Au moment des événements de mai 1968, j’étais bien avant les autres une rebelle confirmée. Ma révolution à moi avait eu lieu en avril 1962, dans la nuit pascale. Parmi ceux qui criaient dans la rue « liberté » j’ai reconnu sans peine ce que j’avais été avant mon baptême et, surtout, en lisant les journaux remplis des idées à la mode contre l’autorité, contre la vraie morale et contre tout principe civilisateur venant de la tradition, bonne ou mauvaise.
Dans mon pays natal, les U.S.A. avant 1960, ces idées destructrices étaient déjà élaborées et j’étais un témoin vivant du « siècle des lumières » de l’époque comme ceux qui vivaient avant la Révolution française. Mais en fait, je m’étais révoltée bien plus que ceux qui manifestaient sur les boulevards aux pavés arrachés du Quartier Latin : d’abord, contre l’hypocrisie du relativisme éthique qui régnait sur les relations humaines, contre la révolution sexuelle qui détruisait l’amour, contre le nihilisme de la philosophie ambiante et enfin contre le mercantilisme auquel tout phénomène humain semblait avoir été assujetti. En vérité, tout cela s’est produit pour moi avant mai 1968. Les « événements » en France, mon pays d’adoption, me paraissaient donc du « déjà vu » comme dans une vaste opération de contre-publicité.
Oui, contre-publicité. Alors que tout s’écroulait dans le monde des soi-disant valeurs, j’ai rencontré l’homme de ma vie et nous nous sommes mariés, bien qu’une telle idée ne fut pas l’idéal de l’amour libre de la pensée unique. Mai 1968 nous poussa à combattre la révolution sexuelle par la fidélité, à défier la contraception et l’avortement par les naissances de nos neuf enfants, à adhérer à l’Eglise catholique malgré les âmes moqueuses qui voulaient ébranler l’édifice sans rien savoir, et enfin à nous installer à la campagne, bien avant les écolos hirsutes, pour vivre dans davantage de simplicité, plus près de Dieu.
En 1968 cependant, la vie quotidienne était parsemée de nouvelles alarmantes. Une grève générale d’un mois arrêta l’économie de la France. Pour les intellectuels à Paris qui étaient à pied, ce n’était pas un problème, mais pour la France « moyenne » et rurale, chaque jour portait de plus en plus d’incertitudes. Plus de transports, plus de banques, plus d’approvisionnement, plus d’école, hôpitaux au ralenti. Inquiétudes pour la paix civile à l’intérieur du pays ainsi qu’aux frontières. Une situation idéale pour provoquer une invasion étrangère (la guerre froide n’était pas encore terminée et la guerre du Vietnam battait son plein). Les étudiants inconscients s’affalaient sur les chaussées parisiennes qu’ils n’avaient pas encore éventrées en scandant des âneries ou en brandissant une pancarte « Interdit d’interdire ».
Deux ans auparavant, encore étudiante en sciences à Jussieu, quelques malabars avaient barré l’entrée des amphithéâtres comme en une répétition générale pour ce qui allait venir en 1968. J’ai essayé de discuter avec eux en soulignant la chance qu’ils avaient d’avoir l’université quasiment gratuite alors qu’en Amérique nos parents se tuaient au travail pour payer nos études. Mais je me suis vite rendu compte que ces sbires n’étaient pas concernés par les faits. On avait seulement loué leurs muscles et leurs grandes gueules. A l’intérieur, les délégués de classe étaient souvent ceux qui travaillaient le moins.
Le pire était encore à venir. Dans les années qui ont suivi, malgré un certain ordre rétabli, la société française avait remplacé tout ce qui avait constitué son génie propre admiré de tant de pays, par des contre valeurs en essayant de convaincre les gens que le laid valait mieux que le beau, que le vrai n’était pas le vrai et que le bien était toujours relatif, quand ce n’était qu’une question de goût.
Aujourd’hui, 50 ans plus tard, la plupart des erreurs de mai 1968 ont été intégrées dans la société actuelle. Certains ont perdu le précieux mode d’emploi de l’amour et de la vraie morale qui vient de Dieu. Comment faire alors pour la jeunesse? Personnellement, contre tous les excès, je recommande les sacrements ou les fonts baptismaux qui m’ont donné une seconde vie. Par ailleurs, ce que nos penseurs d’hier ont oublié est que l’amour et la confiance dans la foi sont les vraies clés du bonheur.