Le salon VivaTech, vitrine d’une idéologie moderne

Publié le 05 Juin 2019
Le salon VivaTech, vitrine d’une idéologie moderne L'Homme Nouveau

Du 16 au 18 mai dernier, s’est tenu à Paris le plus grand salon français consacré aux nouvelles technologies. Une vitrine flamboyante qui nous pousse à nous interroger sur le pourquoi de la technique, en prenant gare à ne pas tomber dans la tentation idéologique technicienne.

En l’espace de trois ans Viva Technology, dit aussi VivaTech, a su s’imposer comme un rendez-vous incontournable, réunissant Porte de Versailles des milliers d’entreprises et de startups venues présenter les plus récentes prouesses du génie technique français. Cette année, la quatrième édition du salon a fait très fort : 124000 visiteurs sont venus découvrir 6000 startups, présentes elles-mêmes pour courtiser plus de 3000 investisseurs. Ce rendez-vous annuel prend aussi des allures internationales, la France voulant être le leader européen dans ce domaine. De grandes personnalités y sont apparues comme Mark Zuckerberg (patron de Facebook) en 2018, Philippe Wahl (PDG de La Poste) et Bernard Arnault (directeur du groupe LVMH) en 2019. Le but de ce salon est de réussir à faire collaborer grands groupes et startups afin de comprendre et développer les tendances d’innovation, comme la transition numérique et le décollage de l’écologie «branchée», ainsi que leur impact pour l’économie et la société. Avec le sommet «Tech For Good», il s’agit de mener une réflexion sur l’application des innovations comprises comme remède pour le bien-être social.

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LE MENSONGE TECHNICISTE

Quelle est la véritable intention qui se cache derrière ce grand évènement aux ambitions internationales?
«VivaTech est une célébration des innovations d’aujourd’hui et des possibilités de demain pour tous ceux qui croient dans le pouvoir de la technologie à transformer l’économie et la société» 1 — trouve-t-on sur le site de l’évènement. Étrange déclaration : la technique serait principe organisateur des sociétés? Si l’on en croit le discours qu’Emmanuel Macron a prononcé l’année dernière, lors de la troisième édition du salon, l’idée est bien de favoriser le développement technologique en vue de résoudre les inégalités sociales. Le raisonnement est simple : relancer l’innovation en investissant dans les «new tech» permet de redynamiser l’économie. Suivront les créations d’emplois, l’augmentation de niveau de vie, et alors, comme par magie, les problèmes sociaux disparaîtront. En réalité Macron, qui avait promis de faire de la France la première «startup nation», impose une vision techniciste de l’économie et de la société, reposant sur une foi aveugle dans le pouvoir économique. Les applaudissements qui suivirent ce discours et le succès de ce salon révèlent bien l’adhésion de notre société à ce rêve prométhéen : le culte de l’efficacité et de la performance technique. En témoigne le succès de la prestation du champion mondial des échecs, Kasparov, jouant simultanément contre huit adversaires le 17 mai à VivaTech. Les nouveaux dieux modernes…
Certes Les Echos nous invite à réfléchir sur le «sens de la tech» 2, en reconsidérant ses applications concrètes, mais toujours dans l’idée que la technique est et restera la seule matrice de toutes transformations. Malheureusement le progrès d’une société ne se mesure pas à l’aune des avancées techniques produites par cette dernière. Le mensonge techniciste consiste à faire croire que seul le progrès technologique permettra de résoudre les problèmes sociaux, et favorisera l’émergence d’une société nouvelle.

LA RÉPONSE DE BENOIT XVI

Dans son encyclique Caritas in veritate, le Pape Benoît XVI nous met en garde contre cette mentalité techniciste qui ronge nos sociétés modernes, et qui nous pousse à oublier notre véritable dimension humaine. Car pour le pape «la technique répond à la vocation même du travail humain : par la technique, œuvre de son génie, l’homme reconnaît ce qu’il est et accomplit son humanité» 3. Or des salons comme VivaTech proposent justement une vision de la technique qui semble s’orienter uniquement sur le «comment» et non plus sur le «pourquoi». En termes philosophiques, il est uniquement question de «faire» et non plus «d’agir». Dans l’agir est justement comprise la dimension morale des actes humains. Si l’on perd cette dimension, l’homme n’est plus en mesure d’accomplir son humanité, selon le vœu de Benoît XVI, mais s’apparente à une machine, et perd ainsi le sens de ce qu’il produit. Le «savoir-faire» devient alors la seule mesure du réel, ce qui est vrai est ce qui est faisable. La preuve flagrante de cette fuite en avant est la technicisation permanente de la politique et de l’administration : on forme aujourd’hui des spécialistes politiques et administratifs au même titre que l’on forme des ingénieurs. Non, le progrès social n’est pas que technique, il est aussi et surtout humain. Dans cette perspective, il faut renoncer à ce rêve de liberté absolue se réalisant par la technique, qui est devenue aujourd’hui une idéologie. Qu’on le veuille ou non, VivaTech participe à cette illusion. L’avertissement de Benoit XVI est plus que jamais d’actualité : «le développement des peuples se dénature, si l’humanité croit pouvoir se recréer en s’appuyant sur les “prodiges” de la technologie.» 4

 https://vivatechnology.com

2https://business.lesechos.fr/directions-numeriques/digital/transformation-digitale/0601231487959-vivatech-saison-4-ce-qu-il-faut-en-retenir-329362.php

3 Encyclique Caritas in Veritate, Benoît XVI, 29 juin 2009.

4 Ibidem

 

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