Le Pape invite les prêtres à se mettre à l’école du cœur de Jésus

Publié le 15 Juin 2016
Le Pape invite les prêtres à se mettre à l'école du cœur de Jésus L'Homme Nouveau

Le jubilé des prêtres coïncidait heureusement avec la fête du Sacré-Cœur le 3 juin dernier. Ainsi, grâce à l’éloquent symbolisme du cœur, le Pape pouvait-il inviter les prêtres du monde entier à cultiver l’intériorité et à revenir, si besoin était, aux racines mêmes de leur être sacerdotal le plus profond. Pour cela il leur donna en exemple le cœur même du Bon Pasteur. Il rappelait ainsi qu’il n’y a pas d’opposition entre le culte du Sacré-Cœur propagé par sainte Marguerite-Marie et le culte de la divine miséricorde propagé par sainte Faustine. Bien plus, le Sacré-Cœur c’est, peut-on dire, la miséricorde elle-même. Alors, en regardant le Sacré-Cœur, nous contemplons l’infinie miséricorde de Dieu et en même temps nous sommes contraints de retourner à notre unique amour. C’est pourquoi, tous les prêtres et même tous les chrétiens doivent se poser constamment la question fondamentale : « Vers où est orienté mon cœur ? » Pour illustrer son propos et donner la vraie réponse, le Pape cite la très belle oraison du temps pascal : « nos cœurs doivent être fixés là où sont les véritables joies ». Allons donc à la racine, plongeons-nous dans notre cœur le plus profond et si, malgré les vicissitudes, les obstacles et même les péchés, nous y trouvons la véritable joie, nous pouvons être assurés que nous sommes bien avec Jésus et que nous possédons en conséquence les trésors irremplaçables de son propre cœur : le Père et nous.

Miroir de charité

Dès lors, celui qui ne cesse de contempler le cœur de Jésus ne se regarde plus lui-même. En conséquence, il devient un miroir de charité tant pour Dieu que pour le prochain. Et pour nous aider à brûler de cette charité, à l’image du cœur transpercé du Bon Pasteur, le Pape centre alors son homélie sur trois verbes. Le premier est : chercher. Le prêtre n’est pas un fonctionnaire contraint à un horaire fixé une fois pour toutes. En aucun cas, il n’est l’homme des 35 heures ! Il doit chercher les brebis galeuses partout et toujours. Il doit pratiquer pour les autres la remarque que saint Augustin se faisait pour lui-même dans les Confessions : son cœur n’est pas tranquille tant que toutes ses brebis ne reposent pas en Dieu. Cela suppose un effort qui peut être héroïque et aller jusqu’au martyre. Mais pour que le cœur du pasteur sorte de lui-même pour être centré sur Jésus, il faut allier au service la véritable liberté qui quitte tout retour sur soi pour être attiré par « le Tu de Dieu et le nous des hommes ».

Avec le second verbe, inclure, le Pape propose aux prêtres une ligne directrice. De même que le Christ connaît toutes ses brebis et qu’aucune ne lui est étrangère, de même le prêtre doit être proche de toutes ses ouailles, n’excluant personne ni de son cœur, ni de sa prière, ni même de son sourire. Pour cela il doit être prêt à se salir les mains sur lesquelles il ne portera pas de gants. L’expression très suggestive du Pape est évidemment à bien comprendre, mais elle dit bien ce qu’elle veut dire. Dans le même sens, saint Benoît recommandait à l’abbé de ne faire aucune acception de personnes. Le vrai prêtre ne rejette donc personne. Mais il sait aussi se réjouir. C’est le troisième verbe. Là aussi, il faut faire attention. L’oraison citée le dit explicitement en parlant de « vraies joies ». La vraie joie est celle qui est entièrement imprégnée d’amour ; c’est celle du Bon Pasteur. Pour un prêtre, et même pour un chrétien, il n’y a pas de place pour la tristesse : « un saint triste est un triste saint ». Prions Marie mère du sacerdoce pour les prêtres, afin que leur vie soit à l’image de Celui qui n’était que oui.

L’homélie du Pape

Célébrant le Jubilé des Prêtres en la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus, nous sommes appelés à viser au cœur, c’est-à-dire à l’intériorité, aux racines les plus fortes de la vie, au noyau des affections, en un mot, au centre de la personne. Et aujourd’hui, nous tournons le regard vers deux cœurs : le Cœur du Bon Pasteur et notre cœur de pasteurs.

