L’homme, la communauté et la nature

Publié le 10 Oct 2023
L’homme, la communauté et la nature
Dans un délitement général de l’idée du bien commun, volontarisme et individualisme ont perverti la notion de « tout », classiquement conçu comme accidentel. Identifié à une nature sacralisée, il est perçu désormais comme substantiel et déterminant, seule source de la valeur de chaque individu. Ce qui n’est pas sans rappeler les thèses panthéistes allemandes de la fin du XIXe au début du XXe siècle.

  Puisque nous sommes par nature des êtres politiques, il s’ensuit que le bien de la communauté à laquelle nous appartenons est supérieur à notre intérêt personnel. Plus précisément, le bien propre [1] de chacun exige de rechercher avant tout le bien commun car le premier suit le second. C’est ce qu’enseigne saint Thomas d’Aquin lorsqu’il écrit que « celui qui cherche le bien commun de la multitude cherche par voie de conséquence son bien propre, et cela pour deux raisons. La première est que le bien propre ne peut exister sans le bien commun soit de la famille, soit de la cité ou du royaume. (…) La seconde raison est que, l’homme étant une partie de la maison et de la cité, il doit considérer ce qui est bon pour lui d’après ce qui est prudent quant au bien de la multitude : car la bonne disposition des parties se prend de leur rapport au tout » [2]. Nous sommes donc une partie du tout que constitue la communauté politique. Voilà qui rabat sérieusement notre égoïsme et heurte de plein fouet l’individualisme libéral. Nous n’avons pas une fin individuelle totalement séparée du bien de la cité. Cependant, ce principe de totalité, si important, ne signifie pas que, même dans l’hypothèse d’un gouvernement juste et prudent, nous sommes incorporés dans un corps politique qui nous donne vie, détermine nos pensées et nos actions. Il est ainsi capital de saisir la distinction apportée par la philosophie entre le tout accidentel et le tout substantiel. Si le corps humain est un tout substantiel, car aucun membre n’a une vie propre par rapport au tout, il n’en va pas de même pour le corps politique, tout accidentel, dans la mesure où notre nature politique n’est pas en contradiction avec notre qualité d’être raisonnable, appelé à se diriger de lui-même vers sa fin. Ce principe est une nouvelle fois exprimé avec une grande clarté par saint Thomas d’Aquin : « Le tout qui est formé politiquement par un peuple, ou par une famille, n’a qu’une unité…

Pour continuer à lire cet article
et de nombreux autres

Abonnez-vous dès à présent

Joël Hautebert

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉgliseSociété

Padre au combat : au cœur de la mission, avec les soldats

Initiatives chrétiennes | Ancien aumônier militaire auprès des chasseurs alpins, des parachutistes et des légionnaires, le père Yannick Lallemand a accompagné les soldats jusqu’au cœur de l’épreuve, notamment lors du drame du Drakkar, à Beyrouth, en 1983. Retour sur une vie au service des âmes, à la croisée du courage militaire et de l’espérance chrétienne.

+

padre aumônier militaire
À la uneSociété

Actualité du terrorisme intellectuel. Entretien croisé avec Jean Sévillia et Mathieu Bock-Côté

Dossier-débat autour du terrorisme intellectuel | Alors que viennent de paraître Les Habits neufs du terrorisme intellectuel, comment ne pas saisir cette occasion pour creuser un peu plus ce qu'est cette forme de terrorisme, ses racines, ses méthodes et les moyens d'y résister ? Pour ce faire, nous avons dialogué avec Jean Sévillia et avec Mathieu Bock-Côté, préfacier du livre.

+

terrorisme intellectuel
À la uneSociété

Entretien vidéo : Les Habits neufs du terrorisme intellectuel

Entretien vidéo | Alors que viennent de paraître Les Habits neufs du terrorisme intellectuel, comment ne pas saisir cette occasion pour creuser un peu plus ce qu'est cette forme de terrorisme, ses racines, ses méthodes et les moyens d'y résister ? Pour ce faire, nous avons dialogué avec Jean Sévillia et avec Mathieu Bock-Côté, préfacier du livre.

+

bock-côté terrorisme intellectuel sévillia
SociétéPhilosophie

Peut-on penser l’universel à partir d’un fait divers ?

C'est logique ! de François-Marie Portes | Le meurtre tragique de Crépol a suscité une onde de choc nationale, des réactions politiques en cascade et des lectures contradictoires. Derrière l’émotion légitime, la raison s’interroge : peut-on déduire des décisions politiques valides à partir d’un fait singulier ? En revisitant le concept d’induction, quelques réflexions sur la manière dont un événement devient argument, et sur les limites de l’universel forgé à chaud.

+

Peut-on penser l’universel à partir d’un fait divers ? crépol