L’Église peut-elle encore parler de procréation ou ferait-elle mieux de s’occuper de ses prêtres pédophiles ?

Publié le 22 Sep 2018
L'Église peut-elle encore parler de procréation ou ferait-elle mieux de s'occuper de ses prêtres pédophiles ? L'Homme Nouveau

Ce jeudi 20 septembre, les évêques de France ont publié et signé une déclaration commune intitulée La dignité de la procréation. Le texte de 112 pages rappelle l’enseignement de l’Église sur la procréation et réaffirme les raisons de son opposition à la procréation médicalement assistée (PMA), qu’elle concerne les couples hétérosexuels, homosexuels ou les femmes seules.

Publiée quelques semaines avant que les parlementaires ne présentent le projet de nouvelle loi de bioéthique en novembre prochain, la déclaration remet au centre la dignité de la personne et l’impératif de ne jamais céder à une logique de fabrication de la vie humaine. Le texte a immédiatement suscité une vague d’indignation, d’autant plus virulente que l’Église affronte une très grave crise liée aux abus sexuels. L’Église, est-elle vraiment bien placée pour parler de procréation ? Les objections sont nombreuses, qui remettent en cause l’extension du domaine de compétence de l’Église ou sa légitimité à parler alors qu’elle est entachée de graves crimes. De l’incompréhension à l’insulte en passant par la colère, les réactions négatives quant à la possibilité pour l’Église de s’exprimer sur un tel sujet ont été nombreuses mais peuvent se résumer en quatre principales objections.

1. L’Église ferait mieux de régler les problèmes de pédophilie.

Vrai ou faux ?

C’est l’argument du moment, lancé à la face des clercs et des fidèles, quoiqu’ils disent. Alors oui, l’Église doit s’occuper des abus sexuels dont certains de ses membres sont coupables, elle ne l’a parfois mal fait ou parfois pas fait du tout mais nulle autre institution qu’elle n’a eu le courage d’affronter ainsi le problème, en reconnaissant publiquement ses torts et en affirmant sa volonté de faire cesser ces crimes odieux. Et l’Église, qui rassemble tous les baptisés, ne se résume pas à ses prêtres et encore moins à ses seuls prêtres pédophiles.  Que certains pères de familles soient coupables d’abus sexuels ne fait pas de la famille une institution perverse, que certains professeurs soient coupables de ces mêmes abominations ne fait pas de l’enseignement une pratique infâme et, fort logiquement, que certains prêtres – parmi les milliards de fidèles que compte le peuple de Dieu – soient des criminels ne suffit pas à faire de l’Église une institution diabolique. Plus encore, la faute de certains clercs ne suffit certainement pas à invalider le discours de l’Église, un peu comme un professeur de maths pédophile qui ne suffit pas à rendre fausse l’affirmation, proclamée par l’ensemble du corps professoral, que 2 et 2 font 4. 

Réduire ce qu’est l’Église à la faute de quelques uns de ses membres a un nom : l’amalgame. Nous qui pensions que c’était mal… 

2. L’Église n’a pas a s’occuper de se qui se passe dans l’intimité des familles.

Vrai ou faux ?

La pratique de la PMA en tant que telle sort la procréation du domaine de la vie privée et de l’intimité familiale puisqu’elle fait intervenir des acteurs qui lui sont extérieurs, à commencer par le médecin, et éventuellement un donneur de gamètes. La PMA suppose également l’intervention de l’État à au moins deux titres, par la loi qui permet cette pratique et par la prise en charge de tout ou partie des frais par la Sécurité sociale. La PMA, donc, qui déplace la conception du lit à l’éprouvette est tout sauf une affaire privée…

En outre l’Église ne s’immisce pas à strictement parler dans la vie des familles et n’a encore jamais, de mémoire d’homme, diligenté de milice de la procréation pour épier l’intimité conjugale et vérifier que les enfants soient engendrés dans de saintes dispositions !  Ce n’est pas s’immiscer dans la vie privée que de mettre en garde contre  l’institutionnalisation de pratiques qui touchent à quelque chose d’aussi fondamental que la filiation.

3. L’Église n’a pas à sortir du domaine strictement spirituel et n’a aucune compétence sur les questions de famille et de procréation puisque les prêtres sont censés être célibataires.

