Le Pape a reçu les religieux pour leur jubilé le 1er février

Publié le 12 Fév 2016
Le Pape a reçu les religieux pour leur jubilé le 1er février L'Homme Nouveau

Depuis la fin de l’Année sainte de la Rédemption de 1983, le 2 février est devenu la journée des religieux et des personnes consacrées. La date est fort bien choisie, car, d’une part, la Sainte Famille demeure le modèle de la vie religieuse et, d’autre part, la fête même de la Présentation avive le don que les consacrés ont fait d’eux-mêmes au Seigneur. Cette année, ce jour qui clôture l’Année de la vie consacrée est en même temps journée jubilaire de la miséricorde pour les religieux. Dans son discours improvisé, le Pape insiste sur trois points. En premier lieu l’obéissance qui doit toujours être comprise à la lumière de celle du Christ lui-même, obéissant jusqu’à la mort de la Croix. L’obéissance chrétienne n’est ni l’obéissance militaire, ni l’obéissance administrative, ni même la simple vertu naturelle d’obéissance. Il s’agit d’un don à Dieu et d’un don d’amour. Benoît XVI rappelait souvent que les commandements de Dieu n’étaient pas d’abord des interdits, mais bien des exigences d’amour. C’est ce que souligne ici à sa façon pittoresque le Pape François. C’est pourquoi seule l’obéissance chrétienne peut résister à la tentation de l’anarchie, fille du démon et de la volonté propre. Au passage, on notera l’insistance impressionnante du Pape sur l’existence du démon et sur ses maléfices à l’égard des hommes. Rares sont les discours où il n’en parle pas. Le Pape note aussi que l’obéissance qui fait pratiquer toujours la volonté de Dieu, et celle-là seulement, nous place dans le charisme prophétique, car elle nous insère parfaitement dans le plan de Dieu qui ne châtie que pour permettre notre propre conversion. Ce châtiment, comme l’enseigne l’Épître aux Hébreux, est d’ailleurs une preuve de l’amour de Dieu qui nous traite alors comme des fils et non comme des bâtards.

Proches de Dieu et des autres

Le deuxième point est la proximité. Contrairement à ce que pensent plusieurs, le religieux n’a pas choisi ce genre de vie pour avoir des commodités, ou pour s’éloigner des autres. C’est tout le contraire ! Par la consécration de lui-même et les vœux, le religieux s’est rapproché en réalité des autres, mais en Dieu et par le mystère de la communion des saints. Le Pape cite heureusement l’exemple de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus patronne des missions à l’instar de saint François Xavier. Elle n’est pourtant jamais sortie de son cloître et est morte à 24 ans. Cette proximité s’exerce tout naturellement selon l’ordre de la charité, et donc d’abord avec ses frères ou sœurs en religion. Et le Pape de mettre à nouveau en garde contre les commérages qui détruisent la charité fraternelle. Sur ce point aussi sainte Thérèse de Lisieux est un magnifique exemple.

Le troisième point concerne l’espérance qui n’est pas facile de nos jours dans les communautés religieuses en raison de la vieillesse des membres et du peu de vocations. Et le Pape d’inviter naturellement à la prière pour les vocations, à l’instar d’Anne qui, bien que stérile, obtint par sa prière instante de devenir la mère du prophète Samuel. Il faut prier sans cesse et le Seigneur ne manquera pas de se montrer généreux. Cette espérance conduit le Pape à se plonger dans l’action de grâces pour toutes les merveilles que le Seigneur a accordées à la vie religieuse et, par elle, à l’humanité entière. Oui, rendons grâce à Dieu pour tout ce qu’ont accompli les saints religieux et pour tout ce qu’ils accompliront encore. Chantons avec Marie le Magnificat pour la miséricorde divine offerte à toutes les générations de religieux et de religieuses et, à travers eux, à toutes les générations humaines.

Le discours du Pape

J’ai préparé un discours pour cette occasion sur le thème de la vie consacrée et sur trois piliers ; il y en a d’autres, mais ces trois-là sont importants pour la vie consacrée. Le premier est la prophétie, l’autre est la proximité et le troisième est l’espérance. J’ai remis au cardinal-préfet le texte, car le fait de le lire est un peu ennuyeux, et je préfère parler avec vous de ce qui me vient du cœur. D’accord ?

