Le Message pour la 49e journée mondiale de la paix

Publié le 06 Jan 2016
Le Message pour la 49e journée mondiale de la paix L'Homme Nouveau

Traditionnellement le Pape signe son message pour la Journée de la paix le 8 décembre qui, cette année, coïncide avec l’ouverture de l’Année de la Miséricorde. Aussi, pas étonnant est-il que le Pape consacre son message à la Miséricorde, car c’est bien elle qui doit triompher de l’indifférence pour apporter au monde la paix. D’où le titre : « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix ». Cette Année de la Miséricorde, en nous rappelant l’amour prévenant et gratuit de Dieu à notre égard, nous fera davantage prendre conscience que Dieu n’est jamais indifférent à notre égard. Au contraire, Il nous aime tellement qu’Il nous a envoyé son Fils pour nous sauver. Cette prise de conscience de la Miséricorde divine à notre égard doit nous maintenir dans l’espérance car, malgré les ombres, il y a multiples raisons d’espérer et même d’espérer comme Abraham contre toute espérance. Comme l’avait souligné à plusieurs reprises Benoît XVI, le Pape François rappelle que l’espérance chrétienne est très proche de la foi, en ce sens qu’elle donne à l’homme la conviction inébranlable de la victoire à la fois définitive et future du bien sur le mal. Notre foi en la rédemption accomplie par le Christ s’avère le fondement véritable de notre espérance.

L’année 2015 commémorait le cinquantième anniversaire de la clôture du Concile. Le Pape insiste sur deux documents emblématiques, et pas toujours bien compris, qui marquent l’orientation de l’Église vers le monde. Ce sont les documents Gaudium et spes et Nostra Ætate. Les papes précédents ont déjà donné une interprétation catholique de ces documents et le Pape actuel la précise dans le contexte de l’Année de la Miséricorde. Il y voit, à la condition sine qua non de ne jamais tomber dans l’indifférentisme, l’occasion privilégiée d’atteindre les périphéries existentielles dont il parle si souvent. Il y voit également l’occasion de raffermir chez tous les chrétiens la coresponsabilité pour le bien commun de la fraternité universelle. Puis il détaille certaines formes d’indifférence parmi les plus caractéristiques. La plus grave bien sûr est l’indifférence envers Dieu et l’on peut bien dire qu’elle est malheureusement quasi générale et universelle. Le résultat est gravissime. On ne le constate que trop de nos jours dans tout notre Occident paganisé et tombé au plus profond du gouffre dont il ne pourra sortir que par la Miséricorde divine. C’est le résultat « d’un faux humanisme et d’un matérialisme pratique, combinés à une pensée relativiste et nihiliste ».

Corollaire de l’indifférence de Dieu, l’indifférence envers le prochain n’en est pas moins pernicieuse et elle se manifeste de multiples manières. C’est la conséquence de la double perte du sens du péché et du sens de Dieu. Et cette indifférence se porte également sur la nature elle-même. En reprenant l’enseignement de saint Paul, le Pape rappelle ici ce qu’il avait déjà dit dans Laudato si’. Tout cela pour expliquer que l’indifférence devient souvent rejet et fermeture, ce qui constitue un obstacle majeur à la paix. Comment s’en sortir alors. Une conversion est nécessaire. Le Pape le sait, mais il compte aussi beaucoup sur la Miséricorde. C’est pourquoi il a ouvert la Porte Sainte le jour même où était signé ce message. La Miséricorde entraîne la fraternité et reconstruit l’unité de la famille humaine. En cela elle prépare directement la paix. Elle seule peut alors promouvoir une culture de solidarité et de paix. Éduquons donc les consciences à la Miséricorde. Faisons donc chacun en lisant le message du Pape notre examen de conscience. Découvrons et accusons notre indifférence tant à l’égard de Dieu qu’à l’égard du prochain et prions pour nos gouvernants trop influencés par le prince des ténèbres. Que Marie Reine de la paix, selon l’invocation de Benoît XV, nous exauce et nous aide pour entrer pleinement dans la recréation d’un nouveau monde, où la paix triomphera grâce à la Miséricorde.

