Sans avoir été officiellement saisie par le gouvernement pour se prononcer sur le sujet, l’Académie nationale de médecine (ANM) a rendu le 27 mai dernier un avis sur la légalisation de la Gestation pour autrui (GPA) pour les couples homosexuels. Prudente, elle a, plus exactement, publié un avis signé non pas par l’instance elle-même mais par l’un de ses membres, le professeur Roger Henrion.
Un rapport qui ne tranche pas
« Il est clair que la GPA dans son ensemble déborde les missions de la médecine, interpelle avant tout la société et relève prioritairement de la responsabilité du législateur. Les risques physiques et psychiques à court et surtout à long terme, en particulier pour l’enfant, sont encore mal évalués et dans le cas où le législateur serait conduit à autoriser la GPA, celle-ci devrait être assortie d’une démarche d’évaluation des risques rigoureuse, objective, et strictement encadrée », conclut le rapport. Une prise de position qui se refuse donc à être claire et définitive et qui, si elle penche plutôt en défaveur de la légalisation de la GPA, n’écarte pas définitivement cette hypothèse.
L’Académie de médecine résume ainsi son avis : « Les arguments pour sont : (1) le souhait d’un couple homosexuel d’élever un enfant issu de leurs propres gènes et de créer une famille, (2) la difficulté d’adopter dans les conditions actuelles, (3) la notion d’égalité et d’équité entre les couples hétérosexuels et homosexuels, (4) le recours très onéreux de la GPA à l’étranger laissant l’enfant dans une situation juridique aléatoire à son retour en France, (5) l’impossibilité de bénéficier de toute alternative thérapeutique. Parmi les arguments contre la levée de la prohibition, certains sont médicaux : (1) les risques physiques et psychiques que l’on fait courir à la femme, (2) les échanges entre la mère et son fœtus au cours de la grossesse plus développés qu’on ne le pensait et qui ne sont jamais neutres (…), (3) les risques physiques et psychiques que l’on fait courir à l’enfant. D’autres arguments sont d’ordre éthiques : (1) l’atteinte au statut de la maternité, (2) la profonde mutation bioéthique, l’indication de la GPA n’étant plus médicale mais sociétale, (3) la commercialisation accentuée du corps humain, (4) l’asservissement de la femme au désir des hommes, (5) les risques pour le couple de la gestatrice, pour sa fratrie et pour le couple d’accueil, (6) les aspects financiers qui ne peuvent être négligés, (7) les risques de dérive. »
Le médecin, du médical au social
L’Académie de médecine a-t-elle une légitimité à se saisir de cette question ? De fait, la stérilité des couples homosexuels n’est pas pathologique mais due à la nature même de cette union ; pallier cette incapacité ce n’est donc pas « soigner » au sens strict, c’est un acte qui ne relève pas – ou plutôt ne devrait pas relever – de la médecine. Sauf que, et c’est l’un des arguments soulevés par les experts, si la GPA devait être légalisée en France, elle serait forcément suivie et encadrée par le corps médical comme dans les autres pays où elle est déjà autorisée. Le rôle du médecin serait bouleversé s’il devait non plus soigner mais répondre aux désirs individuels, fut-ce sous prétexte d’égalité. À ce titre, on comprend bien les réserves de l’ANM.
Parmi les autres points soulevés dans le rapport, celui de la commercialisation du corps est intéressant aussi au regard des pratiques habituelles de la médecine. Conformément au principe d’indisponibilité du corps garanti par le droit français et pour éviter tout trafic financier, les dons d’organes, les dons du sang ou les dons du corps à la science sont gratuits. L’on sait trop bien les trafics ignobles qui ont court dans certains pays où les organes humains se vendent à prix d’or. Une forme d’altruisme véritablement gratuit est ainsi préservée jusqu’à présent en France… Jusqu’à ce que l’on importe le commerce juteux de la GPA où l’altruisme revendiqué est un pieux mensonge.