Religieux et religieuses, c’est-à-dire des hommes et des femmes consacrées au service du Seigneur qui exercent dans l’Église cette voie d’une forte pauvreté, d’un amour chaste qui les conduit à une paternité et à une maternité spirituelle pour toute l’Église, une obéissance… Mais dans cette obéissance, il nous manque toujours quelque chose, car l’obéissance parfaite est celle du Fils de Dieu, qui s’est anéanti, s’est fait homme par obéissance, jusqu’à sa mort sur la Croix. Mais il y a parmi vous des hommes et des femmes qui vivent une forte obéissance, une obéissance… – non pas militaire, non, pas cela ; cela concerne la discipline, c’est autre chose – une obéissance de don du cœur. Et cela est prophétie. « Mais n’as-tu pas envie de faire quelque chose, une autre chose ?… » – « Oui, mais d’après les règles, je dois faire cela, ceci et cela. Et si quelque chose n’est pas clair, je parle avec le supérieur, avec la supérieure et, après le dialogue ; j’obéis ». Telle est la prophétie, contre la graine de l’anarchie, que sème le diable. « Que fais-tu ? » – « Je fais ce qui me plaît ». L’anarchie de la volonté est fille du démon, elle n’est pas fille de Dieu. Le Fils de Dieu n’a pas été anarchique, il n’a pas appelé les siens à exercer une force de résistance contre ses ennemis ; Il a lui-même dit à Pilate : « Si j’étais un roi de ce monde, j’aurais appelé mes soldats pour me défendre ». Mais il a suivi l’obéissance du Père. Il a simplement demandé : « Père, s’il te plaît, ce calice non… Mais faisons ce que tu veux Toi ». Quand vous acceptez par obéissance une chose qui souvent ne nous plaît sans doute pas… [le Pape fait le geste d’avaler]… l’on doit avaler cette obéissance, mais on le fait. La prophétie, donc. La prophétie est de dire aux gens qu’il existe un chemin de bonheur, de grandeur, un chemin qui te remplit de joie, qui est précisément le chemin de Jésus. C’est le chemin de proximité envers Jésus. C’est un don, la prophétie est un charisme et l’on doit demander à l’Esprit Saint : que je sache dire ce mot, à ce moment précis; que ma vie entière soit une prophétie. Hommes et femmes prophètes. Et cela est très important. « Bon, faisons comme font tous les autres… ». Non. La prophétie est le fait de dire qu’il y a quelque chose de plus vrai, de plus beau, de plus grand, de meilleur, auquel nous sommes tous appelés.

À la suite de sainte Thérèse

Puis l’autre mot est la proximité. Hommes et femmes consacrées, mais pas pour m’éloigner des gens et avoir tout mon confort, non, pour me rapprocher et comprendre la vie des chrétiens et des non-chrétiens, les personnes souffrantes, les problèmes, les nombreuses choses qui se comprennent uniquement si un homme et une femme consacrés deviennent proches: dans la proximité. « Mais, mon Père, je suis une sœur cloîtrée, que dois-je faire ? ». Pensez à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions, qui avec son cœur ardent était proche de tous, et les lettres qu’elle recevait des missionnaires la rendaient plus proche des gens. Proximité. Devenir consacrés ne signifie pas monter une, deux, trois marches dans la société. Il est vrai que nous entendons si souvent les parents dire : « Vous savez, mon Père, j’ai une fille qui est sœur, j’ai un fils qui est frère ! » Et ils le disent avec fierté. Et c’est vrai ! C’est une satisfaction pour les parents d’avoir des enfants consacrés, cela est vrai. Mais pour les personnes consacrées, ce n’est pas un statut de vie qui me fait voir les autres comme cela [avec distance]. La vie consacrée doit me conduire à la proximité avec les gens : proximité physique, spirituelle, connaître les gens. « Ah oui, mon Père, dans ma communauté, la supérieure nous a donné la permission de sortir, d’aller dans les quartiers pauvres auprès des gens.. .» – « Et dans ta communauté, y a-t-il des sœurs âgées ? » – « Oui, oui… Il y a l’infirmerie au troisième étage » – « Et combien de fois par jour vas-tu rendre visite à tes sœurs, celles qui sont âgées, qui pourraient être ta mère ou ta grand-mère ? » — « Mais, vous savez, mon Père, je suis très occupée et je ne peux pas y aller… ». Proximité ! Quel est le premier proche d’une personne consacrée ? Le frère ou la sœur de la communauté. Tel est votre premier prochain. Et c’est aussi une jolie proximité, bonne, faite d’amour.

