Mensonges ?

Publié le 29 Nov 2012
Mensonges ? L'Homme Nouveau

Le brave homme accoudé sur le rebord de la fenêtre de son échoppe, regardait l’œil en coin s’éloigner la frêle silhouette de l’écolier, en pensant : Merci, bonne fée d’avoir, en donnant la vie à Pinocchio, permit que, lorsqu’il transige avec la vérité, son nez s’allonge.

Geppetto avait comme tout un chacun une confiance toute relative dans les promesses de sagesse et d’assiduité à l’école que son pantin de fils proclamait la main sur son petit cœur. Et comme le vieil ébéniste, nous sommes en permanence confrontés à la taraudante question de confiance dans la parole de l’autre. Rien ne nous permet en effet de séparer le bon grain de l’ivraie, et il serait fort bien venu parfois de voir le museau de l’imposteur s’allonger en proportion de l’iniquité.

Que ce soit face au corps médical – car l’adage dit bien : menteur comme un arracheur de dents –, ou face à l’homme politique dont on sait bien que les promesses sont comme les roses de Malherbe, elles ne durent que l’espace d’un instant électoral. Mais il est curieux de constater que les plus grands menteurs, sûrement parce qu’ils connaissent toutes les ficelles de la fourberie, sont bien souvent ceux qui exigent des autres la plus grande droiture morale.

Mittal

Il est absolument hallucinant de voire l’improbable Robespierre de café-théâtre, – que le ventripotent de Tulle a placé à la tête d’un ministère à l’intitulé digne de la commedia dell’arte (bien qu’en l’espèce ce soit plutôt une tragédie) : le redressement productif –, jouer l’outragé dans le feuilleton des aciéries de Florange. Promettant à des électeurs d’une naïveté abyssale, et ce depuis des années, tout et son contraire, suivant l’air du temps, sûrement l’âge du capitaine et enfin pour faire bonne mesure, les révélations de Madame Irma et sa boule de cristal, le bredin devenu ministre s’étrangle d’une fureur d’opérette, face au patron d’Arcelor qui ne tient pas sa parole donnée lors du rachat des hauts fourneaux. Et notre menteur de profession de reprendre le petit livre rouge sang, réédité depuis plus de deux cents ans sous des dénominations diverses et dont les derniers avatars s’appellent : le Manifeste du parti communiste, Mein Kampf, Le Petit livre rouge de Mao, qui est en fait un annuaire de toutes les atrocités que l’on peut faire subir à son prochain.

Dans le catalogue des inepties concomitantes du dogme des camarades prolétaires, il n’y a sous la rubrique patron que des moyens de coercition, des noms d’oiseaux (pas ceux des îles !), bref tous les instruments pour faire rendre gorge à ces ennemis du prolétariat voire pour respecter le père Karl (pas le petit marquis tout empoudré de lui-même. Non, son compatriote qui sut si bien théoriser la haine et la jalousie en système politique…), le lumpenprolétariat (le prolétriat en haillons).

Donc, ce Monsieur Mittal, ayant choisi d’appartenir au cercle des vampires et autres affameur du peuple, il est nécessaire de lui faire subir la question, le supplice du pal et de l’estrapader en place de grève (ça c’est pour le symbole, car les camarades étant tous plus ou moins de la truelle et du compas, ils n’ont toujours pas fini de régler leurs comptes avec le royaume de France). Et Monsieur le ministre, mal fagoté dans son armure de ferblantier, a enfourché la rossinante médiatique, et déclaré la guerre au magnat de l’acier. Vu son patronyme et son appartenance politique, personne n’est surpris de l’impétuosité du va-t-en-guerre de la rue de Bercy, mais l’on a plus de mal à imaginer que Monsieur Mittal, tremblant dans ses chausses, se prépare à la cendre et aux herbes amères face aux rodomontades du moustique ministériel.

Et l’hyménoptère infatué de sa toute nouvelle gloire de redresseur de torts, la jugeote en état de déliquescence à cause du chikungunya moral (une maladie qui dissout la morale en un orgueil gluant et pestilentiel !), de se poser en moralisateur, et exiger du grand patron, le respect de la parole donnée. Certes, les méthodes du magnat de l’acier ne sont pas des mètres étalons de la morale, mais dans un monde où seul l’assouvissement des désirs de possession et de jouissance est devenu l’idéal d’une humanité repliée sur elle-même, peut-on à la fois exiger des salaires décents pour les ouvriers et se ruer sur les prix les plus bas, forçant par là même, les dirigeants d’entreprise à une course autour du monde, effrénée, pour trouver le pays où de pauvres gens acceptent encore, pour des salaires de misère, d’être des esclaves, pour qu’à l’autre bout du monde d’autres puissent exercer leurs droits délirants de jouir sans limites ?