Le Cœur du Bon Pasteur n’est pas seulement le Cœur qui a de la miséricorde pour nous, mais la miséricorde elle-même. Là resplendit l’amour du Père ; là je me sens sûr d’être accueilli et compris comme je suis ; là, avec toutes mes limites et mes péchés, je goûte la certitude d’être choisi et aimé. En regardant ce Cœur, je renouvelle le premier amour : la mémoire du moment où le Seigneur m’a touché dans l’âme et m’a appelé à le suivre, la joie d’avoir jeté les filets de la vie sur sa Parole (cf. Lc 5, 5).

Le Cœur du Bon Pasteur nous dit que son amour n’a pas de frontières, il ne se fatigue jamais et ne se rend jamais. Là nous voyons sa manière continuelle de se donner, sans limites ; là nous trouvons la source de l’amour fidèle et doux, qui laisse libres et rend libres ; là nous redécouvrons chaque fois que Jésus nous aime « jusqu’au bout » (Jn 13, 1) – il ne s’arrête pas avant, jusqu’à la fin, – sans jamais s’imposer.

Le Cœur du Bon Pasteur est penché vers nous, « polarisé » spécialement envers celui qui est plus distant ; là pointe obstinément l’aiguille de sa boussole, là se révèle une faiblesse d’amour particulier, parce qu’il désire rejoindre chacun et n’en perdre aucun.

L’orientation de notre cœur

Devant le Cœur de Jésus naît l’interrogation fondamentale de notre vie sacerdotale : où est orienté mon cœur ? Question que nous prêtres devons nous poser de nombreuses fois, chaque jour, chaque semaine : où est orienté mon cœur ? Le ministère et souvent rempli de multiples initiatives, qui l’exposent sur de nombreux fronts : de la catéchèse à la liturgie, à la charité, aux engagements pastoraux et aussi administratifs. Parmi tant d’activités demeure la question : où est fixé mon cœur ? Il me vient à la mémoire cette prière si belle de la Liturgie : « Ubi vera sunt gaudia… ». Où pointe-t-il, quel trésor cherche-t-il ? Parce que dit Jésus – « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Il y a des faiblesses en nous tous, et aussi des péchés. Mais allons au fond, à la racine : où est la racine de nos faiblesses, de nos péchés, c’est-à-dire où est vraiment ce « trésor » qui nous éloigne du Seigneur ?

Les trésors irremplaçables du Cœur de Jésus sont deux : le Père et nous. Ses journées se passaient entre la prière au Père et la rencontre avec les gens. Pas la distance, la rencontre. Le cœur du pasteur du Christ lui aussi connaît seulement deux directions : le Seigneur et les gens. Le cœur du prêtre est un cœur transpercé par l’amour du Seigneur ; pour cela il ne se regarde plus lui-même – il ne devrait pas se regarder lui-même – mais il est tourné vers Dieu et vers les frères. Ce n’est plus « un cœur instable », qui se laisse attirer par la suggestion du moment ou qui va çà et là en cherchant des consensus et de petites satisfactions. C’est au contraire un cœur établi dans le Seigneur, captivé par l’Esprit Saint, ouvert et disponible aux frères. Et là il résout ses péchés.

Pour aider notre cœur à brûler de la charité de Jésus Bon Pasteur, nous pouvons nous entraîner à faire nôtre trois actions, que les Lectures d’aujourd’hui nous suggèrent : chercher, inclure et se réjouir.

À la recherche de la brebis perdue

Chercher. Le prophète Ézéchiel nous a rappelé que Dieu lui-même cherche ses brebis (34, 11.16). L’Évangile dit, « il va chercher celle qui est perdue » (Lc 15, 4), sans se laisser effrayer par les risques ; sans délai il s’aventure hors des endroits du pâturage et hors des horaires de travail. Et il ne se fait pas payer les « extras ». Il ne renvoie pas la recherche, il ne pense pas « aujourd’hui j’ai déjà fait mon devoir, et éventuellement je m’en occuperai demain », mais il se met tout de suite à l’œuvre ; son cœur est inquiet tant qu’il n’a pas retrouvé cette unique brebis perdue. L’a-t-il trouvée, il oublie la fatigue et il la charge sur ses épaules tout content. Parfois il doit sortir pour la chercher, lui parler, la persuader ; d’autres fois il doit demeurer devant le tabernacle, luttant avec le Seigneur pour cette brebis.

