Le Cours Saints Martin : un collège hors-contrat et catholique relève le défi de la ruralité

Publié le 23 Oct 2018
Le Cours Saints Martin : un collège hors-contrat et catholique relève le défi de la ruralité L'Homme Nouveau

Le Cours Saints Martin, fondé en 2013 à Sablé-sur-Sarthe, a relevé le double défi d’un enseignement libre dans une zone rurale.  Avec une volonté de dispenser des coursde bon niveau sans pour autant abandonner à leur sort les élèves en difficulté, avec une attention particulière portée aux disciplines artistiques, avec l’implication des élèves dans différents services pour la vie de l’école et une vie spirituelle qui fait partie intégrante du projet pédagogique, les fondateurs du Cours ont vu bien plus loin que le seul programme de l’Education nationale ! 

Entretien avec Laurent, directeur du Cours et Marion, responsable administrative. Tous les deux sont également professeurs.

Propos recueillis par Adélaïde Pouchol

Vous dirigez le Cours Saints Martin, un collège hors contrat catholique comme il en existe de plus en plus aujourd’hui. Comment définiriez-vous la spécificité du Cours ?

Laurent : Le Cours Saints Martin est une école des familles, et c’est me semble-t-il le point le plus important. Des parents sont à l’origine du projet et ils sont nombreux à intervenir pour donner des cours ou apporter leur aide pour le bon fonctionnement de l’école. Il est fondamental de permettre et de préserver une harmonie entre parents et professeurs et j’estime, comme directeur du Cours, devoir être vraiment au service des parents. Ces derniers attendent parfois des choses que les professeurs ne peuvent donner et, à l’inverse, les professeurs peuvent adopter une posture d’expert face aux parents… Or pour nous, il est très important de dépasser ces possibles incompréhensions, de garder un esprit familial parce que – et l’Église le dit très clairement -, l’éducation est en premier lieu de la responsabilité des parents.

Marion : Cette école est née, non pas parce que des professeurs avaient envie de créer quelque chose mais parce que des parents voulaient une structure pour leurs enfants. Et chacun s’investit donc, selon les compétences et le temps qu’il a, pour dispenser les cours, assurer des heures de surveillance, donner des heures d’aide individualisée aux élèves en difficulté…

En théorie, d’accord, mais comment créer concrètement ce lien entre parents et professeurs ?

Laurent : Dans la plupart des écoles, parents et professeurs se côtoient très peu. Au Cours Saints Martin, les parents sont très présents et travaillent avec l’enfant et les professeurs dans la même direction. Il y a une forme de vie communautaire du Cours, qui représente parfois un défi mais qui est une vraie force. Dans les autres établissements, les élèves sont tout le temps entre eux, l’adulte n’est là que pour dispenser un cours. Ici, certains parents d’élèves, et même des grands-parents, enseignent et les adultes sont quotidiennement au contact des enfants. Il n’y a plus l’habituel cloisonnement entre les générations. Par exemple, l’atelier de menuiserie proposé au Cours est animé par deux personnes retraitées. 

Cet attachement à la famille, est-ce aussi le sens du patronage sous lequel est placé le Cours Saints Martin ? 

Laurent : À l’origine, le Cours avait été fondé dans la continuité de l’école primaire hors contrat catholique de Sablé-sur-Sarthe, l’école Saint-Martin. Nous avions gardé le même saint patron mais je portais ce désir de placer le collège sous la protection de la famille Martin, justement parce que c’est une famille entière qui est proposée comme modèle, dans sa vie de prière autant que dans le quotidien de sa vie familiale. Et lorsque nous avons changé le nom du Cours, j’ai parlé des époux Martin et de tous leurs enfants, canonisés ou non, même les garçons morts en bas âge. En choisissant les saints Martin comme protecteurs, nous voulons creuser encore notre vocation, celle d’aider les familles dans l’éducation de leurs enfants. 

Quels sont les objectifs du Cours sur le plan scolaire ?

Marion : Notre but est à la fois d’avoir un collège de bon niveau, sans pour autant laisser d’enfants sur le bord de la route. Nous accueillons donc dans chaque classe des élèves en très grande difficulté scolaire. Dans cette perspective, certains cours de calcul, grammaire et orthographe sont donnés non pas par classe mais par groupes de niveau réel. En outre, plusieurs fois par semaine, des adultes bénévoles sont présents au Cours pour aider les élèves qui en ont besoin, pendant le cours ou après. Et même si cela n’est pas encore abouti dans toutes les matières, nous tendons à proposer dans les devoirs deux niveaux de réponses possibles. 

