Marche pour la Vie 2024 : « Notre collectif est plein d’espérance en voyant tous ces jeunes se mobiliser aussi nombreux »

Publié le 16 Jan 2024
Marche pour la Vie
Dimanche 21 janvier prochain, la Marche pour la Vie organise sa manifestation annuelle parisienne. En ce début d’année, les lois en gestation font revenir sur le devant de la scène les grands thèmes de la défense de la vie : avortement, soins palliatifs, euthanasie. La Marche pour la Vie de ce mois-ci a souligné une fois de plus la nécessité et la gravité de ce combat. Entretien avec le Docteur Geneviève Bourgeois, gériatre et porte-parole de la Marche pour la Vie.

 

Quels sont les principaux thèmes de La Marche pour la Vie du 21 janvier prochain ?   

Nous arrivons à un moment du calendrier législatif où risque de passer la constitutionnalisation de l’avortement, en tout cas sa discussion. C’est donc le premier sujet, mais la défense de la vie ne peut pas dissocier le début de la fin de vie, le projet de loi sur l’« aide active à mourir » nous préoccupe également. 

 

Sur la question de la fin de vie, où en sommes-nous en ce début d’année ?   

Le projet de loi sur la fin de vie a « fuité » en décembre dernier et nous l’avons analysé. Ce projet voudrait intégrer l’euthanasie aux soins palliatifs alors même que la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a réalisé un excellent sondage auprès des soignants où une très large majorité le refuse, quelles que soient ses convictions politiques ou religieuses. Seulement 2 % seraient prêts à poser ce geste auprès de leurs patients.

Aujourd’hui, on veut nous faire croire que les mentalités sont prêtes mais, lors de la consultation citoyenne, le sujet ayant fait l’unanimité restait le besoin de développer les soins palliatifs. Il faut faire davantage dans ce domaine. Même si certains plans ont déjà été mis en place ce n’est pas suffisant. En France, le territoire n’est couvert qu’à 25 %, il faut aller plus loin. Comment peut-on faire la promotion d’une euthanasie qui viendrait répondre aux souffrances réfractaires lorsqu’on ne met pas en place des politiques palliatives efficaces où patients et familles sont réellement soulagés et accompagnés ? 

 

Sera-t-il encore possible de développer les soins palliatifs si l’euthanasie est légalisée ?   

Ce sera effectivement compliqué. L’euthanasie est un geste court, ne nécessitant qu’un seul soignant, alors que les soins palliatifs requièrent une équipe pluridisciplinaire formée. En médecine, le temps a un coût, si on doit malheureusement parler de rentabilité sur ces sujets. Il sera bien plus facile de mobiliser une seule personne plutôt qu’une équipe complète préparée. Et nous savons bien qu’il est déjà extrêmement compliqué de recruter des soignants.

Si vous faites aussi passer le message d’une euthanasie possible par les équipes de soins palliatifs auprès des populations vulnérables, ces personnes se laisseront moins naturellement accompagner. La Marche pour la Vie défend la troisième voie mise en avant par la loi Léonetti en 2005. Entre l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie, il y a le choix des soins palliatifs et c’est ceux-là que nous devons choisir. 

 

L’avis des soignants a-t-il bien été pris en compte pour la préparation de ce projet de loi ?   

Seule la SFAP l’a pris en compte en réalisant une étude extrêmement claire sans que les conclusions aient été entendues par les responsables politiques. Mais nous allons continuer à le donner. Même les 180 citoyens interrogés lors de la consultation l’année dernière ne se sont pas sentis entendus. Certains ont donc décidé de monter un collectif, et de nombreux soignants s’organisent également pour faire entendre leur voix.  

Personnellement, je participe à la formation de soignants qui refusent l’euthanasie, pour les aider à répondre et à résister aux différentes pressions afin de ne pas se retrouver à poser des gestes graves qu’ils pourraient par la suite regretter.  

Il est important de développer les soins palliatifs, les soignants refusent de donner la mort : les politiques doivent l’entendre. 

 
Quels sont les risques pour les soignants dans leur pratique de la médecine et leurs relations avec les patients ?   

Le serment d’Hippocrate initial est extrêmement clair sur la défense de la vie : on ne peut nuire à la vie, c’est-à-dire ni « délivrer de potion abortive » ni attenter à la vie, sans pour autant la retenir. Il s’agit d’accompagner et de respecter la vie. Tous les principes de soin seront encore une fois bousculés, pourtant ce sont des barrières nécessaires, des repères pour les soignants. Les équipes palliatives font un travail difficile mais extraordinaire, nous risquons de les voir abandonner si on leur enlève le sens de leur engagement.  

Pour ce qui est de la relation avec les patients, une véritable méfiance risque de s’installer. En 2012, l’élection de François Hollande avait provoqué une vague de crainte auprès de nos patients, à cause de la « proposition 21 » de son programme, évoquant une légalisation de l’euthanasie.

Certains ne voulaient plus se faire hospitaliser, même pour des pathologies simples, ou arrivaient dans les services tremblants de peur. La gestion du Covid a renforcé cette méfiance entre patients et soignants. La relation de confiance est essentielle dans ces moments de vie, l’écoute est indispensable pour mettre en place un accompagnement ajusté. Si les équipes palliatives ont la possibilité d’euthanasier, les patients n’oseront plus partager leurs souffrances morales ou physiques, de peur de les voir qualifier de « réfractaires » et de se voir euthanasier.  

 
Ce débat sur l’euthanasie parvient-il encore à mobiliser ?   

La Marche pour la Vie mobilise de plus en de plus de jeunes. Nous observons deux catégories très présentes lors de nos événements, les sexagénaires engagés depuis longtemps et sur le long terme,  qui n’ont pas baissé les bras, mais aussi les 18-35 ans (deux tiers de notre cortège). Ce sont des jeunes qui ont soif de formation, avec l’envie de promouvoir le respect de la vie. Il faut maintenant transformer l’essai de ce rendez-vous annuel en un engagement le reste de l’année auprès des associations ou dans la vie politique.

Nous avons recruté 600 jeunes bénévoles cette année, et nous leur proposons la veille une journée de formation sur les questions éthiques et médicales concernant les sujets défendus. Il s’agit de s’armer intellectuellement pour ne pas se laisser abuser par les techniques médiatiques qui veulent nous faire tomber dans une compassion fallacieuse. Le geste le plus généreux serait soi-disant de permettre l’euthanasie pour ne pas laisser souffrir inutilement les patients, alors que l’enjeu est de les soulager et de les accompagner sereinement en mettant toutes nos diverses compétences à leur service.  

Les soignants refusent très justement de considérer comme un soin le fait de tuer une personne. Notre collectif est plein d’espérance en voyant tous ces jeunes se mobiliser aussi nombreux pour défendre le respect de la vie, de son commencement à sa fin naturelle.  

 

>> à lire également : États-Unis : Interdiction quasi-totale de l’avortement dans l’Idaho

Marie Etcheverry

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