Les croisades (9) | Les croisades vues du XXIe siècle

Publié le 25 Juil 2025
croisade

Salle des Croisades, Musée national du Château de Versailles. © PHGCOM, CC BY-SA 3.0

Cet été : Les croisades au risque de l'Histoire

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Les croisades sont bien ancrées dans l’imaginaire collectif comme en témoignent les nombreux films y faisant référence. Dans la plupart des cas, elles sont décriées, voire présentées comme un djihad catholique. Ces caricatures révèlent avant tout une méconnaissance croissante de la religion catholique et de son histoire.

 

Aujourd’hui, c’est encore la version de la propagande anticléricale des « hussards noirs » de la IIIe République qui domine avec une vision impérialiste des croisades. L’apparition d’un islam militant en France alimente ce postulat qui s’invite dans les narratifs politiques. Dans certains milieux de gauche, l’explication est caricaturale en décrivant une armée européenne blanche et colonisatrice, opprimant des musulmans éclairés et victimes du prétendu fanatisme des croisés. À l’inverse, dans certains milieux de droite, les croisades sont fantasmées en mettant en avant des hommes virils reprenant leurs terres conquises par un islam radical.

La propagande de l’État islamiste, et dans une moindre mesure celle d’Al-Quaïda, se sert également des croisades pour montrer un Occident islamophobe et belliqueux. Ces thèses sont reprises en France par les Frères musulmans et des militants d’extrême gauche pour nourrir leur idéologie destructrice de notre civilisation.

L’État islamique reprend même l’expression « les Francs » pour parler des croisés et cibler la France. Ces termes d’« armée franque » pour désigner l’ost, l’armée croisée, apparaissent dès la première croisade. En effet, les soldats et seigneurs français, désireux de suivre les prêches de saint Bernard de Clairvaux, étaient les plus nombreux au sein de l’armée croisée. Pourtant ce narratif anticlérical et manichéen ne tient pas longtemps lorsqu’on se penche sur ces périodes troubles.

La foi comme motif
Westminster Knight croisade

Extrait du Psautier de Westminster.

Cette peur de stigmatiser les musulmans et la pensée unique, voire la censure, de certaines universités, ont amené les historiens français à délaisser l’étude des croisades. Par chance, ce n’est pas le cas des historiens anglophones et notamment ceux de la Society for the Study of the Crusades and the Latin East (SSCLE). Leurs dernières recherches privilégient une approche selon laquelle la foi constituait la motivation principale des croisés.

Ces derniers s’engagèrent d’abord par obéissance à l’Église, à la suite du pape Urbain II qui appela à la première croisade afin de défendre le tombeau du Christ. Ils prenaient la croix pour défendre les chrétiens de Terre sainte et les pèlerins persécutés pour leur foi. Certains partaient également pour expier et réparer leurs fautes. L’idée selon laquelle la majorité des croisés auraient été motivés par l’argent est complètement abandonnée, tout comme la vision des croisades en tant que projet colonial en Terre sainte.

Ce rejet des thèses marxistes des années quatre-vingt vient du fait que les historiens considèrent désormais les chroniques des auteurs médiévaux comme véritablement descriptives et non politiques. Les avancées archéologiques confirment régulièrement les écrits de ces auteurs. Récemment, l’université de Cambridge a annoncé la publication prochaine d’une nouvelle histoire générale des croisades, résultat de 50 années de travail et d’une dizaine d’années d’écriture.

Cette quête spirituelle et les bonnes intentions des croisades n’ont évidemment pas empêché des dérives parmi les croisés. Les difficultés du chemin, la faim, les horreurs commises par des troupes musulmanes et le fanatisme de certains croisés ont débouché sur des scènes choquantes pour nos esprits modernes. « Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas », nous rappelait déjà saint Paul dans sa Lettre aux Romains.

Au-delà des querelles idéologiques, il est indéniable que l’époque des croisades a permis de riches échanges entre l’Occident et l’Orient. L’apport mutuel des deux cultures a permis des avancées considérables en matière de médecine, de mathématique, de nouvelles technologies, d’échanges commerciaux et, comme dans tous les conflits, en matière de sciences militaires.

Une épopée chevaleresque

Ce renouveau de l’intérêt pour les croisades permet de casser le manichéisme dicté par la réécriture marxiste de l’histoire voulant trouver à chaque époque une lutte des classes avec un oppresseur et un opprimé. L’histoire des croisades est également vue comme une grande épopée chevaleresque. On peut noter que l’expression moderne « partir en croisade » est jugée positivement, désignant un combat pour une cause juste. La figure du chevalier défendant la veuve et l’orphelin, portée notamment par la geste arthurienne, fait toujours rêver au-delà des nostalgiques de la chrétienté.

De nombreux héros modernes reprennent les codes médiévaux comme les jedis de Star Wars ou Jon Snow, le personnage central de la série Games of Thrones. Il n’est pas rare de rencontrer des adultes déguisés en croisés lors des fêtes médiévales. Un message d’espérance où la recherche du bon dépasse l’idéologie !

 

François Fèvre

 

 

>> à lire également : Les croisades (5) | Les croisades vues par le monde musulman 

 

François Fèvre

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