Dans un discours antérieur de son voyage, le Pape s’était inspiré des eaux du Nil, qui traversent le Congo comme sa colonne vertébrale, pour montrer le rôle de l’eau dans l’action créatrice et providentielle de Dieu. Lors de son discours en la cathédrale Sainte-Thérèse à Djouba, le 4 février dernier, il évoque devant ses auditeurs un autre fleuve, le Chobar qui rappelle aux juifs l’exil à Babylone (cf. psaume 136). Les eaux de ce fleuve recueillaient les plaintes et souffrances et en même temps le désir de conversion des juifs repentis qui reconnaissaient leur grave erreur de s’être détournés de Dieu. Ici au Congo, le Pape rappelle cette triste page d’Israël pour inviter les Congolais à sortir des marécages insalubres de la corruption et du péché. Il les invite aussi à fuir la peur et il évoque tout naturellement la personne de Moïse, l’homme providentiel suscité par Dieu pour délivrer et sauver Israël du joug égyptien, type ainsi du Christ libérateur et sauveur de l’homme par sa victoire totale et définitive sur le monde, la mort et le péché.
Pour résoudre la question lancinante et mystérieuse de la souffrance, le Pape s’arrête sur deux attitudes de Moïse. Il s’attarde d’abord sur la docilité de Moïse face à l’initiative de Dieu. Celui-ci a préparé Moïse pour sa vocation toute spéciale. Si Abraham est le Père et l’ancêtre, en même temps que le modèle dans la foi de l’ancien et du nouvel Israël, Moïse est le véritable fondateur du peuple d’Israël, peuple choisi par Dieu pour être son peuple. Fondateur, Moïse apparaît également comme l’organisateur et le législateur de la vie religieuse et nationale du peuple élu. Sauvé des eaux par la fille du Pharaon, il a compris qu’il ne pouvait sauver son peuple tout seul. Dès lors, il a été un instrument parfaitement docile dans les mains de Dieu. Tout, en définitive, sert le plan de Dieu. C’est la grande leçon du livre de l’Exode. Devant le buisson ardent, face au Dieu redoutable unique et vrai, Moïse au moment crucial de son appel, ne se sent pas à la hauteur de sa tâche, mais il sent que, dans sa pauvreté même, il est l’élu du Seigneur pour une mission et une vocation qui le dépassent. Moïse n’est cependant pas un jalon isolé dans le plan de Dieu. Le texte de l’Exode nous fait comprendre combien la Révélation s’inscrit dans la continuité d’une Tradition qui assure le succès de l’œuvre divine, parce que Dieu choisit les ouvriers qu’il veut. Les évêques et les prêtres – en un mot tous les pasteurs – doivent se laisser aussi modeler par le Bon Pasteur. Aucun ne doit se comporter comme un mercenaire, ni un chef de tribus, mais bien comme un pasteur authentique, capable d’aller jusqu’à donner sa vie pour son troupeau.
La deuxième attitude de Moïse analysée en détail par le Pape est celle de l’intercession. Moïse a compris que Dieu était compatissant et miséricordieux et qu’il descendait toujours pour nous relever. Dès lors, Moïse n’a cessé d’être un intercesseur pour son peuple auprès de Dieu. Grand contemplatif, il fut élevé par la grâce divine à une haute intimité avec Dieu. Aussi fut-il un grand priant et en conséquence, un grand intercesseur. Toute la vie de Moïse n’a été qu’une prière, un véritable cri, une ardente intercession qui quelquefois se traduisait par un simple geste comme lors de la septième plaie d’Égypte, la grêle. Aux moments cruciaux, la prière de Moïse s’est muée en une puissante imploration. On peut vraiment dire que durant toute sa vie, Moïse fut le principal médiateur et même le médiateur par excellence entre Dieu et son peuple, figurant par avance l’unique Médiateur parfait qui est Jésus.