Message pour la paix 2016 :

Dieu n’est pas indifférent ! Dieu accorde de l’importance à l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas ! Au début de l’année nouvelle, je voudrais accompagner de cette profonde conviction les vœux d’abondantes bénédictions et de paix, sous le signe de l’espérance, pour l’avenir de tout homme et de toute femme, de toute famille, peuple et nation du monde, ainsi que des Chefs d’État et de Gouvernement et des Responsables des religions. En effet, ne perdons pas l’espérance de voir en 2016 chacun, engagé fermement et avec confiance, à différents niveaux, à réaliser la justice et à œuvrer pour la paix. Oui, celle-ci est don de Dieu et œuvre des hommes. La paix est don de Dieu, mais don confié à tous les hommes et à toutes les femmes qui sont appelés à le réaliser.

Préserver les raisons de l’espérance

Les guerres et les actions terroristes, avec leurs tragiques conséquences, les séquestrations de personnes, les persécutions pour des motifs ethniques ou religieux, les prévarications, ont marqué l’année passée du début à la fin, se multipliant douloureusement en de nombreuses régions du monde, au point de prendre les traits de ce qu’on pourrait appeler une « troisième guerre mondiale par morceaux ». Mais certains événements des années passées et de l’année qui vient de s’achever m’invitent, dans la perspective de l’année nouvelle, à renouveler l’exhortation à ne pas perdre l’espérance dans la capacité de l’homme, avec la grâce de Dieu, à vaincre le mal et à ne pas s’abandonner à la résignation et à l’indifférence. Les événements auxquels je me réfère représentent la capacité de l’humanité à œuvrer dans la solidarité au-delà des intérêts individuels, de l’apathie et de l’indifférence vis-à-vis des situations critiques.

Parmi ceux-ci je voudrais rappeler l’effort fait pour favoriser la rencontre des leaders mondiaux, dans le cadre de la COP 21, afin de chercher de nouvelles voies pour affronter les changements climatiques et sauvegarder le bien être de la Terre, notre maison commune. Et cela renvoie à deux événements précédents au niveau global : le Sommet d’Addis Abeba pour réunir des fonds pour le développement durable du monde ; et l’adoption par les Nations Unies de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable, visant à assurer, avant cette date, une existence plus digne à tous, surtout aux populations pauvres de la planète.

2015 a été aussi une année spéciale pour l’Église, parce qu’elle a été marquée par le 50ème anniversaire de la publication de deux documents du Concile Vatican II qui expriment de manière très éloquente le sens de la solidarité de l’Église avec le monde. Le Pape Jean XXIII, au début du Concile, a voulu ouvrir tout grand les fenêtres de l’Église pour que la communication entre elle et le monde soit plus ouverte. Les deux documents, Nostra aetate et Gaudium et spes, sont des expressions emblématiques de la nouvelle relation de dialogue, de solidarité et d’accompagnement que l’Église veut introduire à l’intérieur de l’humanité. Dans la Déclaration Nostra aetate l’Église a été appelée à s’ouvrir au dialogue avec les expressions religieuses non chrétiennes. Dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, puisque « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ », l’Église désire instaurer un dialogue avec la famille humaine sur les problèmes du monde, en signe de solidarité et de respectueuse affection.

Dans cette même perspective, avec le Jubilé de la Miséricorde, je veux inviter l’Église à prier et à travailler pour que tout chrétien puisse mûrir un cœur humble et compatissant, capable d’annoncer et de témoigner la miséricorde, de « pardonner et de donner », de s’ouvrir « à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes, que le monde moderne a souvent créées de façon dramatique » sans tomber « dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté dans le cynisme destructeur».

Il y a de multiples raisons pour croire en la capacité de l’humanité à agir ensemble, en solidarité, dans la reconnaissance de sa propre interconnexion et interdépendance, ayant à cœur les membres les plus fragiles et la sauvegarde du bien commun. Cette attitude de coresponsabilité solidaire est à la racine de la vocation fondamentale à la fraternité et à la vie commune. La dignité et les relations interpersonnelles nous constituent comme êtres humains, voulus par Dieu à son image et ressemblance. En tant que créatures dotées d’une inaliénable dignité, nous existons en relation avec nos frères et sœurs, envers lesquels nous avons une responsabilité, et avec lesquels nous agissons en solidarité. En dehors de cette relation, nous serions des êtres moins humains. C’est justement ainsi que l’indifférence constitue une menace pour la famille humaine. Alors que nous nous mettons en marche vers une année nouvelle, je voudrais inviter chacun à reconnaître ce fait, pour vaincre l’indifférence et conquérir la paix.

