et 116 ; Sourate 9, verset 30), ils « associeraient » à Dieu des divinités, à savoir Jésus et Marie, pour former la Trinité.

II. Sourate 2, verset 216.

Le djihad, obligation coranique.

Le combat vous est prescrit alors qu’il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien. Et il se peut que vous aimiez une chose [alors] qu’elle vous est mauvaise. C’est Allah qui sait, alors que vous ne savez pas.

III. Sourate 2, verset 256.

Un verset souvent mal compris

Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah (DM : celui qui ne croit pas aux Taghout [en note : ce nom désigne probablement des idoles] et qui croit en Dieu ; JB : dénier l’idole, croire en Dieu) saisit l’anse la plus solide qui ne peut se briser (DM : sans fêlure). Et Allah est Audient et Omniscient.

« La formule coranique “pas de contrainte en religion” (II, 257), qui est souvent évoquée pour faire de l’islam une religion tolérante par essence, n’a été en fait isolée que tardivement, pour en faire un axiome de la discipline juridique des “buts de la Loi”, qui ne date que du XIVe siècle et qui reste très peu répandue. En fait le reste du verset (“celui qui est infidèle aux idoles et croit en Dieu s’est saisi de l’anse la plus solide et sans fêlure”) montre que cette formule est à sens unique : il faut laisser la liberté à un non-musulman d’embrasser l’islam, mais rien n’est dit de la démarche inverse où un Musulman choisirait de renoncer à sa religion. Plusieurs hadiths parleront bien de ce dernier point mais leur fiabilité n’a pas dû être reconnue comme absolue puisque le fiqh (Le fihq est le droit musulman qui constitue la Sharia) a traité toute apostasie, même individuelle, non comme un délit religieux mais comme une offense à l’État, réclamant la peine de mort. » (Dominique et Marie-Thérèse Urvoy, article « Contrainte en religion », Les mots de l’Islam, Toulouse PUM, CNRS, 2004, pp. 28-29)

IV. Sourate 4 (Les femmes), verset 74.

Récompense des djihadistes.

Qu’ils combattent donc dans le sentier d’Allah, ceux qui troquent la vie présente contre la vie future. Et quiconque combat dans le sentier d’Allah, tué ou vainqueur, Nous lui donnerons bientôt une énorme récompense.

La récompense est le paradis, où chacun des « martyrs » (c’est-à-dire des djihadistes tombés au combat) jouit des houris (femmes éternellement vierges) qui sont à sa disposition pour l’éternité. Cf. Sourate 37, verset 48 ; 38, 52 ; 44, 54 : « Et Nous leur donnerons pour épouses des houris aux grands yeux » ; 52, 20 ; 55, 56 et 72-74 ; 56, 22 et 36-38 : « Nous les avons faites vierges, gracieuses, toutes de même âge, pour les gens de la droite » ; 78, 33.

V. Sourate 4, verset 95.

Supériorité des djihadistes sur les autres hommes.

Ne sont pas égaux ceux des croyants qui restent chez eux – sauf ceux qui ont quelque infirmité – et ceux qui luttent (Note de DM : ‘al mujahidun sont ceux qui luttent (la racine j – h – d évoque l’idée d’effort, de combat) pour l’expansion et la défense de la « vraie Religion », c’est-à-dire de l’Islam ; JB : ceux qui font effort) corps et biens dans le sentier d’Allah. Allah donne à ceux qui luttent corps et biens un degré d’excellence sur ceux qui restent chez eux. Et à chacun Allah a promis la meilleure récompense ; et Allah a mis les combattants au-dessus des non-combattants en leur accordant une rétribution immense.

VI. Sourate 5 (La table servie), verset 33.

Tuer, crucifier, expulser du pays les corrupteurs.

La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption (DM : ceux qui exercent la violence) sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas ; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment.

Pour certains auteurs, les infidèles sont considérés comme « corrompant la terre », dans la mesure où ils ne respectent pas le pacte qui veut que tout homme soit par nature musulman. « Ceux qui rompent le pacte [mitaq] qu’ils avaient fermement conclu avec Allah, coupent ce qu’Allah a ordonné d’unir, et sèment la corruption sur la terre. Ceux-là sont les vrais perdants. » (Sourate 2, verset 27). Pour « plusieurs auteurs musulmans », la Sourate 7, verset 172 fait allusion « au pacte, au contrat de foi octroyé aux hommes avant leur naissance […] un sceau de foi scellé par Dieu même, que tout homme porte en son cœur à sa naissance, et qui constitue une prédisposition à recevoir l’islam » (DM, note sur Sourate 7, verset 172). En ce sens, tout homme naît musulman.

