Comme le rappelle le pape François dans son homélie de la Messe des cendres, le 22 février dernier, le carême est le temps favorable qui nous prépare à revivre les jours mémorables de notre Rédemption. Comme dans une catéchèse, la liturgie des cendres nous rappelle notre véritable condition humaine, qu’elle nous présente comme à contre-jour, dans la lumière de Dieu qui se projette sur l’homme, sa créature et son chef-d’œuvre, en faisant apparaître ses ruines, son inquiétude, son partage entre la chair et l’esprit, sa déformation, son besoin de restauration et en même temps son incapacité de la réaliser : en un mot, elle lui révèle sa misère foncière, c’est-à-dire son péché et donc la nécessité pour lui d’être sauvé, racheté. Cette triste réalité se trouve comme condensée dans la parole qui accompagne l’imposition des cendres : « Souviens toi, homme, que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière. » Le carême, alors, nous aide à nous recentrer sur l’unique nécessaire, ce qui suppose le dépouillement de tout ce qui nous encombre et alourdit notre marche vers la Jérusalem céleste. Nos petits efforts de pénitence et de prière pourront ainsi permettre à l’Esprit Saint de rallumer le feu des cendres de notre fragile humanité. La liturgie des cendres est ainsi une liturgie de retour et d’exode : elle nous invite à revenir à nous-mêmes en vérité, par le retour à Dieu et l’attention à nos frères au moyen d’un amour véritable et non hypocrite.
En nous ramenant à cette vérité fondamentale de notre être et de notre vie, les cendres nous invitent donc à revenir à la vérité sur nous-mêmes : Dieu est Dieu et nous sommes l’œuvre de ses mains, comme il l’avait dit à sainte Catherine de Sienne : « Je suis celui qui suis, tu es celle qui n’est pas. » Dieu est, et nous n’existons que par un don de son amour ; don tout à fait gratuit et non mérité de notre part. Pire, par nos premiers parents et à leur suite, nous avons saccagé la beauté de la création, en nous détournant de Dieu par le péché. Mais dès le chapitre 3, 15, Dieu nous a donné une aurore d’espérance en annonçant le salut qui viendrait par la Femme, la Nouvelle Ève. C’est pourquoi nous ne devons jamais désespérer : Dieu sait très bien que nous sommes poussière et que Lui n’est que miséricorde. Aussi veut-il que nous laissions allumer la petite mèche, avec laquelle il pourra faire un incendie. Profitons de ce temps de vérité qu’est le carême pour faire qu’il en soit ainsi. Pour cela, faisons tomber tous nos masques mensongers et hypocrites pour lutter avec Jésus dans le désert.
Si le carême nous invite à nous souvenir que Dieu est notre créateur, il nous invite aussi à nous souvenir qu’il est notre Rédempteur. Il s’agit du temps favorable pour rentrer en nous-mêmes, mais aussi pour revenir à nos frères, en sortant de notre ego pour nous ouvrir aux autres, ce qui nous évitera de tomber dans la tentation de Sartre : « L’enfer, c’est les autres. » Mais pour nous ouvrir aux autres, il faut redécouvrir le silence et la prière, qui seuls peuvent nous faire sortir de la forteresse de notre ego. À la prière, nous devons ajouter les deux autres voies classiques du jeûne et de l’aumône. Mais nous devons en toutes choses garder la pureté du cœur, sans laquelle toutes nos pratiques, alors purement rituelles, deviendraient fausses et hypocrites.
En toute humilité, profitons de ces 40 jours pour redonner la primauté à Dieu dans notre vie, pour penser à ceux qui sont dans la misère ou le besoin et pour limiter la dictature des agendas. Pour cela, fixons toujours le Crucifix, près duquel nous trouverons toujours Marie se tenant debout, comme pour nous inviter à faire revivre nos cendres pour un feu gigantesque dans l’Esprit Saint.