Le commérage

Je sais que dans vos communautés, l’on ne verse pas dans les commérages, jamais, jamais… Une façon de s’éloigner des commérages. Comprenez bien : pas de commérages, le terrorisme des commérages. Car celui qui colporte les rumeurs est un terroriste. C’est un terroriste dans sa propre communauté, car il jette comme une bombe ses paroles contre telle personne ou telle autre, et puis il s’en va tranquillement. Cela détruit ! Celui qui fait cela détruit, comme une bombe, et lui s’éloigne. L’apôtre Jacques disait que la vertu de savoir tenir sa langue était sans doute la plus difficile à avoir. S’il te prend l’envie de dire quelque chose contre un frère ou une sœur, de jeter une bombe de commérage, mords-toi la langue ! Fort ! Non au terrorisme dans les communautés ! « Mais, mon Père, s’il y a quelque chose, un défaut, quelque chose à corriger ? ». Tu le dis à la personne : tu as ce comportement qui me dérange, ou qui ne va pas. Ou si ce n’est pas opportun — car parfois ce n’est pas prudent — tu le dis à la personne qui peut y remédier, qui peut résoudre le problème et à personne d’autre. C’est compris ? Les commérages ne servent à rien. « Mais en chapitre ? ». Là, oui ! En public, tu peux dire tout ce que tu veux; car il existe une tentation de ne pas dire les choses en chapitre, et ensuite à l’extérieur : « As-tu vu la prieure ? As-tu vu l’abbesse ? As-tu vu le supérieur ?… ». Mais pourquoi ne pas l’avoir dit en chapitre ?… Est-ce clair ? Ce sont les vertus de proximité. Et les saints avaient cela, les saints consacrés les avaient. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus ne s’est jamais, jamais plainte de son travail, du dérangement que lui causait telle sœur qu’elle devait emmener à la salle à manger, tous les soirs : du chœur à la salle à manger. Jamais ! Car cette pauvre sœur était âgée, presque paralysée, elle marchait avec difficulté, elle ressentait des douleurs – moi aussi, je la comprends ! –, elle était aussi un peu névrosée… Jamais, jamais elle n’est allée voir une autre sœur pour dire : « Celle-là, ce qu’elle m’agace ! ». Que faisait-elle ? Elle l’aidait à s’asseoir, lui apportait une serviette, lui rompait le pain et lui faisait un sourire. C’est cela, la proximité. Proximité ! Si tu jettes la bombe d’un commérage dans ta communauté, ce n’est pas de la proximité : cela s’appelle faire la guerre ! Tu t’éloignes, tu provoques des distances, tu provoques l’anarchisme dans la communauté. Et si, en cette année de la miséricorde, chacun de vous réussissait à ne jamais être le terroriste colporteur ou colportrice de rumeurs, ce serait un succès pour l’Église, un succès de grande sainteté ! Ayez du courage ! Les proximités.

