Notre quinzaine : Le retour du Roi

Publié le 11 Déc 2024
christ roi

Adoration de l'Enfant, Gerard Van Honthorst. © Alamy Stock Photo

> Éditorial de Philippe Maxence

 

Vu la situation globale dans laquelle nous nous trouvons, il peut sembler hors du temps de proposer un dossier sur le Christ-Roi et de lancer une enquête à ce sujet. Provocation redoublée quand on considère que l’Avent, dans lequel nous sommes entrés récemment, nous prépare à accueillir un enfant qui naît au fond d’une étable, dans la plus stricte pauvreté.

Cet enfant, justement, il est bien roi et ce dès les origines. Roi comme Dieu et roi comme homme. Les Mages ne s’y sont pas trompés, en venant déposer respectueusement leurs cadeaux aux pieds de celui dont la cour était simplement constituée de Marie et de Joseph, ainsi que d’un âne et d’un bœuf.

Un sujet dépassé ?

Mais pourquoi spécifiquement aborder cette question de la royauté du Christ, alors que le mystère de Noël ne s’y réduit pas ? Tout simplement parce que L’Homme Nouveau a décidé de lancer une Année du Christ-Roi à l’occasion du centenaire de la publication par Pie XI de l’encyclique Quas Primas, le 11 décembre 1925.

Dans ce texte historique, le pape de l’époque instituait solennellement la fête du Christ-Roi qui devait être célébrée par l’Église entière le dernier dimanche d’octobre. Il y insistait aussi sur l’aspect social et politique de cette royauté dans un monde qui avait déjà renié formellement la loi du Christ et qui marchait alors à grand pas vers la guerre au rythme de l’avancée des totalitarismes.

Certes, la proclamation du Christ-Roi entrait de plain-pied dans l’orientation générale du pontificat de Pie XI et de la stratégie de reconquête de la société qu’il avait mise en place, ad intra avec l’Action catholique, et ad extra avec un effort missionnaire important. On pourra relire à ce sujet l’intéressante biographie de ce pape par notre collaborateur Yves Chiron [1].

Cette stratégie globale a eu des résultats divers. La reconquête de la société européenne par l’Église n’a pas eu lieu et cette dernière est entrée à front renversé dans une attitude de profil bas qu’elle a largement théorisée. Elle l’a traduite dans sa liturgie en renvoyant la fête du Christ-Roi à la fin de l’année liturgique, la limitant à une portée eschatologique, et en supprimant en conséquence une partie des prières en rapport avec la royauté sociale. Il n’est pas certain que le résultat fut meilleur, et le bilan, pourtant nécessaire et urgent, ne semble toujours pas à l’ordre du jour.

À défaut de celui-ci, porté par l’autorité légitime, il n’est pas inutile de nous interroger et de recueillir des avis éclairés par la science, l’expérience et la fonction sur ce que recouvre la royauté du Christ afin de déterminer les moyens adaptés pour la faire reconnaître aujourd’hui.

Examen de conscience

Ne nous voilons pas la face ! Il ne suffit pas de rappeler la nécessité urgente de la royauté du Christ pour qu’elle soit reconnue, ni de porter un étendard frappé du Sacré Cœur pour se trouver quitte. Bien au contraire, il y a une espèce d’examen de conscience à effectuer à ce sujet, d’autant plus délicat qu’il doit tenir compte de deux critères opposés.

Il s’agit, d’une part, de ne pas nier ou mettre sous le boisseau le principe de la royauté du Christ, notamment dans sa portée sociale et politique, sous prétexte que la réalité qui nous entoure lui est immédiatement contraire.

Mais il n’est pas non plus possible, d’autre part, de nier cette réalité sous prétexte qu’il est nécessaire de conserver le principe.

De cette situation naît évidemment une tension qui appelle de notre part l’œuvre de l’intelligence et du discernement afin de déterminer ce qu’il est possible de faire sans renier le principe.

Le dogme de la Rédemption

La royauté du Christ appartient au dogme de la Rédemption. Elle n’est pas une invention de Pie XI pour un temps qui serait aujourd’hui révolu. L’une de ses conséquences est la royauté sociale du Christ, qui relève à la fois de la nature humaine et de l’économie du Salut.

Le travail à effectuer pour la rendre effective est d’une ampleur colossale qui ne semble pas à portée d’une vie d’homme. D’où la nécessité de se fixer des objectifs intermédiaires et de recourir à quelques présupposés. Le premier : tenir ferme l’enseignement du principe et en continuer la diffusion. Le second : penser en dehors du conformisme aussi bien religieux que civil car l’enfermement intellectuel et moral est un frein puissant à l’émergence des solutions.

On le voit, l’ambition de L’Homme Nouveau n’est pas petite à travers le lancement de cette enquête et de cette Année du Christ-Roi. Nous n’aurons pas de trop d’un an pour un tel travail. En attendant, comment ne pas vous souhaiter un saint Noël au nom de toute notre équipe ?

 


[1] Yves Chiron, Pie XI, Via Romana, 664 pages, 25 €.

 

>> à lire également : Quas Primas (1/4) : Une encyclique pour son temps

 

Philippe Maxence

Philippe Maxence

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