Le refrain appuyé de la chanson du 31 du mois d’août le rappelle sans ambages : le Français ne souhaite habituellement pas le meilleur au Royaume-Uni et à sa couronne. Depuis qu’ils ont brûlé Jeanne d’Arc, triomphé à Trafalgar, bombardé lâchement notre flotte à Mers el-Kébir, comment pourrait-il en être autrement ? « L’Angleterre, cette colonie française qui a mal tourné », raillait Clémenceau.
Adversaires historiques : on les appelle Rosbifs, Angliches ou Godons. Ennemis jurés : ils forment la « Perfide Albion ». Notre rivalité dépasse le millénaire : sur terre comme sur mer, dans les airs comme dans les stades, de Guillaume le Conquérant et la bataille d’Hastings au tournoi des Six Nations et le fameux Crunch (nom donné au match phare de la compétition entre le XV de France et le XV de la Rose), nos voisins d’outre-Manche n’ont traditionnellement pas nos faveurs. Et réciproquement.
Certes, la splendeur de leurs parcs, la noblesse des villas victoriennes, leur art de servir le thé, l’élégance so british plaident en faveur du peuple britannique. Agatha Christi dépasse de loin Frédéric Dard et les Peaky Blinders ont quand même plus d’allure que les monte-en-l’air des Batignolles. Oui, même leurs voyous ont du style !
Mais la dimension insulaire, implacablement, les rattrape. La culture britannique revêt bien trop de particularismes pour que nous puissions nous sentir absolument complices ou spontanément en communion d’esprit. La cuisine anglaise, la conduite à l’envers, la rupture avec Rome depuis Henri VIII, décidément, ces anglais ne sont pas nôtres et nous ne sommes pas eux.
Ils « filent à l’anglaise » et nous cultivons le « panache à la française ». Ils entretiennent la perfection de leur James Bond et nous nous réjouissons du caractère désinvolte d’Hubert Bonisseur de la Bath. Avouons-le : plus qu’une mer, un monde nous sépare.
Pourtant, le récent couronnement du Roi Charles III a manifesté au monde combien les anglais nous dépassent infiniment dans la conservation de leurs traditions et le maintien de leur fierté nationale. Le sacre d’un roi, en 2023, voilà déjà une réalité à elle-seule atomique dans l’univers techniciste et horizontal auquel la société postmoderne nous soumet chaque jour.
Pour ce qui est de l’Hexagone, lorsque l’on constate, impuissant et désolé, combien une simple crèche dans une mairie « pose question » et secoue le landerneau médiatique, on imagine dans les salles de rédaction l’apoplexie générale que susciterait l’annonce d’une cérémonie royale à Reims.
La couronne britannique, n’en déplaise à ses détracteurs, se maintient au-delà des modes et des courants. Les plus grincheux diront que tout cet appareil ne relève plus que du carton-pâte, de l’attrape-touriste, que la famille royale ne représente qu’un vivier de sujets pour la presse à scandales. N’y aurait-il pas intérêt à poser un regard plus large sur cet événement qui dépasse de loin les concernés et les spectateurs que nous sommes ?
Mélenchon peut bien se moquer du « sirop dégoulinant de la monarchie », à n’en pas douter les millions de français qui ont vibré à la liturgie royale du couronnement devant leurs écrans semblent davantage fascinés par tant d’Histoire, de déploiements rituels, d’efflorescence de symboles que par le débraillé suffisant des députés de la NUPES.
Sur BFM TV, l’ancienne ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, distribuait quant à elle ses « windsors du ridicule », comme on remet des césars ou des molières. Sarcastique, elle fustigeait, sans nuance et méchamment, les ors du sacre royal de Charles III : vêtements de carnaval, oreilles décollées du Roi, cérémonie grotesque du balcon…
On n’a pas souvenir l’avoir entendue, lorsqu’elle était en fonction, s’indigner des mœurs du showbiz où l’indigence se dispute à la vulgarité, où l’outrance rivalise avec la provocation. A tout prendre, en matière d’élégance et de ridicule, heureusement pour Roselyne Bachelot que les français n’ont pas un choix à effectuer entre elle et Kate Middleton, la démocratie serait sans appel…
« Les rois sont des monstres », affirmait Robespierre. La Révolution, toute violente qu’elle fut, n’a pas réussi à supprimé l’esprit de cour. Dans l’univers républicain, des roitelets sans couronne continuent de gouverner sans partage et il arrive que des « barons » s’accaparent circonscription ou responsabilités locales au mépris du bien commun.
Mais le rejet du roi en cache un autre plus subtil, plus profond et, dramatiquement, plus grave : le rejet du Christ qui est le Roi des Nations et dont le règne n’est pas seulement spirituel. Si le sacre de Charles III donnait à chaque catholique français l’occasion de réfléchir sur le rôle qu’il a à jouer pour contribuer au règne social de Notre-Seigneur, alors – que mes ancêtres bretons me le pardonnent – c’est bien volontiers que je tonne à mon tour : « God save the King ! »
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