Le verbe dénaturé

Publié le 28 Sep 2016
Le verbe dénaturé L'Homme Nouveau

« Et le Verbe s’est fait chair ». Dans notre foi, culture, le Verbe c’est Dieu. Sa parole opérante est l’expression de sa puissance : « Que la lumière soit… ». Paroles brèves et intenses pour créer, louer, demander, enseigner, guérir. Le Sauveur parle peu et sauve tout. Dans cette tradition, l’homme digne de cet héritage parle peu, il sait qu’une parole donnée engage, c’est une question d’honneur. On ne gâche pas les mots. Parler à la légère, promettre et ne pas tenir, s’engager et se rétracter sont les signes du versatile que l’on tient à distance. Respecter sa parole pour respecter la Parole. L’homme d’honneur est un taiseux. Mais voilà l’homme politique, lui et les rythmes hystériques des campagnes qui se succèdent, les nôtres et celles des autres, les Brexit, les Trump et les Clinton, car il nous en faut toujours plus. Une campagne pousse l’autre. Devant les micros en réunions, ceux des émissions de télé, de radio, ceux des rassemblements, le bruit infernal ne cesse. L’homme politique parle, promet, s’engage, condamne, prédit, menace, provoque, répond, explique, s’explique, se justifie, commente, ment, triche, dissimule, séduit, manipule, parle et parle encore.

À l’inverse de Dieu, il parle beaucoup et ne sauve rien. Quand il s’en va pour un autre lieu, quand il gagne ou perd, il laisse derrière lui le doute définitif : « Il a bien parlé ». Au-delà du chaos sociétal qu’ils ont généré, le plus grand dommage des politiques contemporains, c’est d’avoir dénaturé le verbe, d’avoir fait de l’engagement, de la promesse, de la parole donnée, un bruit de fond, un décor de théâtre, des jeux d’eau et de lumières devant les casinos de Vegas. Pourtant l’engagement, la promesse sont le lien entre la parole et l’action. Par ça aussi, nous sommes à l’image de Dieu.

Être digne de parole, c’est être un homme. Et, dans ce bavardage incessant, ce chaos politique, « je cherche un homme ».

Ce contenu pourrait vous intéresser

ChroniquesLectures

Carte blanche : Le cardinal Charles Journet

Carte blanche d’Yves Chiron | Le cardinal Journet a déjà eu plusieurs biographes, notamment Lucien Méroz en 1981 et Guy Boissard en 2000. Philippe Chenaux, historien suisse, professeur émérite à l’Université pontificale du Latran, publie ce qu’il appelle une « biographie intellectuelle et politique » du théologien mort en 1975.

+

cardinal charles journet
ChroniquesFin de vie

Euthanasie : tuer par altruisme ?

C’est logique ! de François-Marie Portes | L’Assemblée nationale a voté en faveur de l’euthanasie sous couvert d’une « aide à mourir » et d’une prétendue « dignité ». Derrière ces mots se cache une logique perverse : faire passer pour un acte altruiste ce qui est, en réalité, une atteinte à la vie humaine.

+

euthanasie mort digne
Chroniques

Nouveaux mots : l’érosion discrète du rapport au réel

C’est logique ! de François-Marie Portes | Sous couvert d’enrichir la langue, l’ajout de nouveaux mots comme « aplaventrisme » ou « asexuel » traduit moins une vitalité de la pensée qu’un appauvrissement du regard porté sur le réel. Loin de simplement décrire, ces néologismes dissimulent une redéfinition silencieuse des repères moraux et philosophiques fondamentaux.

+

AdobeStock 54411084 nouveaux mots
ChroniquesFrançoisLectures

Autobiographie du pape François : une attente déçue

L'Essentiel de Thibaud Collin | Publiée dans plus de cent pays, l’autobiographie du pontife se révèle assez décevante, malgré son titre, Espère, quand à sa vie même. On y retrouve cependant ses thèmes de prédilection, ses contradictions ainsi que ses jugements peu nuancés sur certains sujets, en particulier celui de la liturgie traditionnelle.

+

pape neuvaine autobiographie
ChroniquesAnnée du Christ-RoiDoctrine sociale

Abbé Barthe : Comment s’est évanoui l’enseignement sur la royauté sociale du Christ 

Enquête Quas Primas 2 | Dans le cadre de l'année du Christ-Roi, nous continuons notre enquête. L'enseignement sur la royauté sociale du Christ, qui consistait à armer les catholiques contre la laïcité, à rappeler que les gouvernants légitimes sont des représentants du Christ-Roi et qu'ils lui doivent un culte public, était trop antimoderne pour être pleinement reçu en son temps en France.

+

royauté sociale du christ