Les 500 ans des apparitions de Guadalupe (Mexique) sont encore dans sept ans, mais les Américains commencent déjà à célébrer la Vierge et Juan Diego. Nommée patronne des Amériques, la Vierge de Guadalupe est vénérée sur tout le continent.
La semaine dernière, un nouveau film sur Notre-Dame de Guadalupe sortait en Amérique, en vue du 500e anniversaire des apparitions qui sera célébré en grande pompe en 2031. C’est encore dans sept ans mais les Américains s’y préparent déjà.
En 2022, le Pape a annoncé une grande neuvaine intercontinentale à la vierge de Guadalupe. Destinée en particulier à tous les Américains, elle a débuté le 12 décembre 2022, jour de sa fête, avec la « Messe des Roses » dans la basilique de Guadalupe et une autre à Saint-Pierre. Elle doit durer neuf ans, jusqu’au cinq centième anniversaire des apparitions.
L’importance qui est donnée à cet anniversaire s’explique par le fait que Notre-Dame de Guadalupe (Mexique) est le sanctuaire marial le plus fréquenté au monde, avec 15 à 20 millions de pèlerins par an. Là où Notre-Dame de Fatima en accueille 6 millions et Lourdes 4 millions (les chiffres ayant été perturbés par le Covid). C’est aussi l’histoire d’une Vierge qui s’est manifestée pour le Nouveau Monde, à un indigène, en langue indienne.
Il y a 500 ans au Mexique
Au début du XVIe siècle, l’Empire Aztèque est définitivement anéanti au Mexique. Les colons espagnols maltraitent les indigènes et les métis, se déchirent entre eux, et mènent la vie dure aux missionnaires, qui peinent à évangéliser. Interdit de sacrifices humains et d’adoration de ses dieux, le peuple indien se trouve quant à lui fortement déstabilisé, craignant non seulement les colons, mais aussi la colère des dieux qui ne sont alors plus « nourris ».
Le prélat basque Juan de Zumárraga, arrivé au Mexique en 1528 et nommé protecteur des Indiens, s’inquiète de la situation dans ses lettres et écrits. Il craint l’éclatement et l’effondrement d’une société pourtant récente, allant même jusqu’à excommunier certains membres corrompus et cruels des instances gouvernementales. Dans une lettre au roi il implore : « Si Dieu n’intervient pas pour que soit immédiatement apporté un remède, cette terre est menacée d’être perdue à tout jamais… »
Le 9 décembre 1531, un Indien de près de 60 ans, Juan Diego Cuauhtlatoatzin, récemment baptisé et très pieux, reçoit comme une réponse de Dieu à Zumárraga, alors qu’il se rend à la messe. Une jeune fille métisse de quinze ans environ lui apparaît sur la colline de Tepeyac au nord de Mexico, auréolée de soleil, soutenue par un ange et enveloppée dans un grand manteau bleu étoilé. Elle s’adresse à lui en Nahuatl, la langue des indigènes, et l’appelle « Mon petit Juan Diego, mon tout petit, mon fils ». Elle lui demande d’aller trouver les autorités ecclésiastiques afin de faire construire une chapelle sur le lieu même, en l’honneur de la mère de Dieu et pour le salut des hommes.
Mais Juan Diego n’est pas écouté par Zumárraga. La Vierge lui réapparait et lui demande de persister, bien que l’Indien ne se sente pas suffisamment important pour remplir cette tâche. Devant son insistance et les détails de son récit, Zumárraga est troublé et l’écoute longuement. Avant de le renvoyer, il lui demande un signe. Les gardes suivent Juan Diego sur le chemin du retour mais il disparaît à leurs yeux. Pendant ce temps, la Vierge lui a réapparu en promettant un signe le lendemain.
Le lendemain, Juan Diego ne se rend pas sur la colline car il ne quitte pas le chevet de son oncle Bernardino, gravement malade depuis la veille. Il décide de partir à la recherche d’un prêtre le 12 décembre, et fait un détour afin d’éviter de rencontrer la Vierge et de perdre du temps. Celle-ci lui apparaît cependant sur le chemin et lui assure que son oncle est guéri. Elle peut donc lui indiquer un lieu où il pourra cueillir des roses pour les apporter à Zumárraga. Au sommet de la colline, Juan Diego découvre en effet, en pleine période hivernale, de magnifiques roses qu’il amasse dans son manteau, ou tilma.
Ébahis par leur beauté, les gardes tentent d’en attraper quelques-unes, mais lorsqu’ils approchent les mains, elles semblent brodées sur le tilma de l’Indien. Quand Juan Diego est enfin introduit chez Zumárraga, il ouvre son tilma pour laisser tomber les roses, et tous découvrent avec stupeur un dessin de la Vierge appliqué sur le tissu. Tout ceci est rapporté par Antonio Valeriano dans le Nican Mopohua, ou « Voici le récit », premiers mots du texte.
Il n’en faut pas plus à Zumárraga pour faire élever une chapelle sur la colline de Tepeyac. La première véritable église est construite en 1567 et est suivie de nombreuses autres constructions, jusqu’à la basilique actuelle, en 1976. Quant à la tilma, sur laquelle reste gravée l’image acheiropoïète (« non fait de main d’homme »), elle est aussitôt gardée et conservée.
L’image acheiropoïète de la Vierge de Guadalupe
La Vierge a immédiatement été associée à Notre-Dame de Guadalupe, du nom de la statue médiévale vénérée en Estrémadure, à Guadalupe (Espagne). Cette dévotion avait été importée en Nouvelle-Espagne dès Christophe Colomb et était alors connue. De nombreuses théories se complètent ou s’opposent. Mais le Nican Mopohuan raconte que l’oncle Bernardino aurait aussi reçu une apparition de la Vierge à l’instant de sa guérison, se faisant appeler « la toujours Vierge Marie de Guadalupe ». À moins que Guadalupe ne soit dérivé d’un mot nahuatl signifiant « qui écrase les serpents ».
