Le sujet des fins dernières a été choisi cette année par l’association Notre-Dame de Chrétienté pour le thème de sa 42e édition du pèlerinage de Paris à Chartres (les 18, 19 et 20 mai 2024). En ce temps de carême, l’abbé Jean de Massia, aumônier général du pèlerinage, revient sur l’importance de la prédication des fins dernières, et les enjeux de cette doctrine catholique, dans une série de trois articles.
Les fins dernières, un sujet tabou ?
Pour être tout à fait juste, la réflexion sur le Ciel, l’Enfer, le Purgatoire, les jugements et la fin du monde, qui compose la doctrine catholique des « fins dernières », revient sur le devant de la scène et des bonnes librairies (1), et c’est heureux. Nous commençons à sortir, timidement, d’une longue période de silence et de malaise par rapport aux fins dernières, qui a laissé des traces profondes et favorisé une certaine méfiance, parfois inconsciente, par rapport à ces sujets dans le cœur des fidèles. Parler des « fins dernières », cela semble peu attrayant ! Et pourtant la fin, le but chez saint Thomas, c’est justement cela qui devrait attirer et mobiliser l’homme tout entier. En prenant ce thème pour notre prochain pèlerinage, nous voulons montrer que c’est la fin qui donne toute sa profondeur, son sens, à la vie humaine : le chrétien vise un but, comme le pèlerin vise la cathédrale, et ce but est un enjeu magnifique, qui vaut le coup de ne pas être manqué ; mais il peut être manqué. Avant de survoler certains de ces thèmes, il peut être bon de comprendre pourquoi, à partir du milieu des années 1960, on a brusquement cessé de parler des fins dernières.
L’évolution de notre rapport à l’au-delà
« Amnésie de l’éternel » (2) : c’est ainsi que Charles Péguy décrivait la maladie de notre siècle. Pour résumer très grossièrement, on peut dire qu’il y a eu un premier basculement lorsque nous sommes passés d’une société chrétienne, orientée vers l’espérance d’un au-delà bienheureux, à la société moderne. Fasciné par les progrès de la technique, séduit par les idéologies révolutionnaires promettant le bonheur parfait sur terre, l’homme moderne a mis son espérance en lui plutôt qu’en Dieu. Le paradis chrétien est dénoncé comme l’« opium du peuple » inventé pour distraire des gens malheureux et garder une emprise sur les foules. Il faut ici comprendre l’influence très forte qu’a eu ce discours sur une partie des prédicateurs…