Suivez-vous les programmes de l’Éducation nationale ?

Marion : Cela dépend des matières mais disons que nous ne cherchons ni à les suivre ni à les écarter par principe. En mathématiques et sciences, par exemple, nous suivons le programme mais avec l’objectif qu’il soit vraiment acquis à la fin de l’année, quitte donc à passer plus de temps que prévu sur telle ou telle notion. En anglais, nous suivons le programme mais avons rajouté aux heures de langue écrite et de grammaire des séances d’expression orale avec un autre professeur, afin que les élèves, même s’ils sont faibles à l’écrit, puissent apprendre à parler les langues étrangères sans complexes. Notre spécificité ne vient pas tant de ce que nous ne faisons pas par rapport au programme officiel mais de ce que nous faisons en plus : les élèves suivent des cours de latin et d’histoire de l’art dès la 6et nous avons élaboré un programme en littérature sur 4 ans. Les élèves ont chacun un recueil de 120 poésies, de Moyen-Âge jusqu’à nos jours, qu’ils gardent pendant tout leur collège. Ce qui peut paraître anecdotique est en fait très révélateur de plusieurs choses qui caractérisent le Cours : d’abord, ce recueil suit la chronologie de l’Histoire et permet aux élèves, arrivés en 3e, d’être familiers de grands textes de la littérature et de les situer dans le temps. Par ailleurs, les nombreux livrets de travail que nous imprimons pour nos élèves permettent d’éviter les feuilles volantes qui sont à la fois une occasion de désordre et le signe de la mauvaise habitude que nous avons trop souvent dans l’enseignement, de faire des photocopies à tout-va, et de gaspiller énormément de papier. Nous voulons aussi apprendre à nos élèves, par l’exemple plus que par des discours, à économiser le matériel, à en prendre soin, ce qui est, nous semble-t-il, une façon très concrète de les éveiller au respect de la Création. Autre particularité du Cours, les cours d’Éducation morale et civique, qui sont clairement pensés dans une perspective chrétienne, où nous traitons de questions comme celles de la conscience morale, du Bien commun, de la nature humaine… Les élèves ont aussi une initiation à la philosophie en 3et suivent un parcours sur la vie affective dès la 5e

Suivez-vous une méthode pédagogique en particulier ?

Marion : À vrai dire, il nous importe peu de savoir si les méthodes que nous suivons sont anciennes ou nouvelles, il nous importe seulement de savoir si elles permettent aux élèves de comprendre. Nous réfléchissons en permanence à la façon dont nous pouvons nous améliorer et il y a, au sein de notre communauté éducative, une réelle recherche pédagogique. Il faut croire que cela porte des fruits puisque nous avons ouvert l’année dernière la classe de 3e, qui a obtenu une moyenne de 14,6 au Brevet des collèges !

Vous parliez d’atelier menuiserie et le Cours Saints Martin a également son petit chœur. Les disciplines artistiques ont-elles une place particulière dans le projet pédagogique de l’école ?

Laurent : Au Cours Saints Martin, nous mettons un point d’honneur à éveiller les enfants au beau. Ils ont des cours de dessin, l’atelier de menuiserie, l’atelier d’enluminure, des cours de chant hebdomadaires ainsi que plusieurs sessions d’histoire de l’art au cours de l’année. Au mois de mai, nous avons donné notre désormais traditionnel Dîner des Talents, au cours duquel parents, professeurs et élèves du Cours ont proposé des saynètes et pièces musicales… de très bon niveau ! Les jeunes rechignent parfois à suivre les cours de chant ou à travailler le théâtre mais, une fois sur scène, ils s’impressionnent eux-mêmes !

Marion : Nous souhaitons que les enfants puissent donner le meilleur d’eux-mêmes, et pas seulement sur le plan purement scolaire, d’où cette importance accordée aux disciplines artistiques mais également à la dimension spirituelle (heures de catéchisme et d’Histoire sainte régulières) et tout simplement humaine : nous faisons venir régulièrement de « grands témoins » au Cours, par exemple un membre du « Rocher », un volontaire d’ « À Bras ouverts » et même un Syrien venu témoigner auprès des élèves de la situation des chrétiens d’Orient. Par ailleurs, les élèves sont répartis en petits groupes de 6, un peu sur le modèle des patrouilles scoutes, que nous avons appelés « fraternités » et qui se répartissent différents services tout au long de l’année.