L’espérance

Et ensuite l’espérance. Et je vous confesse que cela me coûte beaucoup, quand je vois la baisse des vocations, quand je reçois les évêques et que je leur demande : « Combien de séminaristes avez-vous ? » – « 4, 5… ». Quand vous, dans vos communautés religieuses – masculines ou féminines – vous avez un novice, une novice, deux… et que la communauté vieillit, vieillit… Quand il y a des monastères, de grands monastères, et le cardinal Amigo Vallejo [le Pape s’adresse à lui] peut nous dire combien il y en a, en Espagne, qui restent ouverts grâce à 4 ou 5 sœurs âgées, jusqu’à la fin… Et cela me fait venir une tentation, qui va contre l’espérance : « Mais, Seigneur, que se passe-t-il ? Pourquoi le ventre de la vie consacrée devient-il si stérile ? ». Certaines congrégations font l’expérience de l’« insémination artificielle ». Qu’est-ce qu’elles font ? Elles accueillent… : « Mais si, viens, viens, viens… ». Et ensuite, les problèmes qui naissent là-dedans… Non. On doit accueillir avec sérieux ! On doit bien discerner s’il s’agit d’une véritable vocation et l’aider à grandir. Et je crois que contre la tentation de perdre l’espérance, que nous donne cette stérilité, nous devons prier davantage. Et prier sans nous lasser. Personnellement, cela me fait tant de bien de lire ce passage de l’Écriture, où Anne – la maman de Samuel – priait et demandait un enfant. Elle priait et elle remuait les lèvres, et elle priait… Et le vieux prêtre, qui était un peu aveugle et qui n’y voyait pas bien, pensait qu’elle était ivre. Mais le cœur de cette femme [disait à Dieu] : « Je veux un enfant ! ». Je vous le demande : devant cette baisse des vocations, votre cœur prie-t-il avec cette intensité ? « Notre Congrégation a besoin de fils, notre Congrégation a besoin de filles… ». Le Seigneur qui a été si généreux ne manquera pas à sa promesse. Mais nous devons le demander. Nous devons frapper à la porte de son cœur. Car il existe un danger – et cela est n’est pas beau, mais je dois le dire –: quand une congrégation religieuse voit qu’elle n’a pas d’enfants, de petits-enfants et qu’elle commence à devenir plus petite, elle s’attache à l’argent. Et vous savez que l’argent est le fumier du diable. Quand elles ne peuvent pas avoir la grâce d’avoir des vocations et des enfants, elles pensent que l’argent leur sauvera la vie ; et elles pensent à la vieillesse : que cela ne manque pas, que ceci ne manque pas… Et ainsi il n’y a pas d’espérance ! L’espérance ne se trouve que dans le Seigneur ! L’argent ne te la donnera jamais. Au contraire : il te fera chuter ! Vous avez compris ?

Je voulais vous dire cela, au lieu de vous lire les pages que le cardinal-préfet vous donnera après…

Et je vous remercie beaucoup pour ce que vous accomplissez. Les personnes consacrées – chacune avec son charisme. Et je veux souligner : les femmes consacrées, les sœurs. Que serait l’Église s’il n’y avait pas les sœurs ? J’ai dit cela une fois : quand tu vas dans un hôpital, dans les collèges, dans les paroisses, dans les quartiers, dans les missions, des hommes et des femmes qui ont donné leur vie… Au cours du dernier voyage en Afrique – cela je l’ai raconté, je crois, pendant une audience – j’ai rencontré une sœur de 83 ans, italienne. Elle m’a dit : « Cela fait depuis l’âge de – je ne me souviens plus si elle m’a dit 23 ou 26 ans – que je suis ici. Je suis infirmière dans un hôpital ». Pensons-y : de 26 ans jusqu’à 83 ans ! « Et j’ai écrit à ma famille, en Italie, que je ne reviendrai plus ». Quand tu vas dans un cimetière et que tu vois qu’il y a de nombreux missionnaires religieux morts et de nombreuses sœurs mortes à 40 ans parce qu’ils ont attrapé les maladies, les fièvres de ces pays, ils ont consumé leur vie… Tu dis : ce sont des saints ! Ce sont des semences ! Nous devons dire au Seigneur qu’il descende un peu sur ces cimetières et qu’il voie ce qu’ont fait nos ancêtres et nous donne davantage de vocations, car nous en avons besoin !

Je vous remercie beaucoup pour cette visite, je remercie le cardinal-préfet, Mgr le secrétaire, les sous-secrétaires pour ce que vous avez accompli au cours de cette année de la vie consacrée. Mais s’il vous plaît, n’oubliez pas la prophétie de l’obéissance, la proximité, le prochain le plus important, le prochain le plus proche est le frère et la sœur de votre communauté, et ensuite l’espérance. Que le Seigneur fasse naître des fils et des filles dans vos congrégations. Et priez pour moi. Merci !

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