Mariage et amour ont-ils fini par divorcer après avoir fait mauvais ménage ? Le retour à une vraie compréhension du mariage permet de sceller à nouveau cette alliance.
Mariage et amour semblent avoir divorcé pour bon nombre de nos contemporains. Leur rencontre prend l’allure d’un contrat précaire qui ne résiste pas à un amour fugace. Si l’éthique conjugale de l’Église par la primauté de l’amour et la liberté de l’engagement s’accorde bien avec les évidences contemporaines, un lien conjugal indissoluble et unique passe pour une illusion voire une folie. Certes l’aspiration à aimer et être aimé reste une quête pour tous mais par ce que le monde infuse, même les époux mariés ont fini par penser que mariage et amour ne font pas bon ménage ; comme si les fins du mariage s’opposaient presque à celles des conjoints. Qu’en est-il donc de l’engagement nuptial et quelles finalités poursuit-il ? En quoi les finalités propres aux conjoints épousent-elles les fins spécifiques du mariage, preuve que loin de s’affronter, elles s’adossent l’une à l’autre dans la poursuite du bonheur ?
Le mariage est un contrat d’alliance qui fonde la famille, institution naturelle, sacramentelle, sociale et juridique avec pour finalité première la procréation et l’éducation des enfants, et pour finalité seconde l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence. Cette institution est le nécessaire cadre de cette cellule de base de la société et de l’Église : lien de justice, clôture perfective de la sexualité et sauvegarde contre la faiblesse des époux. Tout cela mais rien que cela.
L’ordre des commandements
Certains déjà voudraient trouver dans l’ordre des finalités l’expression d’un conflit d’intérêt entre le mariage et les époux laissant entendre que le premier est avant tout un mode de reproduction faisant peu de cas de la relation des conjoints qu’il relègue à la seconde place. Or cette fin secondaire n’est ni facultative, ni négligeable mais subordonnée à la fin principale et d’ailleurs elle est recherchée en premier lieu par les époux pour atteindre la première, comme le second commandement de la charité « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est pour ainsi dire observé avant le premier et le principal « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (Mt 22, 37-39), car comme nous le dit saint Jean : « Celui qui prétend aimer Dieu et n’aime pas son prochain est un menteur » (cf. 1 Jn 4, 20).
Cette double finalité du mariage forme donc un tout ordonné et indissociable, dépôt de sagesse et rempart de prudence pour l’arche nuptiale. L’institution pose le lien conjugal dans le cadre fondamental de l’exigence de justice – le bien dû à chacun – reflétée dans les prescriptions du droit canon. Mais la sauvegarde et l’accomplissement du lien selon les exigences de l’amour sont de la responsabilité des époux. C’est donc ici que les finalités propres aux époux viennent s’adosser à celles de l’institution. Le lien d’amour donne hauteur, largeur et profondeur aux finalités du mariage, permettant à la reproduction d’être pleinement une procréation en lui donnant sa vraie fécondité jusque dans l’éducation, faisant de l’aide mutuelle une véritable bienveillance et de la sexualité un langage du corps plus qu’un remède à la concupiscence. L’ordre objectif donné n’abolit pas l’ordre subjectif choisi ; il le suppose au contraire et le perfectionne. Le Christ lui-même n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir. L’évangile de Matthieu l’illustre bien : pour entrer dans la vie, il faut observer les commandements. Le Christ cite alors quatre interdits, une prescription positive et le commandement de l’amour du prochain tiré du Lévitique. Mais aucun des commandements relatifs à Dieu. Malgré l’observation de la Loi, le jeune homme garde un manque essentiel inscrit dans ce qui manque à la récitation du Décalogue par le Christ. Pour la perfection, la norme ne suffit pas, le sujet doit entrer dans la relation à l’autre, dans l’amour et dans l’alliance : « Va, vends, viens et suis-moi » (cf. Mt 19, 18-21).
Le mariage n’est pas un rite infaillible et au-delà de la loi et du cadre de l’institution, au-delà de l’arrogance des amours naissantes qui toujours se pensent indéfectibles, c’est par leurs choix et dans leurs actes que les époux restent les garants d’une communion toujours à cultiver. Même dans l’ordre sacramentel, le mariage est à la fois don et responsabilité pour les époux. Car s’il acquiert une solidité particulière par le don de la grâce du sacrement qui signe « ce que Dieu a uni », cette grâce est livrée aux conjoints qui doivent répondre de son devenir. Comme nul ne peut s’assurer la vision béatifique par le seul fait d’être baptisé, nul ne peut s’assurer le bonheur conjugal par le seul fait d’être marié.
Croître et Progresser Ensemble-N.-D. de Cana (croitreetprogresserensemble.com)