Le pape au Myanmar professe la sagesse de la croix

Publié le 07 Déc 2017
Le pape au Myanmar professe la sagesse de la croix L'Homme Nouveau

Le Pape vient d’accomplir un voyage difficile en Asie, continent où l’évangélisation chrétienne, malgré de belles réussites comme les Philippines, requiert encore de grands développements. Il visita deux pays où les chrétiens subissent de graves atteintes à leur liberté religieuse : le Myanmar bouddhiste et le Bangladesh musulman. Le Pape s’est rendu dans ces deux pays comme pèlerin de la paix, « pour écouter et apprendre », avec la ferme intention d’offrir des paroles d’espérance et de consolation comme ce fut le cas à Yangon. Nous commentons l’homélie de la messe qu’il célébra en ce lieu. Il offre son message à partir de l’épisode de la vision de Balthasar au chapitre V de Daniel qui, comme tous les prophètes, met en garde contre la vanité des idoles.

Seul le vrai Dieu possède en plénitude la sagesse qu’Il peut communiquer, au moins en partie, à ses élus. C’est pourquoi Daniel était capable d’interpréter songes et visions, scrutant ainsi le mystère du gouvernement divin. Mais c’est Jésus, Fils de Dieu, qui est l’interprète définitif des mystères de Dieu, car Il est, comme le dit le Concile Vatican II, « le médiateur et la plénitude de la Révélation ». Cependant Jésus nous enseigne par sa vie et surtout par son mystère pascal que la sagesse divine est la sagesse de la Croix, « scandale pour les juifs et folie pour les païens ». La seule boussole sûre demeure la Croix du Christ. Notre monde relativiste et syncrétiste ne le comprend pas et trahit le message du Christ, car le messianisme n’est pas politique, comme l’espéraient les juifs et beaucoup de disciples. En lien étroit avec la Rédemption, il suppose une obéissance absolue au Père jusqu’à la Croix. Le Nouveau Testament atteste ainsi la portée christologique de la prophétie du Serviteur souffrant d’Isaïe. La Croix du Christ offre à tout homme un guide précieux pour découvrir lumière et vérité divines.

De la Croix nous vient la guérison. Jésus s’est fait Bon Samaritain. L’Église du Myanmar, bien que portant en elle les blessures visibles et invisibles de toutes les violences humaines, doit elle aussi à la suite de son Maître se faire le Bon Samaritain de toutes les brebis égarées ou n’appartenant pas encore à l’unique bercail du Christ, en se gardant toutefois des dangers de la mondanité qui la pousserait à la colère ou à la vengeance. La Loi du talion permise dans l’ancienne alliance cède la place à la Loi de l’amour, des béatitudes et du pardon dictée par le Nouveau Moïse que fut Jésus qui offre donc au monde une solution radicalement opposée à la violence et au refus de l’amour. Cette voie foncièrement nouvelle, tout en n’abolissant pas la Loi ancienne mais l’accomplissant, conduisit Jésus à la mort. L’Évangile parle de cette sagesse nouvelle née de la Croix et octroyée par l’Esprit Saint, fruit du mystère pascal du Christ qui nous rend capables de devenir des signes de la sagesse de la Croix, c’est-à-dire de la sagesse de la miséricorde. D’autre part, nous savons que l’Eucharistie est le grand sacrement du sacrifice de la Croix. Elle nous purifie de nos péchés et nous nourrit tout au long de notre route qui nous conduira au Ciel. En elle nous pouvons reposer et soigner nos blessures. Sans elle nous ne pouvons rien, mais avec elle nous pouvons tout. Demandons donc à l’icône de l’Eucharistie qu’est Marie d’être pour nos frères et sœurs blessés à mort par les vicissitudes de la vie terrestre le baume de la guérison et les témoins de réconciliation et de paix véritables qui ne peuvent venir que du Christ. Hâtons ainsi le triomphe du Cœur Immaculé de Marie promis à Fatima pour le monde entier.

Homélie du pape pour la Messe à Yangon, le 29 novembre 2017 :

Chers frères et sœurs,

avant de venir dans ce pays, j’ai longtemps attendu ce moment. Beaucoup parmi vous sont venus de loin et de régions montagneuses éloignées, quelques-uns aussi à pied. Je suis venu comme un pèlerin pour vous écouter et apprendre de vous, et pour vous offrir quelques paroles d’espérance et de consolation. 

La première lecture d’aujourd’hui, du livre de Daniel, nous aide à voir combien la sagesse du roi Balthazar et de ses voyants est limitée. Ils savaient comment louer « leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre » (Dn 5, 4), mais ils ne possédaient pas la sagesse pour louer Dieu dans les mains duquel est notre vie et notre souffle. Daniel au contraire, avait la sagesse du Seigneur et il était capable d’interpréter ses grands mystères.