VII. Sourate 8 (Le butin), verset 12-13.

Égorger, décapiter les mécréants.

Et ton Seigneur révéla aux anges : « Je suis avec vous ; affermissez donc les croyants. Je vais jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants (DM : les incrédules ; JB : ceux qui dénient). Frappez donc au-dessus des cous et frappez-les sur tous les bouts des doigts. Ce, parce qu’ils ont désobéi à Allah et à Son messager. » (DM : ils se sont séparés de Dieu et de son Prophète ; JB : ils se sont séparés de Dieu et de Son Envoyé). Et quiconque désobéit à Allah et à Son messager… Allah est certainement dur en punition !

VIII. Sourate 8, versets 15-17.

Être le bras d’Allah en tuant les mécréants à la guerre.

Ô vous qui croyez quand vous rencontrez (l’armée) des mécréants en marche (DM : des incrédules en marche pour le combat ; JB : en ordre de bataille les dénégateurs), ne leur tournez point le dos.

Quiconque, en ce jour-là, leur tourne le dos, – à moins que ce soit par tactique de combat, ou pour rallier un autre groupe, celui-là encourt la colère d’Allah et son refuge sera l’Enfer. Et quelle mauvaise destination !

Ce n’est pas vous qui les avez tués, mais c’est Allah qui les a tués. Et lorsque tu lançais (une poignée de terre) [DM : tu ne lançais pas toi-même les traits ; JB : non plus que toi qui lançais (des traits) quand tu en lançais], ce n’est pas toi qui lançais, mais c’est Allah qui lançait, et ce pour éprouver les croyants d’une belle épreuve de Sa Part ! Allah est Audient et Omniscient.

IX. Sourate 8, verset 65.

Combattre les mécréants.

Ô Prophète, incite les croyants au combat ! (JB : exhorte les croyants à la guerre !) S’il se trouve parmi vous vingt endurants, ils vaincront deux cents ; et s’il s’en trouve cent, ils vaincront mille mécréants, car ce sont vraiment des gens qui ne comprennent pas.

X. Sourate 8, verset 67.

Pas de prisonnier avant une victoire totale.

Un Prophète ne devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir prévalu [mis les mécréants hors de combat] sur la terre (DM : tant que, sur la terre, il n’a pas complètement vaincu les incrédules ; JB : Il n’appartient à un prophète de faire prisonnier que le gisant à terre, meurtri). Vous voulez les biens d’ici-bas, tandis qu’Allah veut l’au-delà. Allah est Puissant et Sage (Ici le CRF place une note instructive : « Selon ce verset, lors de la bataille de Badr, les croyants auraient mieux fait de tuer les infidèles, au lieu de les avoir capturés, afin que cesse toute hostilité à leur égard. Ce n’est que plus tard qu’Allah a permis l’emprisonnement et la rançon (voir S. 47, v. 4). »).

XI. Sourate 9 (L’immunité, ou : Le repentir), verset 5.

Exiger la conversion des associateurs sous menace de mort.

Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs (DM : les polythéistes ; JB : les associants) où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la Salat et acquittent la Zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux.

La Salat est la prière musulmane ; le Zakat est l’impôt cultuel musulman.

XII. Sourate 9, verset 123.

Combattre ses voisins mécréants avec dureté.

Ô vous qui croyez ! Combattez ceux des mécréants (DM : les incrédules ; JB : ceux des dénégateurs qui vous sont limitrophes) qui sont auprès de vous ; et qu’ils trouvent de la dureté en vous. Et sachez qu’Allah est avec les pieux.

XIII. Sourate 33 (Les factions, ou : Les coalisés), verset 27.

S’approprier les biens des infidèles.

Et Il [Allah] vous a fait hériter leur terre [des infidèles, cf. v. 25] (DM : les incrédules (v. 25) ; JB : les dénégateurs), leurs demeures, leurs biens, et aussi d’une terre que vous n’avez point foulée. Et Allah est Omnipotent.

Louis Marie de Bligni%C3%A8res

A propos de l’auteur :
Le père Louis-Marie de Blignières est le fondateur de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier qui se trouve en Mayenne, à Chémeré-le-Roi, dans le diocèse de Laval, et qui édite la revue Sedes Sapientiae. Le Père de Blignières est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Les fins dernières, DMM, 1994, Le mystère de l’Être. L’approche thomiste de Guérard des Lauriers, préface de Serge-Thomas Bonino,  J. Vrin, 2008, De Marie à la Trinité – méditations sur les mystères du Rosaire, préface de Mgr Brincard, DMM,  2011, Le Mystère du Christ, préface du cardinal Vanhoye, DMM, 2013. Il a également dirigé Priorités éducatives, DMM, 2014.

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