Certaines formes d’indifférence

Il est certain que l’attitude de l’indifférent, de celui qui ferme le cœur pour ne pas prendre en considération les autres, de celui qui ferme les yeux pour ne pas voir ce qui l’entoure ou qui s’esquive pour ne pas être touché par les problèmes des autres, caractérise une typologie humaine assez répandue et présente à chaque époque de l’histoire. Cependant, de nos jours, cela a dépassé nettement le domaine individuel pour prendre une dimension globale et produire ce phénomène de la « globalisation de l’indifférence ».

La première forme d’indifférence dans la société humaine est l’indifférence envers Dieu, dont procède l’indifférence envers le prochain et envers la création. Et ceci est l’un des graves effets d’un faux humanisme et d’un matérialisme pratique, combinés à une pensée relativiste et nihiliste. L’homme pense être l’auteur de lui-même, de sa propre vie et de la société ; il se sent autosuffisant, et il cherche non seulement à se substituer à Dieu, mais à le faire disparaître complètement ; par conséquent, il pense ne rien devoir à personne, excepté à lui-même, et il prétend avoir seulement des droits. Contre cette auto-compréhension erronée de la personne, Benoît XVI rappelait que ni l’homme ni son développement sont capables de se donner à soi-même leur propre signification ultime. Et avant lui, Paul VI avait affirmé qu’« il n’est d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine».

L’indifférence envers le prochain prend différents visages. Il y a celui qui est bien informé, écoute la radio, lit les journaux ou assiste aux programmes télévisés, mais il le fait de manière tiède, presque dans une condition d’accoutumance : ces personnes connaissent vaguement les drames qui affligent l’humanité mais elles ne se sentent pas impliquées, elles ne vivent pas la compassion. Cela, c’est l’attitude de celui qui sait mais, qui garde son regard, sa pensée et son action tournés vers lui-même. Malheureusement, nous devons constater que l’augmentation des informations, propre à notre époque, ne signifie pas, en soi, une augmentation d’attention aux problèmes, si elle n’est pas accompagnée d’une ouverture des consciences dans un sens solidaire. Bien plus, elle peut entraîner une certaine saturation qui anesthésie et, dans une certaine mesure, relativise la gravité des problèmes. « Certains se satisfont simplement en accusant les pauvres et les pays pauvres de leurs maux, avec des généralisations indues, et prétendent trouver la solution dans une “éducation” qui les rassure et les transforme en êtres apprivoisés et inoffensifs. Cela devient encore plus irritant si ceux qui sont exclus voient croître ce cancer social qui est la corruption profondément enracinée dans de nombreux pays – dans les gouvernements, dans l’entreprise et dans les institutions – quelle que soit l’idéologie politique des gouvernants».

Dans d’autres cas, l’indifférence se manifeste comme un manque d’attention vis-à-vis de la réalité environnante, surtout la plus lointaine. Certaines personnes préfèrent ne pas chercher, ne pas s’informer, et vivent leur bien-être et leur confort, sourdes au cri de douleur de l’humanité souffrante. Presque sans nous en apercevoir, nous sommes devenus incapables d’éprouver de la compassion pour les autres, pour leurs drames ; prendre soin d’eux ne nous intéresse pas, comme si ce qui leur arrive était d’une responsabilité extérieure à nous, qui ne nous revient pas. « Quand nous allons bien et nous prenons nos aises, nous oublions sûrement de penser aux autres (ce que Dieu le Père ne fait jamais), nous ne nous intéressons plus à leurs problèmes, à leurs souffrances et aux injustices qu’ils subissent… Alors notre cœur tombe dans l’indifférence : alors que je vais relativement bien et que tout me réussit, j’oublie ceux qui ne vont pas bien ».

En vivant dans une maison commune, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur son état de santé, comme j’ai cherché à le faire dans Laudato si’. La pollution des eaux et de l’air, l’exploitation sans discernement des forêts, la destruction de l’environnement, sont souvent le fruit de l’indifférence de l’homme envers les autres, parce que tout est lié. Comme, aussi, le comportement de l’homme avec les animaux a une influence sur ses relations avec les autres, pour ne pas parler de celui qui se permet de faire ailleurs ce qu’il n’ose pas faire chez lui.

Dans ces cas, et dans d’autres, l’indifférence provoque surtout une fermeture et un désengagement, et finit ainsi par contribuer à l’absence de paix avec Dieu, avec le prochain et avec la création.

Suite sur : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/messages/peace/documents/papa-francesco_20151208_messaggio-xlix-giornata-mondiale-pace-2016.html

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