Ah, la joie indicible de monter la crèche ! Chaque entrée en décembre, le même rituel rejoint et unit les catholiques du monde entier : on ressort de sa cave, de son grenier ou d’un vieux coffre les cartons contenant les santons colorés qui dorment depuis le 2 février dernier, emmaillotés dans du papier de soie. Déjà un parfum de Noël s’installe chez soi et le miracle est fait !
Mais de quel miracle parle-t-on ? Il suffit de regarder nos santons ! La crèche représente une citadelle d’espérance pour notre civilisation en danger. En son sein réside une chaleur communicative propre à allumer les contre-feux nécessaires face à la décadence. Avant les cadeaux de Noël si attendus, la période de l’Avent dévoile son premier trésor : la douceur de vivre des santons.
À nous de retrouver notre cœur d’enfant, de prendre place au milieu d’eux et d’entrer dans la danse ! Mireille avec sa cruche, nos amis les bergers, le Ravi, le garde-champêtre gardant ses collines comme le Pistachié protège ses bouteilles, l’aveugle et son fils, le couple de bastidanes, l’Arlésienne aux étoffes multicolores, le Bartoumieu faisant du charme aux bugadières, le tambourinaire en pleine discussion avec monsieur Jourdan : comme ils sont beaux, frais et merveilleux à voir !
Il est toujours là
L’Avent, dans ses scintillements et ses recueillements, nous invite à toujours mieux réaliser combien le divin Enfant a marqué le début d’une civilisation formidable et indépassable. Face à cette venue, si touchante et si bouleversante à la fois, nous resterions là ? les bras croisés ? le cœur au fond des poches ? Il va pourtant venir notre bon petit Jésus. Comme il le fait du reste à chaque messe, à chaque absolution, lors de chaque sacrement. Il vient. Il ne cesse de venir.
Depuis 2 023 années bien tonnantes et bien gorgées de trésors divins, il arrive toujours. À sa manière. Inégalable. Les bras grands ouverts et le cœur au large. Pour qui veut l’étreindre et lui sourire. Il est toujours là, à la disposition de nos âmes fatiguées. Et bien plus que de nous attendre, la vérité de Bethléem se fait plus sublime encore : il nous désire et vient à notre rencontre !
Premier chapitre du cycle liturgique, l’Avent est une école de vie. L’ouvrir par le bon bout déterminera grandement l’allure de notre conduite intérieure. L’étoile des bergers nous fait cheminer vers un monde nouveau. Un écosystème qui nous rappelle qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, que la noblesse vaut mieux que la jouissance et que seul le pardon est capable de transfigurer nos désirs de vengeance. Un cadre évangélique enseignant que les choses ne valent que ce qu’elles coûtent, affirmant que si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu et soulignant que Jésus, dès sa naissance, a mis sa peau au bout de son exemple.
La période de l’Avent replace sous nos yeux une vérité toute simple, souvent oubliée et pourtant fondatrice : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive » (Marc 8, 34). Dans la misère de la crèche et la solitude de Bethléem, le Christ enseigne à l’humanité que contribuer à l’œuvre de la Rédemption ne consiste pas à s’installer dans des chaussons mais à se consumer.
L’Avent, un temps d’espérance
Surtout, l’Enfant Jésus nous rassure. Uni aux hommes dans le dénuement et la détresse, il semble leur murmurer : « Courage, petit troupeau. (…) Vous avez des tribulations dans le monde, mais prenez confiance, j’ai vaincu le monde » (Luc 12, 32 et Jean 16, 33). Déjà la chaleur des bergers, l’adoration des mages et la farandole des santons préviennent les hommes de foi d’une vérité considérable : l’espérance obtient tout. Et cette espérance a un visage. Le visage du divin poupon.
La préparation à la célébration de la naissance du Christ n’a donc pas d’autres buts que nous fourbir des armes de lumière. Le sens de la famille contre le coup d’État démographique. L’accueil de la vérité plutôt que les oukases liturgiques. L’importance de la transmission contre la lèpre du wokisme. Oui, nos permanences ont fait leur lit dans la paille de Bethléem. Revenir à la source n’est pas seulement une œuvre de piété, elle est une condition de notre continuité.
À l’heure où notre socle civilisationnel craque de toutes parts, ce n’est pas un hasard si la féerie de Noël elle-même est attaquée, comme on l’a vu récemment dans la ville de Nantes où les célébrations de la Nativité sont désormais appelées « fête de la créativité »…
L’Avent nous dit par avance que nous avons toutes les raisons du monde de parier sur cette pauvre étable, ouverte aux quatre vents. Ici, c’est la fidélité qui domine et la confiance qui maintient. Un double programme à faire nôtre. Dès maintenant. Et pour l’avenir.
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