Le mensonge est partout dans ces rapports humains dégénérés, mensonge du politique qui manque à son devoir d’organiser le bien commun, pour organiser un système corrompu et clientéliste à son seul profit ; mensonge du patron qui promet que rien ne changera mais qui connaissant la situation, sait très bien qu’à court terme, il devra fermer l’usine et envoyer ses ouvriers dans une vie de précarité et de stress ; mensonge du salarié qui refuse de voir la réalité et qui, encouragé par les feudataires du Komintern, bloque toutes négociations possibles et qui pire est, exige que les patrons conservent la production en France, mais n’achète lui-même que des produits venus de pays pratiquant l’esclavage moderne.

Cessons de nous mentir à nous-mêmes, et de mentir aux autres. Tant que nous accepterons ce dogme de l’offre et de la demande, qui fait que le prix d’une chose n’est pas l’addition du coût plus un juste profit, mais la maximisation du profit (jusqu’à quel niveau de prix les gens sont-ils prêts à aller pour acquérir un bien ?), et que nous accepterons tacitement que d’autres soient exploités au seul profit de notre jouissance égoïste, tant que nous fermerons les yeux sur les déséquilibres économiques que notre égocentrisme provoque, nous nous condamnons à vivre dans un monde de mensonges.

Et point n’est besoin de courir à l’autre bout du monde pour saisir l’ampleur du drame : voyez ces paysans travaillant trois fois plus que la moyenne des employés de la fonction publique, en être réduits à vivre non pas de leur travail, mais de subventions, dont les technocrates européens veulent bien pour le moment encore leur faire l’aumône, une manne inférieure au montant des secours que touchent les indigents, bénéficiaires du RSA.

Exiger de payer toujours moins cher les produits du travail agricole, est-ce moralement si différent du patron qui ne donne pas à ses ouvriers la juste rémunération de leur travail ? Si nous acceptons de fermer les yeux sans réagir à ce mensonge institutionnalisé, nous en sommes les complices actifs.

Ne crions pas à l’injustice, quand nos préoccupations sont diamétralement opposées à la justice. Mais la vraie justice, pas celle de la République dont les agissements vous donnent des haut-le-cœur, une justice dénuée de toute miséricorde et qui traite les affaires selon le droit et non selon la vérité, une justice déshumanisée qui traite les conflits sans tenir compte de l’homme.

Si comme dans le conte de fées, le nez de tous les menteurs s’allongeait, les gens de peur de voir cette protubérance s’allonger à chaque fois qu’ils maltraitent la vérité, prendraient une attention toute spéciale à ne pas mentir, ni par action, ni par omission.

Et dans ce monde qui va si mal, parce que l’on ne se soucie plus de son prochain si ce n’est pour essayer d’en tirer quelque chose, que l’on puisse élire, voire réélire de fats Tartarins, qui mentent sûrement plus qu’ils ne respirent, c’est à se frapper la tête contre les murs. C’est à pleurer que de voir les professionnels de la gaudriole faire se pâmer de rire le pays en parodiant les mensonges éhontés que, du bas en haut et de droite à gauche de l’échiquier politique, nos élus déploient comme des paons prévaricateurs, entraînant la France dans une détresse économique et morale.

Mais c’est dans nos actions de tous les jours, en essayant de trouver la justice dans la charité, que nous ferons reculer le mensonge et non pas en scandant avec des mines ulcérées de pharisiens, des diatribes contre ceci ou cela, contre celui-ci ou celui-là. Laissons cette parodie de justice à la fraternelle du Flanby adipeux, qui réunit en son sein une pléiade de hâbleurs fallacieux hors catégorie.

Avant de crier haro sur le baudet Mittal, commençons par un contrôle technique personnel, pour nous mettre en adéquation avec la vérité. Le reste, comme il est dit dans l’Évangile, nous sera donné par surcroît. 

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