« Et le Verbe s’est fait chair ». Dans notre foi, culture, le Verbe c’est Dieu. Sa parole opérante est l’expression de sa puissance : « Que la lumière soit… ». Paroles brèves et intenses pour créer, louer, demander, enseigner, guérir. Le Sauveur parle peu et sauve tout. Dans cette tradition, l’homme digne de cet héritage parle peu, il sait qu’une parole donnée engage, c’est une question d’honneur. On ne gâche pas les mots. Parler à la légère, promettre et ne pas tenir, s’engager et se rétracter sont les signes du versatile que l’on tient à distance. Respecter sa parole pour respecter la Parole. L’homme d’honneur est un taiseux. Mais voilà l’homme politique, lui et les rythmes hystériques des campagnes qui se succèdent, les nôtres et celles des autres, les Brexit, les Trump et les Clinton, car il nous en faut toujours plus. Une campagne pousse l’autre. Devant les micros en réunions, ceux des émissions de télé, de radio, ceux des rassemblements, le bruit infernal ne cesse. L’homme politique parle, promet, s’engage, condamne, prédit, menace, provoque, répond, explique, s’explique, se justifie, commente, ment, triche, dissimule, séduit, manipule, parle et parle encore.
À l’inverse de Dieu, il parle beaucoup et ne sauve rien. Quand il s’en va pour un autre lieu, quand il gagne ou perd, il laisse derrière lui le doute définitif : « Il a bien parlé ». Au-delà du chaos sociétal qu’ils ont généré, le plus grand dommage des politiques contemporains, c’est d’avoir dénaturé le verbe, d’avoir fait de l’engagement, de la promesse, de la parole donnée, un bruit de fond, un décor de théâtre, des jeux d’eau et de lumières devant les casinos de Vegas. Pourtant l’engagement, la promesse sont le lien entre la parole et l’action. Par ça aussi, nous sommes à l’image de Dieu.
Être digne de parole, c’est être un homme. Et, dans ce bavardage incessant, ce chaos politique, « je cherche un homme ».