L’interprète définitif des mystères de Dieu est Jésus. Il est la sagesse de Dieu en personne (cf. 1 Co 1, 24). Jésus ne nous a pas enseigné sa sagesse avec de longs discours ou par de grandes démonstrations de pouvoir politique ou terrestre, mais en donnant sa vie sur la croix. Nous pouvons tomber quelquefois dans le piège de faire confiance à notre sagesse elle-même, mais la vérité est que nous pouvons facilement perdre le sens de la direction. À ce moment, il est nécessaire de nous rappeler que nous disposons devant nous d’une boussole sûre, le Seigneur crucifié. Dans la croix, nous trouvons la sagesse, qui peut guider notre vie avec la lumière qui provient de Dieu. 

De la croix, vient aussi la guérison. Là, Jésus a offert ses blessures au Père pour nous, les blessures par lesquelles nous sommes guéris (cf. 1 P 2, 24). Que ne nous manque jamais la sagesse de trouver dans les blessures du Christ la source de tout soin ! Je sais qu’au Myanmar beaucoup portent les blessures de la violence, qu’elles soient visibles ou invisibles. La tentation est de répondre à ces blessures avec une sagesse mondaine qui, comme celle du roi dans la première lecture, est profondément faussée. Nous pensons que le soin peut venir de la colère et de la vengeance. La voie de la vengeance n’est cependant pas la voie de Jésus. 

La voie de Jésus est radicalement différente. Quand la haine et le refus l’ont conduit à la passion et à la mort, il a répondu par le pardon et la compassion. Dans l’Evangile d’aujourd’hui, le Seigneur nous dit que, comme lui, nous aussi nous pouvons rencontrer le refus et des obstacles, mais que toutefois, il nous donnera une sagesse à laquelle personne ne peut résister (cf. Lc 21, 15). Il parle ici de l’Esprit Saint, par lequel l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Avec le don de l’Esprit, Jésus rend capable chacun de nous d’être signes de sa sagesse, qui triomphe sur la sagesse de ce monde, et signes de sa miséricorde, qui apporte aussi soulagement aux blessures les plus douloureuses.

À la veille de sa passion, Jésus s’est donné à ses Apôtres sous les espèces du pain et du vin. Dans le don de l’Eucharistie, nous ne reconnaissons pas seulement avec les yeux de la foi, le don de son corps et de son sang ; nous apprenons aussi comment trouver le repos dans ses blessures, et là être purifiés de tous nos péchés et de nos routes déformées. En prenant refuge dans les blessures du Christ, chers frères et sœurs, vous pouvez goûter le baume apaisant de la miséricorde du Père et trouver la force de le porter aux autres, pour oindre chaque blessure et chaque mémoire douloureuse. De cette manière, vous serez des fidèles témoins de la réconciliation et de la paix, que Dieu désire voir régner dans chaque cœur humain et dans chaque communauté.

Je sais que l’Eglise au Myanmar fait déjà beaucoup pour porter le baume de guérison de la miséricorde de Dieu aux autres, spécialement à ceux qui en ont le plus besoin. Il y a des signes clairs que, même avec des moyens très limités, de nombreuses communautés proclament l’Evangile à d’autres minorités tribales, sans jamais forcer ou contraindre, mais toujours en invitant et en accueillant. Au milieu d’une grande pauvreté et de difficultés, beaucoup parmi vous offrent concrètement assistance et solidarité aux pauvres et à ceux qui souffrent. A travers l’attention quotidienne de ses évêques, prêtres, religieux et catéchistes, et particulièrement à travers le louable travail de Catholic Karuna Myanmar et de la généreuse assistance fournie par les Œuvres Pontificales missionnaires, l’Église dans ce pays aide un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants, sans distinction de religion ou de provenance ethnique. Je peux témoigner que l’Église ici est vivante, que le Christ est vivant et qu’il est là, avec vous et avec vos frères et sœurs des autres communautés chrétiennes. Je vous encourage à continuer de partager avec les autres la sagesse sans prix que vous avez reçue, l’amour de Dieu qui jaillit du cœur de Jésus.

Jésus veut donner cette sagesse en abondance. Certainement, il récompensera vos efforts de semer des graines de guérison et de réconciliation dans vos familles, vos communautés et dans la société plus vaste de cette nation. Ne nous a-t-il pas dit que sa sagesse est irrésistible (cf. Lc 21, 15) ? Son message de pardon et de miséricorde utilise une logique que tous ne voudront pas comprendre, et qui rencontrera des obstacles. Cependant son amour, révélé sur la croix est, en dernière analyse, inéluctable. Il est comme un “GPS spirituel”; qui nous guide infailliblement vers la vie intime de Dieu et le cœur de notre prochain.  

La Bienheureuse Vierge Marie a suivi aussi son Fils sur la montagne obscure du Calvaire et elle nous accompagne à chaque pas de notre voyage terrestre. Qu’elle puisse, Elle, nous obtenir toujours la grâce d’être des messagers de la véritable sagesse, profondément miséricordieux envers ceux qui sont dans le besoinavec la joie qui vient du repos dans les blessures de Jésus, qui nous a aimés jusqu’au bout.

Que Dieu vous bénisse tous ! Que Dieu bénisse l’Église au Myanmar ! Qu’il bénisse cette terre par sa paix ! Que Dieu bénisse le Myanmar !

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