Y a-t-il un lien entre le dernier livre publié par les éditions de l’Homme Nouveau et la parution de la troisième encyclique du pape Benoît XVI : « Caritas in veritate » (La charité dans la vérité). D’une hauteur de vue bien à l’image de son auteur, se fondant sur le rappel théologique des liens intrinsèques entre la charité et la vérité, cette encyclique réactualise la doctrine sociale de l’Église, en prenant à bras le corps les problèmes nouveaux posés dans le cadre de la mondialisation. Prudent, évitant de choquer un auditoire avide d’images chocs et de formule à l’emporte-pièce, le seul laïc admis à présenter le texte du pape lors de la conférence de presse, le professeur Stefano Zamagni de l’université de Bologne a tenu à préciser que « Non, ce n’est pas une encyclique anticapitaliste ». Preuve hautement paradoxale que certains passages de ce texte très riche pourraient le laisser penser…
On donnera raison au professeur Zamagni, car comme l’explique Chesterton en introduction de son livre Outline of sanity, traduit en français, de manière un peu paradoxale, bien dans le ton de l’auteur, par Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste, ce terme de capitaliste est devenu polysémique et exige d’être très précisément défini. Or, Chesterton le fait remarquer : « une société de capitalistes ne contient pas trop de capitalistes, mais trop peu ».
Il ne s’agit pas ici de résumer cette nouvelle encyclique. Force est de constater pourtant que la pensée distributiste de Chesterton et de Belloc ne peut que se trouver encourager à poursuivre ses efforts et son actualisation par ce texte papal. Dans ce sens, la publication pour la première fois en langue française du Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste s’inscrit directement dans l’effort de réflexion auquel le pape invite les catholiques.
Quand il souligne que la question sociale et économique est morale et repose fondamentalement sur une vision anthropologique ; quand il critique les effets de l’économie uniquement spéculative ; quand il constate que « le marché n’arrive pas à produire la cohésion sociale » ou que « l’activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux » ; quand il rappelle la nécessité de ne pas séparer l’agir économique de l’agir politique ou quand il évoque l’idée de « subsidiarité fiscale », il est certain que la doctrine chestertonienne entre en harmonie avec le discours du pape comme elle l’était déjà à l’époque de la parution de Centesimus annus de Jean-Paul II. À ceux qui s’en étonneraient, il faut les inviter à lire le Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste qui d’une autre manière, sans la même autorité, et dans un contexte historique différent, repose sur les mêmes principes d’analyse.
Aux États-Unis, les commentateurs le constatent déjà, notant le regain de vigueur du courant distributiste. Ainsi, par exemple, Kevin Michael Derby, sur Examiner.com, s’en prend au catho-con (catholiques conservateurs soutenant le courant néo-conservateur) et montre le lien entre la nouvelle encyclique et le travail des distributistes. À Oxford, samedi prochain, la rencontre sur la pensée de Chesterton face à la crise économique actuelle ne pourra que se trouver encouragée par l’apport de la nouvelle encyclique.