L’Eglise au Congo : principal contre-pouvoir

Publié le 28 Mar 2019
L'Eglise au Congo : principal contre-pouvoir L'Homme Nouveau

Le 1er novembre 2018, Mgr Fridolin Ambongo devenait archevêque de Kinshasa en République Démocratique du Congo. Depuis la fin du mandat de Joseph Kabila, l’ancien président du pays, en décembre 2016, le pays est en proie à de fortes tensions et des conflits violents entre les soutiens du gouvernement et le peuple. 

L’année dernière, des élections ont pu se dérouler. Après de très forts soupçons de fraude, c’est Félix Tshilombo Bizimungu wa Kanambe qui a été élu. Une réalité qui n’est pas satisfaisante, mais avec laquelle il faut composer selon Mgr Ambongo. En France pour la onzième Nuit des témoins organisée par l’Aide à l’Église en Détresse, nous l’avons rencontré. 

Quelle est la situation politique au Congo ? 

Mgr Fridolin Ambongo : La situation actuelle c’est la gestion post électorale, nous avons eu des élections à la fin du mois de décembre, le 30, qui a vraiment mobilisé la population. Le peuple s’est exprimé et a montré une volonté de changement, pourtant il s’est retrouvé avec un président qu’il n’a pas élu. 

D’un côté nous disons que cette situation reflète ce que nous appelons « le déni de la Vérité Â», ce déni est mauvais, nous le dénonçons. Il y a un manque de considération pour le peuple qui s’est exprimé. En même temps nous disons, la fonction présidentielle est occupée, nous devons faire avec. 

C’est tout l’enjeu aujourd’hui, comment faire avec un président qui n’a pas été élu, qui a été désigné par son prédécesseur (Joseph Kabila qui a été rejeté par le peuple). Joseph Kabila a d’ailleurs réussi à tout verrouiller. Il a désigné aussi des parlementaires, de telle sorte qu’il a aujourd’hui le contrôle sur le parlement. Comme la constitution stipule que le Premier ministre est issu du parti majoritaire, il aura aussi le contrôle du parlement.  

Qu’est-ce qui restera entre les mains du nouveau président ? La difficulté sera de connaître la marge de manoeuvre du nouveau président. Nous devons donc dénoncer le déni de vérité et composer avec le pouvoir en place. 

Il y a deux enjeux pour composer avec lui : Servir l’intérêt de Kabila qui l’a placé là, ou servir le peuple. 

S’il sert l’intérêt de Kabila, il sera rejeté par le peuple. S’il s’appuie trop sur le peuple, il rentrera en conflit avec Kabila. 

L’Eglise a demandé l’alternance politique au Congo, cette alternance peut-elle être une solution ? 

Oui, nous avons toujours demandé cette alternance démocratique, nous nous sommes battus pour l’avoir. Pour cette raison, malgré le déni de Vérité auquel nous sommes confrontés, il y a des points positifs. 

D’abord nous avons des élections, chez nous c’est un luxe ! Nous l’avons eu comme église catholique, et nous l’avons eu au prix du sang. Il y a eu des manifestations très fortement réprimées, il y a eu des morts dans no églises ! Mais les élections ont eu lieu. 

Le deuxième point positif est que le président Kabila s’est senti obligé de quitter le pouvoir et cela grâce à la pression du peuple, sous l’accompagnement de l’Église. 

Le président qui est là n’est pas celui qui a été élu ? Nous disons : patience ! Nous allons arranger cela prochainement. 

Comment l’Église catholique s’organise-t-elle avec les autres religions présentes ? 

Jusqu’aux élections qui viennent de se passer, l’Église catholique travaillait pratiquement seule, mais avec la société civile, pas nécessairement avec les autres confessions religieuses. Pour la simple raison que du côté des protestants, celui qui était président de « L’Église du Christ au Congo » (nom de l’Église protestante au Congo) était un sénateur du parti de Kabila. 

Quand il venait chez nous, nous nous demandions s’il venait comme homme d’Église ou en tant qu’homme politique. Nos nous méfiions donc de lui.

Depuis un peu plus d’une année, il y a un nouveau président, celui-ci partage exactement nos analyses et nous travaillons maintenant main dans la main avec l’Église protestante du Congo.

Et vis-à-vis de l’Islam ? 

L’Islam chez nous n’est pas une force. Les musulmans sont plutôt situés à l’est du pays, mais à l’échelle du pays c’est une quantité négligeable. L’ancien président Kabila s’est beaucoup appuyé sur eux. 

L’année dernière le prix Nobel de la paix a été remis à Denis Mukwege, est-ce encourageant qu’un tel prix soit remis à un Congolais ? 

Nous étions très fiers ! Nous avons salué ce geste de la communauté internationale. Vous savez sûrement qu’en République Démocratique du Congo le pouvoir n’en a pas parlé. Tout simplement parce qu’il est un peu considéré comme nous, l’Église catholique, comme appartenant à l’opposition et n’aimant pas le régime, je veux parler de l’ancien régime de Kabila. 

Denis Mukwege fait exactement le même travail que nous. Nous sommes sur la même longueur d’onde que lui et nous soutenons son combat, comme il soutient le nôtre. L’unique intérêt que nous avons, c’est l’intérêt de notre peuple. Il est engagé, il a des convictions et il se bat pour elles. Nous ne pouvons que le soutenir. 

Qu’attendez-vous de la Nuit des témoins ? 

La Nuit des témoins est un moment de prière. Dans le contexte de notre pays, nous avons besoin de l’assistance du Seigneur. Nous avons besoin des prières de tous ceux qui seront avec nous pour porter ce combat du peuple congolais, sur l’autel de l’offrande. Afin que le Seigneur puisse écouter le cri plaintif de ce peuple qui souffre depuis longtemps. 

Encore une date pour La Nuit des témoins de l’AED :

PARIS : 29 mars, 18h15 messe, 20h00-22h00 veillée – Cathédrale Notre-Dame de Paris présidée par Mgr Michel Aupetit
 

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