Ordonné le 25 juin dernier pour la Communauté Saint-Martin, Don Etienne Renard décrit les étapes qui l’ont amené à discerner sa vocation, entrer au séminaire, progresser dans sa réponse à l’appel du Christ puis finalement recevoir le sacrement.
Entretien avec Don Étienne Renard
Propos recueillis par Odon de Cacqueray
Comment est née votre vocation sacerdotale ?
Ma vocation m’apparaît aujourd’hui comme un appel du Seigneur depuis toujours, mais ma prise de conscience de cet appel s’est effectuée lors de ma deuxième année d’études supérieures. Le Christ est venu me chercher dans un moment où je traversais des épreuves affectives, en particulier à travers un prêtre qui m’a posé cette question simple : « Crois-tu que le Seigneur t’appelle ? » Une question que je ne m’étais jamais posée, mais dont la réponse s’imposait à moi, cela ne pouvait être que « oui ». Lors de l’adoration qui a suivi, j’ai reçu des grâces de paix qui m’ont conforté.
Restait le fait que la concrétisation de mon appel étant passée par un homme, je pensais qu’il avait pu m’influencer. Le lendemain de ma rencontre avec ce prêtre, j’ai pris les textes du jour pour une lectio divina et j’ai lu le passage sur l’appel de Pierre, André, Jacques et Jean. Ce passage m’a retourné et j’ai compris que ce n’était pas Pierre ou André qui étaient appelés, mais bien moi, Étienne, à qui le Christ demandait de tout abandonner pour marcher à sa suite. J’ai accepté et une grande joie m’a habité qui ne m’a plus quitté. C’est là un critère important de mon discernement : la joie et le sentiment d’être à ma place.
Pourquoi avoir choisi la communauté Saint-Martin ?
Après mon entretien avec le prêtre dont je vous ai parlé, je lui ai demandé où je devais rentrer. Celui-ci m’a demandé de temporiser pour bien discerner. Je n’étais sûr que d’une chose : je ne voulais pas aller à la Communauté Saint-Martin. J’ai pensé à la congrégation Sainte-Croix, à la communauté Saint-Jean, j’ai pensé à la communauté du père Zanotti-Sorkine, aux Bénédictins… Un prêtre m’a conseillé d’écouter mon cœur pour discerner. Dans la prière, j’ai compris progressivement que c’était à la communauté Saint-Martin que je me sentais bien et c’était là que le Seigneur m’appelait. Il m’a fallu du temps pour l’accepter. Les trois premiers mois au séminaire ont d’ailleurs été difficiles, j’ai même pensé partir. Les grâces ont été abondantes et m’ont permis de rester.
Comment se sont déroulées vos années de séminaire ?
Le séminaire est vraiment un lieu de discernement. Le premier cycle « de disciple » est principalement axé sur ce discernement vocationnel. Lorsque je suis entré au séminaire, il n’existait pas d’année de propédeutique, j’ai donc commencé par trois années de philosophie. Des années pendant lesquelles nous étions invités à nous interroger sur notre vocation. Sommes-nous à notre place ? Le grand moyen de discerner c’est de se donner et de regarder ensuite si nous sommes heureux et en paix. Ce n’est pas un temps exempt d’épreuves, nous sommes confrontés à notre solitude. En troisième année, je me souviens être allé voir mon supérieur pour lui dire que je ne me sentais pas libre, il m’a alors laissé le choix de partir. Cette étape m’a permis de poser de nouveau un vrai choix. Les années de discernement sont clôturées par un stage en paroisse au sein de la communauté Saint-Martin. Un moyen d’expérimenter la vie commune comme nous pourrons la vivre une fois devenus diacres ou prêtres. Une fois ce stage achevé, la communauté nous demande de rédiger une lettre afin d’expliquer pourquoi nous souhaitons revenir. Mon stage était en banlieue de Tours, dans les vignes, avec trois prêtres d’âges différents. Une vie commune exigeante et très enrichissante.
Votre retour de stage ouvre la formation en théologie…
Les trois années qui suivent constituent le cycle de « configuration au Christ », afin de ressembler au Maître que nous sommes appelés à représenter comme diacres puis prêtres. Le discernement existe encore mais n’est plus au centre. Ce cycle correspond aux années de théologie. Il est jalonné de plusieurs étapes progressives dans lesquelles notre engagement se fait de plus en plus fort. D’abord l’admission comme candidat aux ordres sacrés (la reconnaissance par l’Église de l’existence d’une vocation surnaturelle). Suivent deux ministères institués : lectorat et acolytat, que nous formalisons par un engagement de plus en plus fort. À chaque étape nous rédigeons une lettre dans laquelle nous expliquons pourquoi nous souhaitons prendre cet engagement. Le choix s’affermit pour que nous soyons prêts au grand « oui » le jour de l’ordination.
