ENTRETIEN | Philippe Berthier, professeur de lettres émérite, spécialiste du XIXe, vient de faire paraître une étude fort originale sur l’attitude d’Alexandre Vialatte (1901-1971) à l’égard des « choses de la foi », magnifique texte qui s’adresse aux lecteurs passionnés de cet Auvergnat, et qui constitue une excellente introduction à son œuvre de romancier et de chroniqueur.
| Par quel biais avez-vous découvert Vialatte et qu’est-ce qui vous a « accroché » chez lui ?
Je suis un peu auvergnat par ma mère, Vialatte m’était donc a priori sympathique. Ce sont ses chroniques dans lesquelles je me suis plongé avec délices et de manière endurante. Je suis donc venu à Vialatte en dehors de mon champ de travail, puisque j’étais professeur de littérature du XIXe siècle ; bien que, d’une certaine façon, même si l’on peut le considérer comme un écrivain d’avant-garde (ce qui n’est pas toujours compris), peut-être pourrait-on dire qu’il y a chez Vialatte beaucoup de XIXe siècle, en particulier dans son rapport avec les questions religieuses. Vialatte ne nous a pas laissés ignorer ses réticences – le mot est faible – vis-à-vis de l’évolution de l’Église à laquelle il se réclamait d’appartenir, l’Église catholique : l’aggiornamento, le concile Vatican II le laissaient profondément sceptique – encore un euphémisme. Que dirait-il des évolutions actuelles ! Il était d’une religion dont les formes étaient, pour l’essentiel, celles du passé, notamment celles du XIXe siècle. Il n’avait par exemple aucun mépris pour l’iconographie sulpicienne, mais au contraire beaucoup de vénération et de tendresse.
| Comment définiriez-vous la foi de Vialatte ?
Vialatte garde la foi du charbonnier ; or il ne faut pas mépriser les charbonniers, sans eux il n’y aurait pas de feu… Sa foi lui permet de renoncer à se laisser torturer par les grandes questions insolubles, qu’il se pose comme tout le monde et auxquelles il apporte des réponses goguenardes : « Qu’est-ce que l’Homme ? Un salsifis mystique. D’où vient-il ? Du métro. » Il a accepté une fois pour toutes la foi reçue dans son enfance. Pour lui, si l’on croit à l’Incarnation et à la Résurrection, aux sacrements, si l’on croit que l’Église catholique, apostolique et romaine est d’institution divine, on est catholique sans qu’il y ait besoin d’y revenir. Je cite une phrase trouvée dans le Journal de Julien Green, racontant la visite d’un père dominicain qui lui avait déclaré : « Je ne suis pas assez intelligent…