Cela fait maintenant dix ans que Vincent Lambert serait en « fin de vie ». Dix ans, quand même, c’est une fin si longue qu’elle n’en est plus vraiment une. Mais Vincent Lambert est devenu l’une des icônes d’un combat idéologique sur la fin de vie, si bien que l’on peine à croire que le déploiement simultané d’une réflexion sur l’euthanasie à l’occasion des états généraux de la bioéthique et de nouvelles décisions médicales le concernant soient un hasard.
Vincent Lambert a été victime d’un accident de la route en 2008 et il est, depuis, plongé dans un état pauci-relationnel. Le 9 avril dernier, le Dr Sanchez, en charge de Vincent Lambert au CHU de Reims, a annoncé sa décision de l’arrêt des traitements au nom du refus de l’obstination déraisonnable. Mais en fait de traitements, il s’agit de l’alimentation et de l’hydratation, administrées par sonde à Vincent qui, par ailleurs, n’est branché à aucune machine et respire de manière absolument autonome. Et si Vincent est, depuis des années, dans un service de soins palliatifs, ce n’est pas parce qu’il est en fin de vie, atteint d’une maladie grave, évolutive ou terminale mais parce que le transfert demandé par ses parents dans un service adapté à son handicap a été refusé. Vincent Lambert est donc, depuis 2014, enfermé à clé dans sa chambre d’hôpital, sous surveillance vidéo et ne peut que difficilement recevoir des visites. Ses parents, pourtant présents quotidiennement à son chevet, sont toujours obligés de laisser leur carte d’identité pour pouvoir entrer dans la chambre de leur fils. Vincent n’a pas le droit de sortir de sa chambre, les promenades en fauteuil roulant lui sont refusées, comme d’ailleurs les soins de kinésithérapie qui sont normalement dispensés aux personnes atteintes du même handicap que lui.
Bref, Vincent Lambert est traité moins bien qu’un prisonnier et il est désormais condamné à mourir de faim et de soif. Ce n’est pas la première fois qu’il est condamné à ce qui s’apparente à une forme de torture puisque, en 2013, déjà, le Dr Kariger, alors en charge de Vincent, avait cessé l’alimentation et l’hydratation. Il avait pris la décision avec Rachel, l’épouse de Vincent Lambert, sans en informer les parents. C’est par hasard que sa mère a découvert que son fils n’était déjà plus nourri depuis 16 jours. Signalement auprès du Procureur de la République, négociations… Les démarches avaient pris un certain temps si bien que Vincent ne fut à nouveau nourri et hydraté qu’au bout de 31 jours. Mais il est toujours vivant. Une preuve qu’il s’accroche à la vie ? Rien n’est certain, évidemment, mais l’intention de mourir que de nombreux promoteurs de l’euthanasie prêtent à Vincent Lambert n’est peut-être pas si évidente que cela. Et le 16 mars dernier, 24 médecins spécialistes de la prise en charge de personnes en état pauci-relationnel ont adressé une lettre au Dr Sanchez pour s’opposer à sa mise à mort, pointant notamment que Vincent « a des capacités relationnelles et de déglutition incontestables. Il ne relève donc pas d’un questionnement d’obstination déraisonnable ».
L’affaire Vincent Lambert aura au moins permis de pointer du doigt, tragiquement, hélas, les dangers de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, qui permet notamment de qualifier l’alimentation et l’hydratation de traitements et non plus comme des soins dus à toute personne quel que soit son état. Mais, déjà, la loi Leonetti de 2005 ouvrait la porte à une forme de « laisser-mourir »…
Viviane Lambert, mère de Vincent, a adressé dans les colonnes du Figaro le 11 avril dernier une lettre poignante au Président de la République. « Mon fils a été condamné à mort. Il s’appelle Vincent Lambert, il vit, et n’a commis aucun crime. Et pourtant, un médecin m’a annoncé que dans dix jours commencerait la lente agonie de mon enfant, qui va mourir de faim et de soif », écrit-elle, suppliant pour que son fils ne devienne pas « un cas d’école ». Car c’est exactement ce qui se déroule sous nos yeux, dans des circonstances qui ne sont pas sans rappeler celles de la mort d’Hervé Pierra, jeune homme qui avait tenté de se suicider par pendaison en 1998. Réanimé par son père, il était néanmoins resté dans un état végétatif irréversible et était alimenté par sonde. En 2005, après la parution des décrets de la loi Leonetti, les parents d’Hervé Pierra avaient remué ciel et terre pour obtenir des médecins l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de leur fils. Le protocole avait été mis en place, sans sédation pour ne pas ralentir le processus. Les parents Pierra ont alors assisté aux 6 jours d’agonie de leur fils, pris de convulsions, comme « branché sur un courant électrique », aux dires de ses proches. Qui peut supporter de voir ainsi un proche mourir de faim et de soif ? Personne. L’affaire Pierra, déjà, avait été pour les militants de l’euthanasie une formidable occasion de militer pour une mort « propre », rapide et sans douleur. Et nul doute que Vincent Lambert sera lui aussi l’occasion rêvée pour justifier la piqûre létale. Ou plutôt la « sédation profonde et explicitement létale », pour reprendre les termes fleuris du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) qui a publié le 10 avril dernier un avis favorable à l’euthanasie.
Que faire pour Vincent Lambert et toutes les personnes en état pauci-relationnel comme lui ? Signer massivement l’appel pour sauver Vincent Lambert, sur www.jesoutiensvincent.com et prier, bien sûr, comme l’a demandé le pape François le 15 avril, en appelant publiquement à prier pour Vincent Lambert et pour que toutes les personnes malades soient respectées dans leur dignité.