> Éditorial de Philippe Maxence
La nouvelle du décès de François n’a surpris personne. Depuis plusieurs mois, nous savions qu’il était malade et qu’il pouvait, d’un moment à l’autre, rendre son âme à Dieu. C’est peu dire que son pontificat aura marqué l’Église, même s’il l’a beaucoup bousculée, en cette période de sécularisation accélérée dans une grande partie du monde, alors que prêtres et fidèles avaient besoin d’être confortés et affermis dans leur foi au Christ, dont nous venons justement de célébrer la Résurrection.
Quel bilan ?
Que restera-t-il de son pontificat ? Des décennies de journalisme dans la presse catholique m’ont appris au moins une chose : le temps fait son œuvre et son usure est parfois extrêmement rapide. Il peut permettre aussi de mieux saisir ce qui apparaissait sur le moment comme étonnant. Pour reprendre une formule d’un ancien président de la République, « il faut laisser du temps au temps ».
À la mort de Jean-Paul II, alors que des milliers de fidèles réclamaient une canonisation immédiate – « santo subito » –, son pontificat, le troisième plus long de l’histoire de l’Église, semblait avoir donné un tournant décisif à l’Église. Sa continuation à travers celui de Benoît XVI, une personnalité différente, mais une orientation commune, avait encore renforcé cet aspect d’inscription dans la durée.
Bien qu’il l’ait canonisé, le pape François a semblé patiemment détricoter cet héritage, notamment en ce qui concerne la morale et la structure même de l’Église. Pour quel bilan précis ? Là encore, il est trop tôt pour le dire. Dans les années à venir, les historiens auront à débroussailler cette question.
Prière pour le repos de l’âme de François
En attendant, nous devons d’abord prier pour le repos de l’âme de François afin qu’il trouve auprès de Dieu cette miséricorde dont il avait fait un axe de son pontificat. Dans nos approches tout humaines de celle-ci, nous avons tendance à l’opposer à sa justice.
Le père Bonino, actuel président de l’Académie pontificale de saint Thomas d’Aquin, faisait remarquer dans un article publié dans la revue Communio (n° 243, 2016) que « la dialectique insoluble entre rigoristes et laxistes – comment doser sévérité et indulgence ? – relève sans doute davantage de la caractérologie que de la théologie »;
Il n’en reste pas moins que la miséricorde, loin de s’opposer à la justice divine, ce qui impliquerait une imperfection en Dieu, est réalisée dans le cadre de la justice. Saint Thomas précise d’ailleurs à ce sujet : « Dieu agit miséricordieusement, non certes en faisant quoi que ce soit de contraire à sa justice, mais en accomplissant quelque chose qui dépasse la justice » (Somme théologique, Ia, 21, 3). Le Psaume 84 le dit aussi à sa manière : « La miséricorde et la vérité se sont rencontrées : la justice et la paix se sont donné un baiser » (84, 11, traduction de la Vulgate par l’abbé Glaire).
S’il convient donc à tous les catholiques de prier pour le repos de l’âme de François, nos prières doivent aussi monter vers le Ciel pour la Sainte Église. À son sujet, nous avons certainement un grand effort de purification à entreprendre qui commence par le regard que nous posons sur elle. Trop souvent réduite à n’être qu’une « institution », nous oublions qu’elle est le Corps mystique du Christ, celui-ci continuant ainsi de se communiquer dans le temps, malgré le péché des hommes qui l’habitent.
À ce titre, le nombre de catéchumènes français qui ont reçu le baptême dans la nuit de Pâques – plus de 17 000 cette année, en augmentation de 45 % par rapport à… 2024 –, est un signe manifeste de l’action de la Grâce dans notre monde sécularisé.
Pour la liberté des forces vives
Aujourd’hui, l’Église a certainement besoin de retrouver sa paix intérieure et de sortir de l’ère du soupçon, afin de permettre à ses forces vives de continuer à témoigner de la vérité du Christ dans un environnement hostile ou indifférent. Il appartient certes aux cardinaux, lors des congrégations préparatoires et du conclave, de décider qui sera le prochain successeur de Pierre et donc des grandes orientations pour l’Église.
Il n’empêche que nous pouvons prier pour que la guerre civile entre catholiques cesse et que sans anarchie, mais avec la véritable liberté des enfants de Dieu, tous ceux qui sont habités d’un vrai dynamisme puissent exercer leur apostolat au service de l’Évangile.
Sur quelle base ? Allons à l’essentiel et retournons aux « fondamentaux » de l’Église, magnifiquement condensés dans les premières questions du rituel traditionnel du baptême :
« Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? »
« La foi ! »
« Que vous procure la foi ? »
« La vie éternelle. »
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