Quelle importance l’ordination diaconale a-t-elle prise ?
Le diaconat a été le grand pas dans l’engagement à vie. Avec peut-être plus de peur que dans l’ordination sacerdotale, mais moins de crainte. Peur de soi, crainte de Dieu. Le diaconat a été une belle année de service, des prêtres et des paroissiens. Je crois que cette année a développé chez moi le sens du service et la proximité avec les paroissiens, la faculté à se rendre disponible.
Vient l’aboutissement avec votre ordination sacerdotale. Comment l’avez-vous vécue ?
Avant l’ordination, c’est un doux mélange de sentiments difficiles à nommer. Il y a une grande joie et une grande action de grâce, nous sommes pris de vertige face au mystère de Dieu qui se donne à nous et nous dépasse. En découlent une grande crainte, un sentiment d’indignité transfiguré par la Foi et la confiance en Dieu qui nous a choisis. Lors de l’ordination, après huit ans d’attente, beaucoup de sentiments nous submergent, mais au-delà de l’émotion, il y a la Foi en l’amour de Dieu, en ce mystère qui s’accomplit et qui nous offre la possibilité de consacrer le pain et le vin, de pardonner les péchés, etc.
Le rite, avec la prostration, l’agenouillement, l’imposition des mains, la promesse d’obéissance, etc., est très parlant, nous sommes vraiment dans une religion incarnée, mais le plus important reste ce mystère de Foi qui s’accomplit.
Aviez-vous organisé une tournée de premières messes ?
J’ai en effet eu un voyage de premières messes. La première messe célébrée seul est au séminaire avec nos formateurs, nos familles et nos frères séminaristes. C’est traditionnellement le lieu des mercis à nos parents, à nos formateurs, au Seigneur à qui nous devons toute chose. C’est un moment très émouvant. La bénédiction qui suit ces premières messes est très belle. J’avais ensuite organisé mon voyage en fonction des lieux qui m’ont marqué dans la Foi : mon lycée Notre-Dame-d’Orveau, la paroisse de Vouvray où je suis passé, Candes-Saint-Martin, lieu de la mort de saint Martin, la Picardie où j’ai mes origines, un monastère où des religieuses prient pour nous, et enfin la paroisse de Meyzieu où je suis envoyé.
Avez-vous pu confesser dès votre ordination ?
Les pouvoirs de confession sont donnés par un évêque. Les prêtres de la communauté Saint-Martin sont incardinés dans la communauté. Nous n’appartenons pas à un diocèse, mais à la communauté. Nous ne pouvons pas recevoir les facultés de confesser de la part de la communauté, celle-ci n’ayant pas d’évêque. J’ai donc reçu les pouvoirs de confession de Mgr Scherrer, évêque de Laval, qui m’a ordonné. Il nous est conseillé de ne pas confesser trop vite, d’être prudents. Je commencerai sûrement à l’occasion d’une adoration avec des enfants.
Quel sera votre ministère ?
J’ai été nommé à Meyzieu, là où j’exerçais mon ministère de diacre. Mes missions, si elles sont confirmées, seront d’être aumônier du pôle jeunesse de la paroisse : catéchisme, aumônerie, patronage, servants de messe, écoles, etc. Comme vicaire de la paroisse, je célébrerai aussi les sacrements : mariages, baptêmes…
Votre apostolat sera particulièrement auprès des jeunes. Comment leur transmettre ce que vous avez reçu ?
Comme le conseille don Bosco : je veux aimer ces jeunes comme le Christ les aime, et leur faire découvrir l’Amour fou de Dieu pour eux. Je souhaite les rendre libres et donc capables de répondre à l’appel de Dieu. Il faut donc leur parler de la vocation, que ce soit une possibilité pour eux. J’aimerais témoigner par ma vie donnée que nous pouvons être prêtres et heureux, que Dieu est Amour et que cet Amour peut combler toute une vie. C’est le meilleur témoignage qu’ils puissent avoir. Qu’ils sachent que le bonheur réside dans l’accomplissement de notre vocation, bien que répondre à l’appel ne supprime pas les difficultés et les souffrances. Ils peuvent tout donner au Christ qui, comme le disait Benoît XVI, « n’enlève rien mais donne tout ».