Vrai ou faux ?

L’Église ne se résume pas à ses prêtres, et n’a jamais prétendu s’en tenir aux questions d’ordre purement spirituel. Elle est universelle, elle se soucie de tout l’homme et de tous les hommes, qu’ils soient prêtres, mariés ou célibataires. A ce titre, elle se soucie de tout ce qui touche à l’humanité. D’ailleurs, cela ne gêne pas grand monde quand l’Église, dépassant les questions strictement spirituelles ou liturgiques, prend la défense des migrants ou invite à une prise de conscience sur l’écologie… 

L’Église, à qui l’on peut au moins reconnaitre une certaine légitimité du fait de son ancienneté et d’un record en matière d’adhérents (bien plus que le CCNE et le gouvernement lui-même) a au moins autant que tout autre organisme le droit de s’exprimer sur les questions éthiques. Répondre à la déclaration des évêques en disant que l’Église n’a pas le droit de parler de procréation, c’est un peu court et tristement idéologique. Une attitude vraiment raisonnable consisterait plutôt à lire le texte en profondeur pour en comprendre les tenants et les aboutissants et à partir de là, éventuellement, contester les arguments qui y sont déployés.

4. Ce n’est pas à l’Église de décider qui a le droit d’être parent ou non.

Vrai ou faux ?

Notons en premier lieu que parler de « droit » à être parent, c’est une fois de plus sortir la procréation de la stricte intimité familiale pour en faire une pratique régie par le droit positif et fragilise, de ce fait, tous les arguments en faveur de la PMA qui reposent sur l’idée d’une pratique privée à laquelle nulle ne pourrait s’opposer. 

Par ailleurs, l’Église ne délivre certainement pas de certificat de parentalité, ne donne pas de droit à l’un ou à l’autre de fonder une famille – ce n’est pas sa vocation – mais elle rappelle à temps et à contre temps quelles sont les conditions d’une vie bonne. Et, précisément parce qu’elle se soucie de tout l’homme et de tous les hommes, l’Église se refuse à penser le recours à la PMA à partir du seul désir des parents. Elle examine la PMA au regard de ce qu’elle implique pour notre humanité et, plus que tout, pour l’enfant. Faire de l’engendrement une technique, c’est ouvrir à la possibilité de filiations multiples (parents d’intentions, parents biologiques, etc.) et à la conception d’un enfant sur-mesure et briser, de fait, la seule chose qui fonde notre commune humanité et l’égalité entre tous les hommes : être né d’un homme et d’une femme sans avoir été sélectionné, choisi, fabriqué et même payé. 

L’objection bonus : L’Église ne peut s’opposer à la PMA puisque la Sainte Vierge elle-même n’a pas conçu le Christ ne manière naturelle mais s’est faite inséminer par le Saint-Esprit.

Vrai ou faux ?

Oui, la Vierge est la première femme de l’humanité à avoir eu recours à la PMA, entendue comme une procréation miraculeusement assistée.  La foi chrétienne professe la virginité de la Vierge, qui a enfanté sans avoir jamais connu d’homme, ni fait quoique ce soit avec des éprouvettes et un stock d’embryons congelés. L’incarnation du Christ est un miracle unique dans l’histoire de l’humanité – auquel ceux qui professent cet argument ont beau jeu de feindre de croire lorsqu’il s’agit de contrer l’Église – et la logique même de ce mystère est absolument inverse de celle qui préside à la PMA puisque la Vierge n’a rien choisi du tout, ne cherchait à pallier aucune infertilité et n’a eu recours à aucune technique médicale.

Si, vraiment, les tenants de cet argument veulent faire de l’incarnation du Christ l’archétype de la PMA, il faudra accepter que les enfants ainsi conçus soient voulus et pensés par une autorité supérieure (pourquoi pas l’État à la place de Dieu ?) qui désignera un émissaire de son choix (le premier ministre à la place du Saint-Esprit ?) pour féconder les candidates à la PMA puis confier les enfants à leur mère jusqu’à 30 ans environ avant de les envoyer accomplir leur mission, quitte à y trouver la mort (peut-être en combattant le terrorisme plutôt que sur la croix ?). On en conviendra, la comparaison a ses limites…

Adelaide Pouchol

Adelaide Pouchol

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