Le cannabis en libre circulation, une solution ?

Publié le 27 Oct 2016
Le cannabis en libre circulation, une solution ? L'Homme Nouveau

Régulièrement le débat sur la dépénalisation du cannabis est relancé. En vue d’en faire un enjeu pour 2017 et renouer peut-être avec une partie de la jeunesse et de la gauche, le laboratoire d’idées « Terra Nova » organisait le 4 octobre une réunion avec les auteurs d’une étude censée montrer les avantages d’une telle légalisation.

Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), la France est le premier pays européen à faire usage du cannabis, avec notamment 4,6 millions de Français ayant connu au moins un épisode de consommation de cette drogue en 2014. Si la consommation régulière de tabac et d’alcool a diminué chez les lycéens entre 2011 et 2015, selon une enquête de l’OFDT publiée récemment, celle de cannabis reste stable (7,7 % avec 10 % des garçons et 5 % des filles). Mais l’expérimentation (au moins un usage) augmente de moitié entre la seconde et la terminale, passant d’un tiers des élèves (35 %) à plus de la moitié (54 %). Le pourcentage de jeunes Français ayant consommé du cannabis en 2015 était presque deux fois supérieur à la moyenne européenne (22 % contre 12 %).

Un contrôle faussé

« Les campagnes de prévention menées en population générale n’ont été que d’une faible efficacité », en conclut « Terra Nova » qui stigmatise tout autant l’échec des politiques et des lois de répression menées contre cette substance depuis des lustres : « Les interpellations pour possession ou usage de cannabis ont plus que doublé sur la décennie 2000 », alors que « le nombre de consommateurs a continué de croître. » D’où la proposition du laboratoire d’idées proche du PS : la création d’une Autorité de régulation du cannabis (Arca), copiée sur l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), permettrait la légalisation du cannabis en France sur un marché contrôlé. En vue d’assécher le marché illicite, d’une part et de prévenir les addictions, d’autre part. Une fois légalisée, la vente de cannabis pourrait en effet être confiée à des détaillants agréés par l’Arca, dans « le réseau des débitants de tabac, celui des officines pharmaceutiques ou un nouveau réseau de magasins »…

Comparaison n’est pas raison : assimiler l’addiction de la drogue à celle du tabac, de l’alcool ou maintenant à celle du jeu souffre d’une insuffisance notoire dans la mesure où le cannabis, comme toutes les drogues illicites, nuit beaucoup plus gravement et directement à la santé, perturbant les fonctions cérébrales et causant des dommages permanents chez l’adolescent. À la différence d’autres produits licites, il n’y a pas de consommation – même modérée – de cannabis sans risque, surtout pour la jeunesse.

Comme pour la pornographie…

Toutes proportions gardées, on pourrait d’ailleurs faire la même remarque avec la pornographie dont on méconnaît trop souvent la grave toxicité : son interdiction n’a pas à être levée au prétexte qu’elle serait inefficace. Elle est inefficace parce qu’elle n’est pas vraiment appliquée tant en matière de prévention que de répression, du fait d’une culture tolérante de la pornographie (que dénonce même le Pr Nisand) comme il existe une culture tolérante de la drogue, liée au culte de Mammon. C’est d’abord contre ces cultures coupables, moralement et politiquement, qu’il faudrait lutter.

Quand, pour le malheur d’une communauté, un fléau redoutable est toléré de facto par déclin des mœurs, le devoir du politique n’est surtout pas de légaliser ce mal en le légitimant comme un droit moral, mais de restreindre cette tolérance autant que possible, en vue du bien commun et de la santé publique. Dépénaliser ou légaliser un mal en tant que tel, au seul motif que la loi qui le condamnait hier est transgressée aujourd’hui, est politiquement condamnable et s’oppose aux principes de moindre mal et de tolérance civile.

On a vu avec la loi Veil comment cette dernière prohibition avait allègrement sauté et comment de la dépénalisation on était passé très vite au « droit » à l’avortement et même au « devoir » d’avorter pour les médecins. On a surtout vu le nombre d’avortements monter en flèche pour se stabiliser actuellement autour de 220 000 par an, sans jamais décroître (pas plus que le nombre de consommateurs de cannabis aux Pays-Bas, devenus plaque tournante du trafic en Europe), ainsi qu’on le prétendait témérairement. Vouloir légaliser le crime pour le canaliser, c’est appliquer une politique de Gribouille ou de pompier pyromane.

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