Le Cours Saints Martin fait partie des rares établissements hors contrats établis dans une zone rurale. Cela engendre-t-il des difficultés particulières ? 

Laurent : Les principales difficultés d’un établissement situé, comme nous, dans une toute petite ville, sont de trouver assez d’élèves pour assurer la stabilité financière du Cours et de trouver des professeurs qualifiés dans toutes les disciplines. Nous avons 29 élèves cette année car le réseau, forcément, est plus limité que dans les grandes agglomérations. Pour autant, nous avons la chance d’être dans une région très dynamique sur le plan spirituel. Ici, un prêtre qui intervient tous les 15 jours dans chacune des classes… Le problème serait plus crucial dans bien d’autres régions de France. 

Marion : La première ville de plus de 20 000 habitants est à plus de 50 km. Là où les écoles dans les grandes villes ont 12 élèves par classe au bout de deux ans d’existence, nous en mettons 6 pour y arriver puisqu’il faut nous faire connaître de gens qui n’ont pas forcément la culture du hors contrat. Nous sommes également dans un milieu avec peu de cadres, avec des parents aux revenus souvent modestes. La logistique est donc difficile, et nous ne pouvons nous permettre d’investir le peu d’argent que nous avons dans des moyens de communication. Au-delà même de l’argent, c’est aussi une question de temps, que nous consacrons en priorité aux élèves et aux questions proprement pédagogiques. Ici, tout se fait en local. Or le local, en France aujourd’hui, rapporte peu…

Comment le Cours est-il financé ?

Marion : Nous avons à cœur de permettre à toutes les familles, quels que soient leurs revenus, de scolariser leurs enfants dans l’école de leur choix. Nous avons donc fixé un prix de scolarité très bas et notre économie repose donc essentiellement sur le bénévolat et les dons. À vrai dire, le bénévolat n’est pas seulement un choix par défaut : nous avons pour objectif de payer les 3/4 des heures de cours qui sont données mais souhaitons garder une part de bénévolat car c’est aussi ce qui fait l’esprit du Cours Saints Martin. Pour en revenir à la question des finances, la gestion du Cours est la plus raisonnable possible, un peu comme celui du panier d’une ménagère. Cela repose d’abord sur de petites économies au quotidien. C’est le fait, par exemple, que les courses de fournitures scolaires soient faites par une personne pour tous les élèves : l’achat groupé est moins coûteux et chaque enfant a la même chose. Nous faisons très attention au gâchis de papier et n’hésitons pas, par exemple, à faire un jour une interrogation sur une feuille, et le lendemain, un exercice sur le recto de cette feuille qui n’avait pas été utilisé. 

Un moment dans la vie du Cours qui vous a particulièrement marqué ?

Marion : Au début de l’année, nous avons organisé pour les élèves une « Semaine de la Création » : nous avons passé cinq jours au sanctuaire Notre-Dame du Chêne, tenu par la Communauté Saint-Jean. C’était une manière de bien commencer l’année, de faire connaissance, et d’ouvrir les élèves à des choses qu’ils ne connaissaient pas forcément. Les cours étaient assurés tous les matins, nous avions également la messe ou une heure d’adoration chaque jour. Les après-midi étaient consacrés à des ateliers : entretien du jardin potager de la communauté, fabrication du pain, topo sur la vie affective, ateliers d’exercices de prise de parole, la visite d’une fabrique de cierges, un enseignement sur la bioéthique, et, plusieurs fois dans la semaine, un atelier d’eutonie (une discipline de prise de conscience de soi et de son corps pour favoriser la concentration). Les élèves en sont revenus avec des étoiles dans les yeux, tout comme les parents et professeurs qui les accompagnaient, et dont j’étais ! 

Informations et contact : 

Cours Saints Martin, 17 bis, place du Champ de foire, 72300 Sablé-sur-Sarthe.
courssaintsmartin@outlook.fr
www.cours-st-martin.com
Tél. : 02 43 92 27 16 / 06 87 54 37 20

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