Notre-Dame de Guadalupe est rapidement vénérée par les colons autant que les Indigènes. L’image de la Vierge de Guadalupe parle particulièrement aux derniers car elle réunit un grand nombre de symboles tirés de leur civilisation.
La Vierge est métisse, elle a une main blanche et une main plus foncée. Elle parle donc à tous les peuples, y compris les métis comme Juan Diego, rejetés par les sociétés mexicaines et espagnoles. Son manteau bleu indique qu’elle est de sang royal, et la croix autour du cou que c’est la mère des chrétiens. Ses genoux sont pliés, à la façon de la danse priante du peuple nahuas. Ses cheveux sont lâchés en signe de virginité. Sa robe est ceinte d’un ruban noir, que portaient les femmes enceintes. Mais elle est aussi recouverte de motifs floraux, en particulier la fleur Nahui Ollin, symbole du dieu suprême et inaccessible, qu’elle porte en son sein.
Moins de dix ans après les apparitions, on compte environ neuf millions de conversions d’Indiens. Après la soumission à des dieux du ciel cruels et mauvais, la Vierge de Guadalupe, éclatante de soleil, étoilée et reposant sur un croissant de lune, apporte un véritable tournant pour le peuple indigène. C’est une Vierge médiatrice et protectrice pour tous les peuples, y compris les Indiens. C’est en cela qu’elle devient Patronne des Amériques.
Des enquêtes et examens furent menés sur la tilma de Juan Diego dès 1666 et régulièrement ensuite. Contrairement aux copies qui ont pu être faites, la tilma ne s’est jamais désagrégée, et ses pigments, d’origine inconnue, ne s’effacent pas. Les scientifiques ont rapidement examiné les yeux étrangement iridescents de la Vierge, dans lesquels ils pouvaient voir un personnage. Bien plus tard, après en avoir agrandi deux mille fois les photographies, ils ont pu dénombrer tous les témoins de la scène des roses, ainsi qu’une famille.
Il n’y a jamais eu de reconnaissance canonique de l’Église catholique pour les apparitions de Notre-Dame de Guadalupe, cependant l’enquête de 1666 par les autorités religieuses a fait office de. Benoît XV a déclaré la Vierge de Guadalupe Patronne de la Nouvelle-Espagne en 1784 par bulle, et a fixé sa fête au 12 décembre, jour du miracle des roses et de la tilma. Elle est déclarée Mère des Amériques en 1960 par Jean XXIII et protectrice des enfants à naître par Jean-Paul II en 1999. Juan Diego est quant à lui béatifié en 1990.
De nos jours, environ vingt églises sont consacrées à Notre-Dame de Guadalupe en Amérique, dont deux sanctuaires, celui du Mexique et un autre en Pennsylvanie. Guadalupe est la première apparition du Nouveau Monde, ce qui lui octroie une importance considérable pour toute l’Amérique. C’est pour cette raison que les célébrations organisées par l’Église jusqu’en 2031 sont intercontinentales.
Jean-Paul II disait en 1999 : « L’apparition de Marie à l’Indien Juan Diego sur la colline de Tepeyac, en 1531, eut des répercussions décisives pour l’évangélisation. Son influence dépasse largement les frontières du Mexique et s’étend au continent tout entier. » (Ecclesia in America, 22 janvier 1999).
Des actions multiples
La Neuvaine Intercontinentale de Guadalupe repose sur cinq points majeurs que sont l’étude scientifique et religieuse, la formation, la dévotion, la diffusion de l’événement, et la production audiovisuelle. Afin de préparer son cœur aux commémorations de Guadalupe, le père David Jasso, membre du comité technique de la Neuvaine Intercontinentale, propose six actions simples :
- Rendre grâce à Dieu pour la Vierge de Gudalupe apparue il y a 500 ans.
- Connaître et approfondir ses messages.
- Imiter la Vierge Marie et Juan Diego.
- Partager la dévotion à la vierge de Guadalupe.
- Demander une grâce particulière.
- En parler à ceux qui ne la connaissent pas.
Il s’agit de prier pour « ce peuple américain menacé dans son identité par un paganisme sauvage et exploiteur » insistait le Pape à l’annonce de cette grande neuvaine. Mais aussi de prier la Mère de Jésus et pas simplement des Américains : « S’il vous plaît, faites-le avec un véritable esprit de Guadalupe. Je suis préoccupé par les propositions idéologiques-culturelles de divers genres qui veulent s’approprier la rencontre d’un peuple avec sa Mère. »
En attendant les 500 ans à proprement parler en 2031, et durant la Neuvaine intercontinentale, les Américains peuvent prier la Mère des Amériques avec un hymne, rendu public en novembre dernier. Il s’agit d’une composition originale de Juan Pablo Rojas (musique et paroles), enregistré dans la basilique par le groupe « Canto católico », originaire du Chili.
Le 22 février 2024, un nouveau film docu-fiction intitulé Madre de la humanidad, « Mère de l’humanité », et dirigé par Andrés Garrigó (Goya Producciones) est sorti dans des salles américaines. Il propose de retracer l’histoire des apparitions et du sanctuaire avec des acteurs, mais aussi d’écouter les différents clercs et experts sur le sujet du miracle de la tilma, des apparitions et des messages de la Vierge.
« L’événement de Guadalupe » s’inscrit par ailleurs dans un projet plus global de la conférence des évêques du Mexique appelé Projet Pastoral Mondial qui aura lieu entre 2031 et 2033 pour commémorer, en Amérique, les 2000 ans de la Rédemption.
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