Voilà le cœur qui cherche : c’est un cœur qui ne privatise pas les temps et les espaces. Gare aux pasteurs qui privatisent leur ministère ! Il n’est pas jaloux de sa légitime tranquillité – je dis légitime, même de celle-là – et il n’exige jamais de ne pas être dérangé. Le pasteur selon le cœur de Dieu ne défend pas ses propres aises, il n’est pas préoccupé de conserver sa bonne réputation, mais il sera calomnié, comme Jésus. Sans craindre les critiques, il est disposé à risquer même d’imiter son Seigneur. « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute… » (Mt 5, 11)

Le Pasteur selon Jésus a le cœur libre pour laisser ses affaires, il ne vit pas en tenant les comptes de ce qu’il a et des heures de service : il n’est pas un comptable de l’esprit, mais un bon samaritain à la recherche de celui qui a besoin. C’est un pasteur, non un inspecteur du troupeau, et il se dévoue à la mission non à cinquante ou soixante pour cent, mais avec tout lui-même. Allant à la recherche, il trouve, et il trouve parce qu’il risque. Si le pasteur ne risque pas, il ne trouve pas. Il ne s’arrête pas après les déceptions et il ne se rend pas dans les fatigues ; il est en effet, obstiné dans le bien, oint de la divine obstination que personne ne se perde. Pour cela, non seulement il tient les portes ouvertes, mais il sort à la recherche de celui qui ne veut plus entrer par la porte. Et comme tout bon chrétien et comme exemple pour tout chrétien, il est toujours en sortie de soi. L’épicentre de son cœur se trouve hors de lui : il est un décentré de lui-même, centré seulement en Jésus. Il n’est pas attiré par son moi, mais par le Tu de Dieu et par le nous des hommes.

Un Pasteur aimant

Deuxième parole : inclure. Le Christ aime et connaît ses brebis, il donne sa vie pour elles et aucune ne lui est étrangère (cf. Jn 10, 11-14). Son troupeau est sa famille et sa vie. Il n’est pas un chef craint par les brebis, mais il est le Pasteur qui marche avec elles et les appelle par leur nom (cf. Jn 10, 3-4). Et il désire rassembler les brebis qui ne demeurent pas encore avec Lui (cf. Jn 10, 16).

Ainsi également le prêtre du Christ : il est oint pour le peuple, pas pour choisir ses propres projets, mais pour être proche des gens concrets que Dieu, par l’Église, lui a confiés. Personne n’est exclu de son cœur, de sa prière et de son sourire. Avec un regard aimable et un cœur de père, il accueille, il inclut et, quand il doit corriger, c’est toujours pour approcher ; il ne méprise personne, mais il est prêt à se salir les mains pour tous. Le Bon Pasteur ne connaît pas les gants. Ministre de la communion qu’il célèbre et qu’il vit, il n’attend pas les salutations et les compliments des autres, mais il tend la main en premier, rejetant les bavardages, les jugements et les venins. Il écoute les problèmes avec patience et il accompagne les pas des personnes, accordant le pardon divin avec une généreuse compassion. Il ne gronde pas celui qui laisse ou qui perd la route, mais il est toujours prêt à réinsérer et à calmer les querelles. C’est un homme qui sait inclure.

Se réjouir. Dieu est « tout joyeux » (Lc 5, 5) : sa joie naît du pardon, de la vie qui renaît, du fils qui respire à nouveau l’air de la maison. La joie de Jésus Bon Pasteur n’est pas une joie pour soi, mais c’est une joie pour les autres et avec les autres, la vraie joie de l’amour. C’est aussi la joie du prêtre. Il est transformé par la miséricorde qui donne gratuitement. Dans la prière il découvre la consolation de Dieu et il expérimente que rien n’est plus fort que son amour. Pour cela, il est serein intérieurement, et il est heureux d’être un canal de miséricorde, d’approcher l’homme au Cœur de Dieu. La tristesse pour lui n’est pas normale, mais seulement passagère : la dureté lui est étrangère, parce qu’il est pasteur selon le Cœur doux de Dieu.

Chers prêtres, dans la célébration eucharistique nous retrouvons chaque jour notre identité de pasteurs. Chaque fois nous pouvons faire véritablement nôtre ses paroles « ceci est mon corps offert en sacrifice pour vous ». C’est le sens de notre vie, ce sont les paroles avec lesquelles, dans un certain sens, nous pouvons renouveler quotidiennement les promesses de notre Ordination. Je vous remercie pour votre « oui », et pour de nombreux « oui » cachés de tous les jours, que seul le Seigneur connaît. Je vous remercie pour votre « oui » à donner la vie unis à Jésus : là se tient la source pure de notre joie.

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